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Au Monténégro, république parlementaire des Balkans, les quelques 660 000 citoyens ne sont vraisemblablement pas prêts de dormir sur leurs deux oreilles concernant l'avenir de leurs journalistes. Des inquiétudes pèsent sur la détérioration avancée des conditions de travail des journalistes sur la Montagne Noire [traduction littéraire de « Monténégro », ndlr].
Un rappel des faits semble opportun. En 2004, à Podgorica, dans la capitale monténégrine, le rédacteur en chef du journal Dan, Dusko Jovanovic, est assassiné. Dix ans plus tard, la situation est en phase d'escalade et la liberté de l'information au Monténégro a été violemment secouée en 2013. D'abord, en août, le journaliste d'investigation Tufik Softic, collaborateur de Vijesti et Monitor, deux journaux importants de la République parlementaire des Balkans, voit sa maison explosée par une charge de TNT. La rédactrice en chef de Monitor, quant à elle, a reçu en 2013 des SMS de menaces tout en étant pris à partie dans une campagne de haine. Ses plaintes adressées à la police sont restées sans suite. Le 26 décembre 2013, un explosif de forte puissance est lancé en fin de soirée dans la rédaction du quotidien indépendant Vijesti. Le 8 novembre 2013 déjà, la rédaction avait été victime de jets de pierre, ainsi que d'une attaque précédente, pendant la Gay Pride de Podgorica, le 20 octobre 2013.
2011 avait également été une année de violences sans équivoque pour le journal Vijesti : plusieurs de ses véhicules avaient été incendiés. Dans les quelques mois précédents l'attaque à l'explosif de la rédaction en 2013, les journalistes Olivera Lakić, Mihajlo Jovović, ainsi que le directeur de Vijesti, Željko Ivanović avaient été physiquement attaqués. 2014 : dès le 4 janvier, c'est une autre journaliste du quotidien Dan qui est aggressée, Lidija Nikcevic, devant les bureaux du journal à Niksic. Elle sera frappée à la tête à plusieurs reprises et hospitalisée pendant 24 heures.
Le 23 janvier, une manifestation devant le siège du gouvernement à Podgorica rassemblant journalistes, citoyens, militants de la société civile et députés d'oppositions (Front démocratique et Parti socialiste populaire) a tenté de dénoncer les incessantes agressions. Le Syndicat des médias, présent, avait mis du sparadrap sur la bouche de ses membres pour imager le poids de la censure au Monténégro. Aucune réponse judiciaire en vue mais des réclamations du syndicat des médias qui se font de plus en plus pressantes : le Syndicat insiste également sur l'obstacle que constitue l'absence de liberté de la presse pour l'entrée dans l'Union européenne.
Le Syndicat des médias du Monténégro exprime deux types de revendications. L'une porte sur la prévention : ils aimeraient que le gouvernement soutiennent leur demande de protection complémentaire des journalistes par des modifications du Code pénal. Ensuite, il s'agit de réclamer des garanties de conditions de travail pour la Commission du suivi des enquêtes sur les agressions contre les journalistes. Suivis dans l'action collective du 23 janvier 2014 par, entre autres, l'association Actions pour les droits de l'Homme, celle de la Maison sécurisée des femmes, l'Union des syndicats libres, le Syndicat des médias réussit à mobiliser.
Un rappel des faits semble opportun. En 2004, à Podgorica, dans la capitale monténégrine, le rédacteur en chef du journal Dan, Dusko Jovanovic, est assassiné. Dix ans plus tard, la situation est en phase d'escalade et la liberté de l'information au Monténégro a été violemment secouée en 2013. D'abord, en août, le journaliste d'investigation Tufik Softic, collaborateur de Vijesti et Monitor, deux journaux importants de la République parlementaire des Balkans, voit sa maison explosée par une charge de TNT. La rédactrice en chef de Monitor, quant à elle, a reçu en 2013 des SMS de menaces tout en étant pris à partie dans une campagne de haine. Ses plaintes adressées à la police sont restées sans suite. Le 26 décembre 2013, un explosif de forte puissance est lancé en fin de soirée dans la rédaction du quotidien indépendant Vijesti. Le 8 novembre 2013 déjà, la rédaction avait été victime de jets de pierre, ainsi que d'une attaque précédente, pendant la Gay Pride de Podgorica, le 20 octobre 2013.
