Crédits photo -- AP
Cette année, le prix Nobel de la Paix a été décerné à l’OAIC pour son remarquable effort dans l’élimination des armes chimiques. Au regard des récents événements en Syrie, c’est un prix particulièrement important. Tous les lauréats de ce prix ne peuvent toutefois pas se vanter d’être si bien reçus par le public, ce qui amène certaines questions quant au choix du Comité. Le Journal International a cherché à en savoir plus à travers l’interview que Karin Cecilie (Kaci) Kullmann Five, l’une des membres du Comité, nous a accordée. Kaci Five fut autrefois membre du Parlement norvégien, ministre du Commerce et de la Navigation pour le parti conservateur et fait partie du Comité Nobel depuis 2003.
Alfred Nobel était un chimiste, ingénieur et inventeur suédois qui a laissé cinq prix Nobel dans son testament, parmi eux, le prix Nobel de la Paix est le plus réputé. Les premiers prix ont été décernés à une époque où la Suède et la Norvège étaient unies, et Nobel choisit de laisser à la Norvège la tâche de décerner le prix de la Paix, tandis que la Suède gardait la nomination des autres lauréats. Une variété de personnalités ou d’organisations ont depuis reçu ce prix, dont le public n’est que rarement informé des autres nominés.
Il est clair que le prix Nobel de la Paix de cette année n’est en rien controversé. Mais cela n’a cependant pas toujours été le cas. La Norvège est le seul pays en Europe qui a dit non, par référendum, à l’entrée dans l’Union européenne, pas une, mais deux fois, en 1972 et en 1994. La réaction du Comité Nobel était facile à imaginer lorsque le prix de la Paix fut attribué à l’Union européenne, alors aux prises avec la crise économique la plus terrible que le monde ait jamais connu depuis les années 1930. Torbjørn Jagland, le président du Comité, est connu pour son soutien envers l’UE.
Alors que les médias et l’opinion publique débattent sur le mérite du vainqueur, le gouvernement norvégien est le premier à souligner l’indépendance du Comité Nobel, qui prend sa décision en dehors de toute influence politique. Lors de l’attribution du prix Nobel de la Paix de 2010 à Liu Xiaobo, activiste pacifique chinois, cette indépendance a toutefois été remise en cause, et la décision a durablement marqué les relations de la Norvège avec la Chine, qui boycotte depuis lors l’importation du bois norvégien. Malgré l’autonomie complète du Comité Nobel, ses décisions sont souvent perçues comme des « choix norvégiens ». Cette interview pourrait bien rectifier quelques malentendus.
Alfred Nobel était un chimiste, ingénieur et inventeur suédois qui a laissé cinq prix Nobel dans son testament, parmi eux, le prix Nobel de la Paix est le plus réputé. Les premiers prix ont été décernés à une époque où la Suède et la Norvège étaient unies, et Nobel choisit de laisser à la Norvège la tâche de décerner le prix de la Paix, tandis que la Suède gardait la nomination des autres lauréats. Une variété de personnalités ou d’organisations ont depuis reçu ce prix, dont le public n’est que rarement informé des autres nominés.
Il est clair que le prix Nobel de la Paix de cette année n’est en rien controversé. Mais cela n’a cependant pas toujours été le cas. La Norvège est le seul pays en Europe qui a dit non, par référendum, à l’entrée dans l’Union européenne, pas une, mais deux fois, en 1972 et en 1994. La réaction du Comité Nobel était facile à imaginer lorsque le prix de la Paix fut attribué à l’Union européenne, alors aux prises avec la crise économique la plus terrible que le monde ait jamais connu depuis les années 1930. Torbjørn Jagland, le président du Comité, est connu pour son soutien envers l’UE.
Alors que les médias et l’opinion publique débattent sur le mérite du vainqueur, le gouvernement norvégien est le premier à souligner l’indépendance du Comité Nobel, qui prend sa décision en dehors de toute influence politique. Lors de l’attribution du prix Nobel de la Paix de 2010 à Liu Xiaobo, activiste pacifique chinois, cette indépendance a toutefois été remise en cause, et la décision a durablement marqué les relations de la Norvège avec la Chine, qui boycotte depuis lors l’importation du bois norvégien. Malgré l’autonomie complète du Comité Nobel, ses décisions sont souvent perçues comme des « choix norvégiens ». Cette interview pourrait bien rectifier quelques malentendus.
