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La CowParade ou Vach'Art a pris forme sous les idées de Walter Knapp et le sens artistique de son fils, Pascal Knapp, qui conçoit dès 1998 les trois prototypes de vaches qui servent de toile à des artistes de toutes nationalités durant chaque nouvelle exposition.
Livrées immaculées, ces sculptures se parent de couleurs et de motifs reflétant, sous l'oeil de chaque artiste, les spécificités et cultures propres à la ville d'accueil. La CowParade, c'est l'art accessible et ludique, qui vient aux spectateurs et s'ouvre à tous les créateurs.
Avant chaque exposition, un concours est organisé - à l'exemple du concours « ¡ Pinta una vaca ! » organisé lors de l'exposition en Espagne - et les meilleurs suggestions sont retenues. Les vaches, teintées de l'âme d'un pays et d'un artiste, sont alors exposées durant plusieurs mois dans la ville d'accueil. Et, afin de tenir les promesses d'un art accessible, les sculptures sont réparties dans divers lieux publics - des parcs, des avenues...- à la vue et à la portée de tous. Le pari est réussi, balayant cette image élitiste d'un art parfois inaccessible et difficilement compréhensible.
Dans cette quête de démocratisation, le choix d'une vache et non d'un autre animal n'est pas anodin. La vache est un animal inoffensif, aimé de tous et universellement connu, voir vénéré. En effet, elle est sacrée en Inde, considérée comme une "Mère universelle" puisqu'elle donne son lait à tous et non pas seulement à ses veaux. La vache est et a été vénérée dans de nombreuse religions et civilisations à l'image de la Grèce, la Rome antique, l'Egypte ancienne ou encore dans l'hindouisme. Inspirant au mieux le respect et au pire l'indifférence et l'amusement, elle reste un animal populaire et s'inscrit durant les CowParade avec aisance dans le paysage des villes qu'elles a pourtant depuis longtemps déserté.
L'art contemporain, au service de l'économie et de l'humain
La première CowParade organisée à Zurich intrigue et irrigue de couleurs les esprits de nombreux locaux et étrangers, à l'exemple de Peter Hang et Lois Weisberg, deux Américains séduits au point de décider d'exporter ces joyeuses sculptures au-delà de l'Atlantique. Et, dès l'année suivante, l'exposition de Chicago donne au Vach'Art une dimension internationale et un million de visiteurs curieux déambulent entre ces pâturages urbains. Ce succès immédiat attise alors les envies de multiples pays du monde et depuis 1999, soixante-quinze villes ont teinté leurs espaces de vaches aux couleurs chatoyantes.
L'intérêt est d'abord financier, les touristes venus pour observer l'exposition participant au dynamisme économique et touristique de la ville d'accueil. Les yeux pigmentés d'éclats colorés, nombreux sont les admirateurs à acheter des modèles réduits, vendus sur internet, de leurs sculptures préférées. Le rayonnement est international, dotant la ville accueillante d'une image moderne, à l'empreinte culturelle et artistique marquée. L'épidémie CowParade se diffuse dès lors à une vitesse fulgurante à travers le monde : plus de cinq mille vaches ont été créées et admirées par plus d'un demi-milliard de personnes sur six continents.
Si l'accueil de ce phénomène permet de stimuler l'économie et la culture d'un pays, le but final de ces expositions est aussi caritatif. En effet, à l'issue de chaque exposition qui s'étend sur plusieurs mois, les vaches sont vendues aux enchères, et une partie des bénéfices est versée à des associations en tout genre : par exemple, la vente aux enchères organisée en 2012 à l'issue de l'exposition de Toulouse a rapporté 198 600 euros, que quatre associations caritatives locales se sont partagées.
Alors que la CowParade fête cette année ses quinze ans, le bilan est remarquable : plus de trente millions de dollars ont été versés à de multiples organisations caritatives à travers le monde, de quoi tirer le bel exemple d'un juste équilibre entre rentabilité économique, promotion culturelle et donations au grand coeur. Prochainement, de nouvelles vaches colorées devraient s'inviter à Shanghai, mégapole d'art et de lumière. Le succès sans conteste du Vach'Art a inspiré une nouvelle tendance, un nouveau projet artistique, international et solidaire.
C'est autour des idées - parfois oubliées dans la fougue d'un monde pressé et globalisé - de tolérance, d'égalité des droits et d'union que les "United Buddy Bears" se tiennent la main. Chaque ours, grand de deux mètres, représente un pays reconnu par les Nations unies, reflétant sous le pinceau d'un artiste, un hommage à son pays. Les multiples dons et ventes aux enchères récoltés par ces oursons multicolores valent pour l'UNICEF de l'or : plus de deux millions d'euros lui ont été versés. Main dans la main, ces ours-copains sont nationaux mais égaux, le regard tourné vers un soleil commun. Pour Camus, « si le monde était clair, l'art ne serait pas. » Alors que l'art contemporain soit, et parfois, nous éclaire de sa voix.