2011 avait également été une année de violences sans équivoque pour le journal Vijesti : plusieurs de ses véhicules avaient été incendiés. Dans les quelques mois précédents l'attaque à l'explosif de la rédaction en 2013, les journalistes Olivera Lakić, Mihajlo Jovović, ainsi que le directeur de Vijesti, Željko Ivanović avaient été physiquement attaqués. 2014 : dès le 4 janvier, c'est une autre journaliste du quotidien Dan qui est aggressée, Lidija Nikcevic, devant les bureaux du journal à Niksic. Elle sera frappée à la tête à plusieurs reprises et hospitalisée pendant 24 heures.
Le 23 janvier, une manifestation devant le siège du gouvernement à Podgorica rassemblant journalistes, citoyens, militants de la société civile et députés d'oppositions (Front démocratique et Parti socialiste populaire) a tenté de dénoncer les incessantes agressions. Le Syndicat des médias, présent, avait mis du sparadrap sur la bouche de ses membres pour imager le poids de la censure au Monténégro. Aucune réponse judiciaire en vue mais des réclamations du syndicat des médias qui se font de plus en plus pressantes : le Syndicat insiste également sur l'obstacle que constitue l'absence de liberté de la presse pour l'entrée dans l'Union européenne.
Le Syndicat des médias du Monténégro exprime deux types de revendications. L'une porte sur la prévention : ils aimeraient que le gouvernement soutiennent leur demande de protection complémentaire des journalistes par des modifications du Code pénal. Ensuite, il s'agit de réclamer des garanties de conditions de travail pour la Commission du suivi des enquêtes sur les agressions contre les journalistes. Suivis dans l'action collective du 23 janvier 2014 par, entre autres, l'association Actions pour les droits de l'Homme, celle de la Maison sécurisée des femmes, l'Union des syndicats libres, le Syndicat des médias réussit à mobiliser.
Liberté de la presse contestée
Le dernier classement mondial de la liberté de la presse 2013 (Reporters sans Frontières) a classé le Monténégro 113e sur 179 pays, avec le commentaire suivant : « acharnement judiciaire basé sur la pratique d'une législation souvent inadaptée, impossibilité d'accès aux données publiques, violence physique et morale contre les acteurs de l'information, marchés publicitaires institutionnels et privés instrumentalisés, emprise de l'économie grise sur les principaux rouages du système médiatique ».
On recense ainsi, à titre de violence physique et morale contre les acteurs de l'information, une conférence en novembre 2013 à Podgorica à l'Institut des politiques publiques qui appelait au lynchage des médias indépendants du Monténégro. L'organisateur de la conférence « Le mot, l'image, l'ennemi », Vladimir Beba Popović, n'est autre que le conseiller occulte du régime monténégrin, et ancien conseiller du gouvernement serbe. Les médias indépendants sont accusés pendant la conférence d'utiliser un « langage de la haine ». Le ministre Milo Đukanović et le vice-président du DPS Svetozar Marović ne se sont pas gênés pour y passer.
Les médias indépendants, au nombre de trois au Monténégro, sont le journal Vijesti, le quotidien Dan et le magazine Monitor. A la suite de la conférence, Esad Kočan, le rédacteur en chef de Monitor ironise : « C’était aussi la première fois qu’un spin doctor raté organisait une conférence sur sa principale activité : comment manipuler les médias ». Le rapport à la Commission européenne pendant une telle conférence est également problématique : alors que le représentant de la Commission au Monténégro, le Slovène Mitja Drobnič, s'est lui même chargé de l'ouverture de la conférence, il faut aussi savoir qu'elle avait été financée par l'Etat. L'entrée des journalistes de Vijesti était interdite, ainsi que celle de la journaliste indépendante Sonja Radošević. Cette dernière est connue pour ses enquêtes sur les crimes commis durant la guerre contre les citoyens bosniaques du Monténégro par le régime Đukanović.