Le Journal International : Pourquoi la remise du prix Nobel de la Paix revient à la Norvège alors que les autres prix Nobel sont décernés en Suède ?
Kaci Five : Si seulement nous le savions ! Alfred Nobel n’a jamais expliqué à qui que ce soit pourquoi le prix de la Paix ne devait pas être décerné par un comité suédois. Nous ne pouvons que spéculer sur les raisons qui l’ont poussé, en 1895, à confier la tâche de nommer un comité pour le prix de la Paix au Parlement norvégien. Quelques théories ont pu être élaborées : Nobel voulait peut-être simplement répartir les prix au sein de l’union Suède-Norvège. Rappelons que le Parlement de Norvège était par ailleurs le premier parlement national à affirmer son soutien au mouvement international de la paix. Mais Nobel pouvait également craindre que ce prix ne devienne un instrument politique, et voulut en réduire l’importance pour n’en faire qu’un instrument de paix en l’éloignant du pouvoir suédois : la Suède était à l’époque la première puissance en Scandinavie.
JI : Quelle est l’histoire de la composition du Comité et comment est-il constitué ?
KF : Le testament d’Alfred Nobel spécifie qu’un comité de cinq membres serait nommé par le Parlement de Norvège, avec pour tâche de décerner le prix de la Paix. Les membres sont choisis pour un mandat renouvelable de six ans. Aujourd’hui, la composition du Comité reflète le lien relativement fort qui unit les partis politiques au Parlement. Par ailleurs, les membres du Comité ne doivent pas forcément être norvégiens, bien que ça ait toujours été le cas jusqu’à présent.
Chose importante, le Comité est tout à fait indépendant du Parlement ; c’est un principe capital depuis le premier prix Nobel de la Paix en 1901. Si l’on se penche sur la composition du Comité au cours des premières décennies, on peut toutefois remarquer une relation très rapprochée avec le gouvernement, voire une influence politique. Mais la décision très controversée d’attribuer le prix de 1935 à l’avocat juif-allemand Carl von Ossietzky a apporté quelques modifications au règlement du Comité. Deux de ses membres, l’un ancien Premier ministre, l’autre ministre des Affaires étrangères, se retirèrent du Comité pour souligner le fait que la décision n’avait pas été prise au nom du gouvernement. Depuis cet événement, les membres du gouvernement ne peuvent plus être nommés au Comité.
Kaci Five : Si seulement nous le savions ! Alfred Nobel n’a jamais expliqué à qui que ce soit pourquoi le prix de la Paix ne devait pas être décerné par un comité suédois. Nous ne pouvons que spéculer sur les raisons qui l’ont poussé, en 1895, à confier la tâche de nommer un comité pour le prix de la Paix au Parlement norvégien. Quelques théories ont pu être élaborées : Nobel voulait peut-être simplement répartir les prix au sein de l’union Suède-Norvège. Rappelons que le Parlement de Norvège était par ailleurs le premier parlement national à affirmer son soutien au mouvement international de la paix. Mais Nobel pouvait également craindre que ce prix ne devienne un instrument politique, et voulut en réduire l’importance pour n’en faire qu’un instrument de paix en l’éloignant du pouvoir suédois : la Suède était à l’époque la première puissance en Scandinavie.
JI : Quelle est l’histoire de la composition du Comité et comment est-il constitué ?
KF : Le testament d’Alfred Nobel spécifie qu’un comité de cinq membres serait nommé par le Parlement de Norvège, avec pour tâche de décerner le prix de la Paix. Les membres sont choisis pour un mandat renouvelable de six ans. Aujourd’hui, la composition du Comité reflète le lien relativement fort qui unit les partis politiques au Parlement. Par ailleurs, les membres du Comité ne doivent pas forcément être norvégiens, bien que ça ait toujours été le cas jusqu’à présent.
Chose importante, le Comité est tout à fait indépendant du Parlement ; c’est un principe capital depuis le premier prix Nobel de la Paix en 1901. Si l’on se penche sur la composition du Comité au cours des premières décennies, on peut toutefois remarquer une relation très rapprochée avec le gouvernement, voire une influence politique. Mais la décision très controversée d’attribuer le prix de 1935 à l’avocat juif-allemand Carl von Ossietzky a apporté quelques modifications au règlement du Comité. Deux de ses membres, l’un ancien Premier ministre, l’autre ministre des Affaires étrangères, se retirèrent du Comité pour souligner le fait que la décision n’avait pas été prise au nom du gouvernement. Depuis cet événement, les membres du gouvernement ne peuvent plus être nommés au Comité.
