Le père Ubu dessiné par Alfred Jarry
La première partie « La pompe à phynance », référence au poète et dramaturge Alfred Jarry, s’ouvre sur un questionnement : « Pourquoi il faut donner de l’argent public aux banques privées en faillite ? Et pourquoi faut-il en même temps baisser les salaires, réduire les emplois, augmenter les impôts, fermer des entreprises de plus en plus nombreuses ? ». A l’écran, travailleurs et travailleuses en lutte et crève-la-faim, des images de la crise des années 1930 défilent. Ce documentaire édifiant s’attache à expliquer comment l’éclatement d’une bulle spéculative aux Etats-Unis se transforme en crise bancaire puis en récession mondiale. L’analogie entre la Grande Dépression et la crise éclatée à l’été 2007 s’impose alors comme une effrayante évidence.
Du jeudi noir d’octobre 1929 au déclenchement de la deuxième guerre mondiale, de Bretton Woods à la fin de la convertibilité du dollar en or, on en arrive aux années 1980, prémices de notre crise, celles des subprimes. La deuxième partie « Le bal des vautours » se concentre ainsi sur la crise actuelle dont on trouve justement les origines dans les politiques de libéralisation initiées par le duo Reagan - Thatcher. Un capitalisme financier supplante alors le vieux capitalisme industriel. On allait faire de l’argent avec de l’argent. Il n’était plus besoin d’usines, ni de travailleurs. Les financiers, sûrs de leur puissance, de leur intelligence, de leurs calculs, engloutirent tout : énergie, télécommunication, immobilier, assurances… Jusqu’à la débâcle finale.
Noire finance s’achève sur ce constat amer suivi d’une exhortation à nos dirigeants : « Les marchés, c’est combine et voilà tout. […] Quand ça gagne, c’est pour les déjà riches, les de plus en plus riches, qui font des fortunes indécentes et ne fabriquent rien de bien utile et quand ça perd, c’est toujours pour les mêmes, qui travaillent, les jamais riches et les toujours pauvres. Courage les politiques, réveillez-vous, dîtes la vérité, dîtes que le monde n’est pas un casino, on y vit et on y travaille, l’argent, ce n’est pas un jeu. »
Alors tout cela n’est-il que « la faute à quelques banquiers, quelques banksters, banquiers tricheurs, banquiers voleurs » ? Hier Samuel Sachs et aujourd’hui Bernard Madoff, les « barons voleurs » sont vigoureusement dénoncés tout au long du documentaire et leurs magouilles mises à nu. La responsabilité des régulateurs débonnaires, aux « yeux mi-clos », la connivence des politiques et l’aveuglement des économistes face à leurs modèles mathématiques sont aussi pointés du doigt. Mais, marquer les responsabilités individuelles permet d’exonérer le système dans son ensemble. Purgeons le système de ses moutons noirs et tout ira mieux pourrait-on être tenté de dire. C’est peut-être là que réside l’erreur fondamentale, celle qui nous empêche de véritablement tirer les leçons des crises. Tant que notre société consacrera l’homme égoïste, que notre économie sera gouvernée par la seule recherche de l’intérêt personnel, il y aura des Samuel Sachs et des Bernard Madoff.
En définitive, si la précision avec laquelle les mécanismes financiers (pyramide de Ponzi, produits dérivés, shadow banking…) sont décrits, peut parfois rendre la compréhension malaisée, nous ne serions que vous recommandez de voir ou de revoir ce documentaire sur le site de la chaîne franco-allemande : www.arte.tv.