Mexique : la taxe controversée sur les sodas

Roxane Florin
16 Octobre 2013


Début septembre, le gouvernement mexicain a présenté son projet de réforme fiscale visant à redresser les finances du pays. La réforme intègre notamment une taxe sur les sodas pour lutter contre les gros problèmes d’obésité dont souffre le Mexique. Seulement cet impôt sur les sodas est accusé d’être discriminatoire vis-à-vis des plus pauvres.


Dans une épicerie mexicaine, le choix d’une boisson peut parfois s’avérer laborieux, non seulement face au large panel de saveurs proposées, mais aussi devant les différents volumes, allant des canettes de 15 cl aux bouteilles de 3L. Avec ce projet de taxe d’un peso supplémentaire par litre, le gouvernement mexicain affiche sa volonté de lutter contre l’obésité et le diabète qui touchent de plus en plus de Mexicains. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le Mexique serait le premier consommateur de sodas dans le monde, de l’ordre de 163 litres par personne par an, tandis qu’aux Etats-Unis la consommation annuelle par personne est de 118 litres. Ainsi, avec un peu moins de 200 litres de sodas par an et par tête, cela représenterait un coût de 200 pesos supplémentaires sur l’année pour le consommateur, si cette taxe s’appliquait en 2014.

Au cours de ces six dernières années, le Mexique a atteint le demi-million de diabétiques, le diabète devenant la première cause de mortalité chez les adultes. Ces boissons sucrées sont les principales responsables de cette montée en flèche. Déjà en 2012, le Secrétaire Général de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique, OCDE, José Angel Gurria, et le rapporteur des Nations Unis pour la Sécurité Alimentaire, Oliver de Schutter, avaient fortement recommandé au gouvernement mexicain de mettre en place une taxe sur les boissons sucrées.

UN PROJET CONTESTÉ

Si la nécessité de corriger cette situation sanitaire alarmante fait l’unanimité, la mesure suscite néanmoins le débat sur le terrain économique. D’une part du point de vue de l’emploi, le fait de taxer les sodas provoquerait une baisse de leur consommation, et donc automatiquement une perte de source d'emplois considérable dans tous les secteurs concernés. Les premiers intéressés sont les industriels du soda. Coca Cola par exemple ne manque pas de s’inviter aux discussions, en qualifiant la mesure de discriminatoire et arbitraire. Selon l’entreprise, cette taxe ne règlerait en rien le problème de l’obésité, sachant que des centaines d’autres industries non visées, continueraient de commercialiser des produits caloriques aux Mexicains. Ensuite viennent les petits commerçants, si nombreux au Mexique, qui verraient leurs bénéfices diminués.

La mesure est très mal accueillie par la population. L’obésité et le surpoids concernent surtout les populations pauvres, soit les premiers consommateurs de boissons sucrées. Selon le Consejo Nacional de Evaluación de la Política de Desarrollo Social (Coneval), environ 46% des Mexicains vivent en situation de pauvreté. Ces derniers souffrent d’un manque d’accès à l’eau potable pour des raisons économiques. Pour une famille à bas revenus, les dépenses en eau potable demeurent considérables. Par exemple, il revient étonnement moins cher d’acheter 3L de Coca Cola que 3L d’eau minéral.

Cette annonce du gouvernement est ressentie comme une punition pour la majorité de la population puisqu’elle ignore complètement les différences de revenu entre les différents consommateurs. Dans ces conditions, une réponse efficace du gouvernement à cette crise sanitaire consisterait davantage à investir dans des projets sur le long terme, visant à faciliter l’accès à l’eau potable.

UNE SENSIBILISATION NECESSAIRE

Le débat s’inscrit surtout sur un terrain culturel. Au-delà des mauvaises habitudes alimentaires qui se sont installées depuis ces dix dernières années au Mexique, la consommation de sodas est très imprégnée dans la culture du pays. Par exemple, il est de coutume d’accueillir un visiteur chez soi en lui offrant un soda. Il est aussi très rare de voir les Mexicains prendre leur repas sans un refresco ou des étudiants sans leurs sodas à leur pause entre deux cours.

Les premières campagnes de sensibilisation sur les risques des boissons sucrées ont d’abord été d’initiative citoyenne. Par exemple, l’association Alianza por la Salud Alimentaria, un regroupement de citoyens et d’organisations professionnelles, a pour ambition d’encourager les pouvoirs exécutifs et législatifs à reconnaître les droits de l’enfant, à l’alimentation, à l’eau et à la santé. Pour cela l’association s’emploie à diffuser des annonces aux messages-chocs dans les transports publics.

La solution viable serait donc d’engager des campagnes publiques plus poussées, surtout dans les écoles. Ce sont les enfants qui sont les premiers touchés par ce fléau. Selon les données de l’ENSANUT (Enquête nationale sur la santé et la nutrition), un adolescent sur trois âgés de 12 à 19 ans est en surpoids ou obèse. Ce sont ces mêmes enfants et adolescents qui plus tard à l’âge adulte présentent des cas de diabètes ou d’obésité. Avant la mise en place d’une mesure d’imposition, cette lutte sanitaire pourrait déjà commencer par la simple interdiction des distributeurs de boissons dans les écoles et les universités.
Affiche officielle