JI : Parmi combien de candidats le Comité Nobel doit-il choisir ? Qui peut les nommer ?
KF : Cette année, le Comité a dû choisir parmi 259 candidats. Parmi eux, 30 étaient des organisations. Les candidats au prix Nobel de la Paix peuvent être désignés par des membres du Parlement et du gouvernement, des membres des tribunaux internationaux, des professeurs d’université en sciences sociales, histoire, philosophie, droit ou théologie, les précédents lauréats du prix Nobel de la Paix, d’anciens membres du Comité Nobel… D’après les statuts de la Fondation Nobel, le Comité Nobel ainsi que le Comité des nominations ne sont pas autorisés à publier les noms des candidats. Une règle qui n’est cependant pas toujours respectée. Le prix Nobel peut être attribué au maximum à trois personnes différentes.
JI : Comment le Comité choisit-il le lauréat du prix Nobel de la Paix ?
KF : Au début de l’année, les membres du Comité se rassemblent autour de la liste des prétendants au prix. S’ils le souhaitent, le Comité peut compléter cette liste avec d’autres noms qu’ils estiment pouvoir prétendre au Prix. Cependant, si un conflit se résout après cette réunion, et que les noms de ceux qui l’ont résolu n’apparaissent pas sur la liste, le Prix ne peut pas leur être attribué cette année-là.
Dans le cas où le Comité aurait besoin de plus d’informations au sujet des nominés, une équipe de conseillers la plupart du temps composée de professeurs d’histoire ou de science politique peut les aider. Après chaque réunion, la liste des nominés est réduite. Le Comité est accompagné par des experts internationaux. De février à octobre, le Comité se retrouve 6 ou 7 fois avant de prendre la décision finale.
JI : Un climat ou une appartenance politique peuvent-elles compliquer le travail des membres du Comité ? Est-ce un obstacle ou plutôt un avantage dans le choix du lauréat ?
KF : Non, je ne pense pas que ce soit un obstacle. Les hommes politiques ont l’habitude de chercher des compromis. Le but est de se mettre d’accord pour n’en choisir qu’un. Au court des dernières décennies, il n’y a eu qu’une exception. En 1994, Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin ont reçu le Prix Nobel de la Paix. Un des membres s’est retiré du Comité car il n’était pas en accord avec les quatre autres membres.
JI : Le Comité Nobel est-il préparé aux critiques après avoir pris ces décisions controversées ? Les possibles critiques de la part des médias sont-elles pris en considération ?
KF : Oui, nous sommes bien préparés pour les critiques que nous recevons. Notre mission n’est pas d’éviter la critique, mais de tenir nos décisions, de la meilleure façon possible. Notre choix est justifié dans le discours prononcé par le président du Comité lors de l’annonce du lauréat. Il y a des centaines de prix pour la paix dans le monde. Si vous regardez la définition du prix Nobel de la Paix dans le dictionnaire Oxford, il est écrit que c’est la plus prestigieuse des récompenses. C’est une définition qui reste à débattre mais le Prix reste prestigieux.
JI : Le Comité doit-il veiller à ne pas choisir un lauréat trop controversé certaines années ?
KF : Tout simplement : non.
JI : Au vu des Prix Nobel controversés, certains se demandent si les volontés d’Alfred Nobel ont été correctement interprétées. Comment le Comité prend-il en compte ses dernières volontés ? A-t-il imposé certaines restrictions sur le choix du lauréat ?
KF : Ce qu’Alfred Nobel voulait, c’est que le Prix soit attribué à ceux qui ont œuvré pour la fraternité entre les nations, pour ceux qui ont promu la paix dans le monde et pour ceux qui se sont battus pour la réduction des armées en place. « Je ne veux pas que l’on insiste sur la nationalité des candidats, mais simplement que le plus méritant remporte ce prix. » La liste des lauréats depuis la création du Prix prouve bien que le testament a été respecté.
A certaines périodes cependant, les medias aiment ranimer le vieux marronnier des limitations placées par le testament d’Alfred Nobel. Je pense que les prix qui sont remis à des militants pour les droits de l’Homme, aux acteurs du développement social et économique et à ceux qui agissent pour sauver la planète des changements climatiques désastreux méritent de recevoir le prix voulu par Alfred Nobel.
JI : Comment le Comité espère-t-il que le Prix de cette année remis à l’OIAC va changer la situation en Syrie ?
