Lima ou le règne de l'insécurité

Jessy Goffi, correspondant à Lima
21 Décembre 2013


À l'approche des fêtes de fin d'année, les centres commerciaux et les rues de Lima sont envahis par des consommateurs aux poches remplies. Une aubaine pour les délinquants qui installent la capitale dans un fort climat d'insécurité.


Crédits Photo -- Cavehdish Press
La tension est palpable... et les fêtes de fin d'année ne font que l'accentuer. Lima vit des heures difficiles plongée dans une réelle insécurité. Avec l'augmentation spectaculaire des achats et des ventes pour Noël et le jour de l'An, et la croissance économique fulgurante que connaît le pays, la tentation pour les délinquants n'en est que plus grande. Ces derniers ne se cachent pas : armes à feu, vols à l'arraché, dans les magasins, centres commerciaux, restaurants...

A tel point que le président de la République, Ollanta Humala, monte au créneau : « Aujourd'hui, nous traversons une vague d'insécurité et nous devons collaborer avec les forces de police, en travaillant avec les maires et en informant les citoyens, notamment durant la période des primes de Noël ». Les « gratificaciones », une sorte de 13e mois pour les salariés péruviens, attirent le regard et les mains des pickpockets. L’État ne se couvre pas les yeux et fait face au problème. Reste à savoir quelles solutions il propose.

Mesures de l'État

« Étant donnée l'insécurité qui persiste, nous devons tous être plus prudents afin de rentrer chez nous en toute tranquillité », a ajouté le chef d’État. Un discours dans la lignée des derniers « conseils » donnés par le ministère de l'Intérieur, fraîchement nommé, Walter Albán. Ainsi, par précaution, les citoyens sont invités à éviter de retirer de grosses sommes en liquide, ce qui a été argumenté par plusieurs campagnes publicitaires récentes. Une idée recevable sauf qu'elle ne ralentit pas le crime sinon les quantités de soles volés.

Par ailleurs, le directeur général de la Police Jorge Flores a annoncé la mise en place d'un dispositif « spécial fêtes » avec 11 500 policiers pour apaiser le climat tendu de cette fin d'année. Mais, les centres commerciaux sont au bord de l'implosion et les gens craignent pour leurs porte-feuilles. A tel point qu'il est vivement déconseillé de ne pas sortir après 22 heures dans certaines zones de la capitale.

Corruption dans les hautes sphères de l’État

Si la délinquance est élevée, il ne faut pas oublier que dans beaucoup de pays du monde, le mois de décembre est propice à la violence et au vol. À Lima, l'insécurité est quotidienne et le père Noël n'y est pour rien.

Ce que critiquent un grand nombre de citoyens, c'est la corruption soutenue à la tête du pays. Et l'image de la police et des politiques n'est pas épargnée... Bien qu’il semble difficile d’établir un lien de cause à effet, les nombreux scandales qui tachent les élus semblent rendre moins crédible les appels à la morale de l’Etat.

L’émergence de la justice personnelle

Autre indice qui tend à nous faire croire que le peuple n'accorde que trop peu de confiance en ses élus, c'est l'omniprésence de péruviens qui se protègent par leurs propres moyens. Le Pérou étant un pays libéral « à l'américaine », il n'est donc pas absurde d'observer dans les rues des maisons hautement cloisonnées, des caméras de surveillance privées et des vigiles armés. La magie de Noël ne les fera pas disparaître, bien au contraire. Phénomène qui se conçoit à travers le niveau de méfiance à l'égard de la police nationale et tout ce qui est public en général.

Règne au Pérou un sentiment de « chacun pour soi » particulièrement sauvage et individualiste, une réalité qui permet de saisir pleinement l'impasse dans laquelle se trouve Ollanta Humala et ses ministres. En attendant, Lima vivra un autre changement d'année difficile, chaque piéton et automobiliste croisant les doigts pour rentrer sain et sauf à son domicile. L'insécurité ne rompra ni la magie de Noël ni la frénésie des achats mais représente la véritable et principale ombre au tableau d'un pays optimiste et conquérant.