La République parlementaire, pilotée par Milo Đukanović, qui y exerce un pouvoir autocratique et corrompu sans partage depuis 1991, connaît bien le champ lexical du terme « inconnu ». Les plaintes sont chaque fois classées sans suite, mais les médias indépendants accusent les « escadrons noirs » de la police. Cependant, parmi quelques alertes, dont celle de la représentante de l'OSCE au Monténégro sur le caractère non fiable de la liberté de la presse dans ce pays, le petit pays reste perçu comme un allié pro-européen. La mafia du tabac continue de peser grâce aux liens organiques qu'elle entretien avec le régime. Lire les rapports d'étape de la Commission européenne surprend : le Monténégro est chaque fois salué pour ses progrès.
La base de la censure journalistique et de l'absence de liberté de la presse au Monténégro est en fait le résultat d'une mafia du tabac qui continue de prospérer grâce à ses liens structurels avec les politiques. L'Italie accusait en 2007, au parquet de Bari, Milo Đukanović, actuel premier ministre, d'être « l'un des chefs de la mafia du tabac ». Ceci n'est qu'une preuve additionnelle concernant la survivance de la mafia du tabac au sein de cette République Parlementaire, candidate officielle à l'entrée dans l'Union Européenne depuis décembre 2010.
On recense ainsi, à titre de violence physique et morale contre les acteurs de l'information, une conférence en novembre 2013 à Podgorica à l'Institut des politiques publiques qui appelait au lynchage des médias indépendants du Monténégro. L'organisateur de la conférence « Le mot, l'image, l'ennemi », Vladimir Beba Popović, n'est autre que le conseiller occulte du régime monténégrin, et ancien conseiller du gouvernement serbe. Les médias indépendants sont accusés pendant la conférence d'utiliser un « langage de la haine ». Le ministre Milo Đukanović et le vice-président du DPS Svetozar Marović ne se sont pas gênés pour y passer.
Les médias indépendants, au nombre de trois au Monténégro, sont le journal Vijesti, le quotidien Dan et le magazine Monitor. A la suite de la conférence, Esad Kočan, le rédacteur en chef de Monitor ironise : « C’était aussi la première fois qu’un spin doctor raté organisait une conférence sur sa principale activité : comment manipuler les médias ». Le rapport à la Commission européenne pendant une telle conférence est également problématique : alors que le représentant de la Commission au Monténégro, le Slovène Mitja Drobnič, s'est lui même chargé de l'ouverture de la conférence, il faut aussi savoir qu'elle avait été financée par l'Etat. L'entrée des journalistes de Vijesti était interdite, ainsi que celle de la journaliste indépendante Sonja Radošević. Cette dernière est connue pour ses enquêtes sur les crimes commis durant la guerre contre les citoyens bosniaques du Monténégro par le régime Đukanović.
La République parlementaire, pilotée par Milo Đukanović, qui y exerce un pouvoir autocratique et corrompu sans partage depuis 1991, connaît bien le champ lexical du terme « inconnu ». Les plaintes sont chaque fois classées sans suite, mais les médias indépendants accusent les « escadrons noirs » de la police. Cependant, parmi quelques alertes, dont celle de la représentante de l'OSCE au Monténégro sur le caractère non fiable de la liberté de la presse dans ce pays, le petit pays reste perçu comme un allié pro-européen. La mafia du tabac continue de peser grâce aux liens organiques qu'elle entretien avec le régime. Lire les rapports d'étape de la Commission européenne surprend : le Monténégro est chaque fois salué pour ses progrès.
La base de la censure journalistique et de l'absence de liberté de la presse au Monténégro est en fait le résultat d'une mafia du tabac qui continue de prospérer grâce à ses liens structurels avec les politiques. L'Italie accusait en 2007, au parquet de Bari, Milo Đukanović, actuel premier ministre, d'être « l'un des chefs de la mafia du tabac ». Ceci n'est qu'une preuve additionnelle concernant la survivance de la mafia du tabac au sein de cette République Parlementaire, candidate officielle à l'entrée dans l'Union Européenne depuis décembre 2010.