Maduro, digne héritier du Commandante

Tribune libre

Eliane Martinez
16 Avril 2013


Le Journal International laisse la parole à Eliane Martinez, Vénézuélienne ne soutenant pas le nouveau président Maduro.


Photo REUTERS/Tomas Bravo
La mort d’Hugo Chavez, en mars dernier, était le début d’une nouvelle étape pour révolution bolivarienne. Nicolas Maduro a été nommé par Chavez comme le leader de cette nouvelle ère du processus socialiste mis en place au Venezuela depuis 1998. Un appel aux élections a été fait le 10 mars dernier, permettant une seconde chance à l’opposition menée par Henrique Capriles Radonski.

Bien que la mort du Commandante ait produit le deuil d’une partie de la population, elle a aussi signifié un nouvel espoir pour 46% des Vénézuéliens qui avaient voté pour un changement aux dernières élections présidentielles. Sans Chavez sur la scène politique, l’opposition avait pour la première fois une possibilité d’obtenir la victoire. Néanmoins, c’était la lutte de David contre Goliath et M. Capriles avait décidé de l'attaquer cette fois-ci publiquement.

La fraude électorale a toujours été un sujet tabou dans la politique vénézuélienne. Les opposants de Chavez appelaient même « avantages », cette machine d’abus de pouvoir mis en place par le gouvernement afin d’arrondir les chiffres des votes en leur faveur.

Une ex-juge qui a travaillé pendant 25 ans au CNE (Conseil National Electoral), Mme Ana Maria Diaz qui est actuellement exilée à Miami, a déclaré dans une interview exclusive avec le journaliste péruvien, Jaime Bayly, qu’il existe une véritable fraude massive lors des élections vénézuéliennes depuis 2004.

« Tout d’abord, le registre électoral est gonflé » - 19 millions de personnes sont inscrites, quantité qui paraît disproportionnée puisque le Venezuela comporte une population de 27 millions de personnes. Selon Mme Diaz, le professeur Genaro Mosquera, de l’Université Centrale du Venezuela, a mené une enquête dans laquelle il aurait trouvé près de 5 millions de personnes inscrites dans le registre national électoral, alors qu’ils ne possèdent ni adresse ni de numéro de sécurité sociale. Il s’agit d’électeurs « inexistants », « fantôme » qui votent à travers une personne qui possède environ 10 cartes d’identité. Mme Diaz a aussi déclaré qu’il existe 150 communes où il y a plus d’électeurs que d’habitants, chose qu’elle a qualifiée « d’absurde ».

Elle a également signalé 540 bureaux de vote se trouvant dans des lieux difficiles d’accès, comme la jungle ou les frontières, où les guérillas et les collectifs bolivariens sont localisés, concluant que plus de 500 000 votes se font sans aucun contrôle.

Un autre événement jouant un rôle essentiel dans les élections vénézuéliennes demeure la publication des « listes de Tascon ». En 2003, l’opposition a recueilli 2,7 millions de signatures afin de demander un referendum révocatoire. Ces signatures ont été publiées par Luis Tascon, à l’époque député à l’Assemblée nationale. Désormais, l’accès aux postes publics et aux aides de l’Etat sont limités à ceux qui n’ont pas collaboré avec Tascon.

Les fonctionnaires publics sont constamment menacés de licenciement s’ils ne soutiennent pas la révolution. Les personnes étant sur les listes d’attente pour acquérir des logements sociaux craignent l’exclusion, si la liste des signataires était rendue publique.

Mais l’État ne peut pas tout cacher. Des preuves d’intimidation ont été constatées. Par exemple, l’utilisation de groupes militaires pour mobiliser les populations des quartiers pauvres n’ayant pas encore voté. S’en suit une vidéo diffusée par Carlos Ocariz. On peut y voir, le jour des élections, l’utilisation du « vote assisté » où quelqu’un habillé de rouge (couleur distinctive du parti officiel) accompagne un électeur lorsqu’il fait son choix devant la machine.

Néanmoins, l’opposition a changé sa stratégie depuis les dernières élections. Henrique Capriles a interrogé et dénoncé publiquement pour la première fois l’impartialité du CNE et de sa présidente Tibisay Lucena. Cette dernière est apparue lors des funérailles de l’ex-président, portant un bracelet symbolisant le coup d’État du 4 février 1992 mené par Chavez. Elle ne s’est pas prononcée après les déclarations du ministre de la Défense, indiquant que les forces armées vénézuéliennes feraient tout pour accomplir la dernière volonté du commandant Chavez, appelant les Vénézuéliens à voter pour Nicolas Maduro.

Devant ces évidences, on doit se demander quel est le meilleur système d’élection, celui dont Jimmy Carter faisait tant d’éloges. Où se trouve cet organisme qui est censé être neutre et égalitaire, laissant Maduro exercer 54h de discours, et 6 minutes pour son adversaire politique.

Ces raisons, parmi d’autres, ont mené Henrique Capriles à déclarer dans une conférence de presse nationale qu’il ne reconnaissait pas le résultat des élections : 50,6% pour Maduro et 49,1% pour Capriles, soit environ 200 000 votes de différence. Vicente Diaz, le seul parmi les 5 recteurs du CNE s’opposant à Chavez, avec Henrique Capriles, a demandé de nouvelles élections.

Malgré cette victoire contestée, la question principale reste à savoir qui a gagné. Maduro ou Chavez ? L’image du « commandant suprême » (ainsi appelé par ses sympathisants) a été omniprésente pendant la campagne, l’hymne national était entonné avec un enregistrement de sa voix et M. Maduro a déclaré avoir vu Chavez sous la forme d’un oiseau donnant la bénédiction au peuple vénézuélien. Néanmoins, rien n’a pu empêcher la perte de 10,76% des votes, recueillis par Capriles.

Désormais, le chavisme devra apprendre à reconnaître cette partie de la population, qualifiée d’« oligarchie fasciste ».
Quant à Maduro, il devra sortir son pays d’une dette estimée à 200 milliards de dollars, d'un taux d’inflation qui frôle les 30%, d'une production nationale presque inexistante, d'une importante dépendance aux importations des produits basiques et d'une pénurie de nourriture qui touche la société tout entière.

Nicolas Maduro se fait appeler « fils de Chavez », mais une fois son gouvernement formé et consolidé, le peuple ne pourra s’empêcher de comparer son mandat avec celui de son prédécesseur, peut-être préjudiciable pour son successeur.