KF : Nous espérons que le Prix contribuera à l’abolition totale des armes chimiques.
KF : Cette année, le Comité a dû choisir parmi 259 candidats. Parmi eux, 30 étaient des organisations. Les candidats au prix Nobel de la Paix peuvent être désignés par des membres du Parlement et du gouvernement, des membres des tribunaux internationaux, des professeurs d’université en sciences sociales, histoire, philosophie, droit ou théologie, les précédents lauréats du prix Nobel de la Paix, d’anciens membres du Comité Nobel… D’après les statuts de la Fondation Nobel, le Comité Nobel ainsi que le Comité des nominations ne sont pas autorisés à publier les noms des candidats. Une règle qui n’est cependant pas toujours respectée. Le prix Nobel peut être attribué au maximum à trois personnes différentes.
JI : Comment le Comité choisit-il le lauréat du prix Nobel de la Paix ?
KF : Au début de l’année, les membres du Comité se rassemblent autour de la liste des prétendants au prix. S’ils le souhaitent, le Comité peut compléter cette liste avec d’autres noms qu’ils estiment pouvoir prétendre au Prix. Cependant, si un conflit se résout après cette réunion, et que les noms de ceux qui l’ont résolu n’apparaissent pas sur la liste, le Prix ne peut pas leur être attribué cette année-là.
Dans le cas où le Comité aurait besoin de plus d’informations au sujet des nominés, une équipe de conseillers la plupart du temps composée de professeurs d’histoire ou de science politique peut les aider. Après chaque réunion, la liste des nominés est réduite. Le Comité est accompagné par des experts internationaux. De février à octobre, le Comité se retrouve 6 ou 7 fois avant de prendre la décision finale.
JI : Un climat ou une appartenance politique peuvent-elles compliquer le travail des membres du Comité ? Est-ce un obstacle ou plutôt un avantage dans le choix du lauréat ?
KF : Non, je ne pense pas que ce soit un obstacle. Les hommes politiques ont l’habitude de chercher des compromis. Le but est de se mettre d’accord pour n’en choisir qu’un. Au court des dernières décennies, il n’y a eu qu’une exception. En 1994, Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin ont reçu le Prix Nobel de la Paix. Un des membres s’est retiré du Comité car il n’était pas en accord avec les quatre autres membres.
JI : Le Comité Nobel est-il préparé aux critiques après avoir pris ces décisions controversées ? Les possibles critiques de la part des médias sont-elles pris en considération ?
KF : Oui, nous sommes bien préparés pour les critiques que nous recevons. Notre mission n’est pas d’éviter la critique, mais de tenir nos décisions, de la meilleure façon possible. Notre choix est justifié dans le discours prononcé par le président du Comité lors de l’annonce du lauréat. Il y a des centaines de prix pour la paix dans le monde. Si vous regardez la définition du prix Nobel de la Paix dans le dictionnaire Oxford, il est écrit que c’est la plus prestigieuse des récompenses. C’est une définition qui reste à débattre mais le Prix reste prestigieux.
JI : Le Comité doit-il veiller à ne pas choisir un lauréat trop controversé certaines années ?
KF : Tout simplement : non.
JI : Au vu des Prix Nobel controversés, certains se demandent si les volontés d’Alfred Nobel ont été correctement interprétées. Comment le Comité prend-il en compte ses dernières volontés ? A-t-il imposé certaines restrictions sur le choix du lauréat ?
KF : Ce qu’Alfred Nobel voulait, c’est que le Prix soit attribué à ceux qui ont œuvré pour la fraternité entre les nations, pour ceux qui ont promu la paix dans le monde et pour ceux qui se sont battus pour la réduction des armées en place. « Je ne veux pas que l’on insiste sur la nationalité des candidats, mais simplement que le plus méritant remporte ce prix. » La liste des lauréats depuis la création du Prix prouve bien que le testament a été respecté.
A certaines périodes cependant, les medias aiment ranimer le vieux marronnier des limitations placées par le testament d’Alfred Nobel. Je pense que les prix qui sont remis à des militants pour les droits de l’Homme, aux acteurs du développement social et économique et à ceux qui agissent pour sauver la planète des changements climatiques désastreux méritent de recevoir le prix voulu par Alfred Nobel.
JI : Comment le Comité espère-t-il que le Prix de cette année remis à l’OIAC va changer la situation en Syrie ?
KF : Nous espérons que le Prix contribuera à l’abolition totale des armes chimiques.