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Le 29 septembre, lors d’une réunion du parti Conservateur à Birmingham, la ministre des Transports Claire Perry a ainsi tiré la sonnette d’alarme : « un millier de cas, c’est beaucoup trop. Je suis absolument déterminée pour que cela change. Nous devons réfléchir à la sécurité de nos transports publics ».
Cette réflexion fut menée, et déboucha sur une proposition : la séparation des hommes et des femmes dans les transports en commun, avec des wagons exclusivement réservés aux femmes pendant les heures de pointe, lors desquelles la promiscuité entre les usagers facilite les attouchements sexuels. Cependant, cette mesure est loin de faire l’unanimité chez les Britanniques.
Une solution controversée
Dès le lendemain de la déclaration de Claire Perry, journalistes et internautes s’interrogent sur cette éventuelle « ségrégation » dans les transports en commun. Les défenseurs de l’égalité des sexes refusent toute forme de ségrégation, comparant cette mesure à celles prises à l’égard des noirs dans l’Amérique des années 60. Chroniqueuse pour The Independent, Katie Grant déclare dans le numéro du 30 septembre que « les wagons réservés aux femmes seraient une insulte aux deux sexes », et ne représenteraient pas une solution : « lutter contre la criminalité sexuelle ne peut commencer et s’achever qu’avec les auteurs, non les victimes ».
A côté de ces positions plus modérées se dessinent des idées plus extrêmes : sur les réseaux sociaux, dans un contexte d’islamophobie grandissante dans les sociétés occidentales, certains internautes s’interrogent sur une introduction de la charia sur le sol britannique, comme en témoigne ce tweet :
Une mesure déjà répandue
Ce n’est pourtant pas la première fois que la question est abordée au Royaume-Uni. Il faut d’abord noter que les wagons de métro réservés aux femmes ont déjà existé à Londres, et n’ont été supprimés qu’en 1977. Il faut aussi noter qu’en 2008, Brian Paddick, à cette époque candidat démocrate-libéral à la mairie de Londres avait déjà proposé cette solution. Rappelons enfin qu’il existe déjà des taxis réservés aux femmes et conduits par des femmes à Londres, avec les Pink Ladies, ou encore à New-York avec les taxis SheRides et à Paris avec les Woman Cab.
De nombreux exemples de ce genre de séparation peuvent être cités à travers le monde. Au Japon, où 64% des femmes de 20 à 40 ans ont été victimes d’attouchements sexuels dans les transports, les wagons réservés aux femmes circulent depuis plusieurs années. Au Brésil, Brasilia et Rio de Janeiro ont elles aussi leur « wagons roses ». Enfin, au Mexique, depuis 2008, circulent des bus « Solo para damas », soit « uniquement pour les dames ».
Ainsi en Egypte, où 86,5% des femmes ne se sentent pas en sécurité dans les transports, cette mesure a été vécue par certaines comme une véritable libération.
En Inde, dans les grandes villes comme Calcutta, New Dehli ou Bombay, comme le montre un reportage publié en septembre 2009 par le New York Times, la ségrégation dans les transports en commun a changé la vie des Indiennes, dans un pays où les maisons de prostitution sont considérées comme garantes de la paix sociale…
En Inde, dans les grandes villes comme Calcutta, New Dehli ou Bombay, comme le montre un reportage publié en septembre 2009 par le New York Times, la ségrégation dans les transports en commun a changé la vie des Indiennes, dans un pays où les maisons de prostitution sont considérées comme garantes de la paix sociale…
Le symbole d’une défaite ?
Pourquoi la ségrégation des sexes crée-t-elle une telle controverse dans nos sociétés occidentales ? Il convient d’interroger les enjeux auxquels renvoie une telle décision. On peut comprendre le soulagement qu’une telle séparation représenterait pour certaines, tout en regrettant, finalement, qu’on ne propose pour garantir la sécurité des femmes, qu’une exclusion de l’espace public « normal ». On peut interroger le bien-fondé de cette « solution » qui ne cherche nullement à régler le problème à sa source (les auteurs des agressions) et qui a tendance à présenter l’ensemble de la gente masculine comme des prédateurs dont les femmes doivent se protéger. Cette ségrégation pourrait alors être vue comme la fin de l’idée d’une société mixte, égalitaire, paritaire, à laquelle les pays développés prétendent.