Campidoglio, Mairie de Rome. Crédit photo : Pascal Gervais
Les élections partielles des deux dernières semaines ont revêtu des enjeux stratégiques et symboliques pour les partis italiens dans un contexte de remise en cause progressive de la politique de Matteo Renzi, Président du Conseil issu du Parti démocrate (PD). Le nombre de communes concernées (1 342) et le fait que les mairies de 25 chefs-lieux de province et de 7 chefs-lieux de région étaient en jeu, ont fait de ces élections un scrutin important pour l'avenir du paysage politique italien.
De lourdes défaites pour le Parti démocratique (PD) et les grillistes triomphants
Dimanche 19 juin, à la suite des dépouillements, l'attention s'est concentrée sur Turin et surtout sur Rome où les candidats du Mouvement Cinq Étoiles (M5S) l'ont emporté face aux candidats du Parti démocrate. Mouvement lancé en 2009 par l'humoriste Beppe Grillo, dont le programme pioche tant à gauche qu'à droite, il est régulièrement taxé de populiste par ses adversaires. Virginia Raggi à Rome et Chiara Appendino à Turin, ont bien su mener leur campagne et se sont imposées dans deux des mairies les plus importantes du pays. La victoire la plus éclatante est celle de Rome, où Virginia Raggi remporte la capitale à plus de 67 % des voix face à Roberto Giacchetti (PD). Si la victoire de Virginia Raggi à Rome semblait inéluctable, la victoire de Chiara Appendino à Turin a créé la surprise dans ce bastion historique du centre-gauche. Le M5S s'affirme, comme en témoigne la déclaration du député Alessandro di Battista sur la chaîne 7 à la suite des résultats romains : « désormais nous sommes une force de gouvernement crédible. Nous avons remporté triomphalement ces élections et nous ne trahirons pas la confiance que nous ont donné les électeurs ».
Le centre-gauche est en situation critique face à ses adversaires traditionnels de centre-droit et de droite. Il perd neuf communes au profit du centre-droit dont Brindisi et Trieste, alors qu'il n'a pu lui ravir que Caserta et Varese. Cependant la droite peine à s'unir partout, ce qui explique notamment son absence au second tour à Rome. Le PD parvient toutefois à se maintenir dans des villes importantes comme Milan, la capitale économique, ou encore Bologne, chef-lieu de l'Émilie-Romagne.
Défiance envers la classe politique et abstention élevée
L'abstention a encore une fois été élevée en Italie avec 59,94 % de participation au premier tour et une baisse à 50,52 % au second tour. Les élections se sont ouvertes dans un contexte de défiance vis-à-vis des politiques qui semble s'enraciner après plusieurs années de montée de l'abstention et un rejet de plus en plus profond de la politique pour beaucoup d'Italiens. La collusion avec les milieux mafieux, le clientélisme, l'affairisme et la peine des gouvernements successifs à redresser la situation du pays après la crise de 2008 est en cause. Le procès géant « Mafia Capitale », ouvert en novembre 2015, est venu alimenter le dégoût des Italiens pour la politique.
Impliquant une quarantaine d'élus – dont l'ancien maire de Rome de 2008 à 2013 Giorgio Alemanno –, de fonctionnaires, d'hommes d'affaires et de criminels notoires, l'affaire a mis au jour un vaste réseau de corruption et de détournement de fonds qui gangrenait la capitale italienne depuis des années. « Depuis vingt ans, une partie des Italiens a l'impression de devoir combattre contre la classe politique, vue comme un groupe de privilégiés qui ne s'occupent que de la sauvegarde de leurs propres intérêts », affirme Ilaria, étudiante à Turin.
Un vent de changement souffle sur le paysage politique italien
La rapport à la politique des Italiens sert évidemment la montée du M5S qui séduit par son discours anti-système et qui promet transparence et légalité. « Ces deux arguments ont fait une véritable percée dans l'opinion publique italienne jusque là résignée par une politique malhonnête et par sa collusion avec le système mafieux », explique Ilaria. Le M5S œuvre depuis quelques temps pour ramener les Italiens vers la politique. Il s'agit d'informer, de « rééduquer une partie de la population à ce que sont les thèmes majeurs de la politique italienne, notamment avec des moyens très simples comme de petites vidéos explicatives sur des questions centrales qui ont toujours été oubliées ou bien traitées par le langage dit politique ». La percée grilliste peut également être perçue comme un changement des mentalités sur le plan social.
Deux femmes ont été élues à la tête de deux grandes villes. Pour Ilaria, les résultats de ces élections symbolisent « une victoire importante d'un point de vue social, surtout après les déclarations malheureuses de Guido Bertolaso [candidat centre-droit à Rome qui s'est retiré le 28 avril, ndlr] sur la candidature à Rome de Giorgia Meloni (membre du parti Fratelli d'Italia). À propos de la candidate, enceinte, il avait déclaré : "Meloni, il faut qu'elle s'occupe d'être mère, pas maire". Cette triste déclaration avait été reprise par l'ex-président du Conseil Berlusconi qui avait affirmé : "il est clair qu'une mère ne peut pas se dédier à un travail, qui dans le cas présent, serait terrible puisque Rome est dans une situation désastreuse" ».
Le ciel s'assombrit au dessus du Palazzo Chigi
Ces élections municipales ont dressé un état des lieux de l'opinion face au gouvernement Renzi et de son parti, sonnant le signal d'alarme. Les défaites face au M5S laissent un goût amer aux cadres du PD qui ont été peu nombreux à commenter les résultats dans les médias. Les victoires du M5S apparaissent comme des défaites personnelles pour Matteo Renzi qui s'était engagé dans la campagne au côté de Roberto Giacchetti, candidat PD à Rome, et contre les grillistes. Ainsi rappelait-t-il lors de la campagne les problèmes que connaissent les 17 communes dirigées par des grillistes.
Si avant les élections, Matteo Renzi insistait sur la portée avant tout locale de ces élections, et soutenait qu'il n'en ressortirait « aucun signal politique », il semble difficile de le croire aujourd'hui. La situation est d'autant plus alarmante pour le Président du Conseil italien qui proposera son projet de réforme de l’État par référendum en octobre prochain. Le projet prévoit notamment l'affaiblissement du bicaméralisme en réformant le Sénat qui verrait son effectif et ses prérogatives réduits. Les résultats du référendum devaient conditionner le maintien ou le départ du Président du Conseil. Or à la suite des résultats des élections, le doute semble s'installer au Palazzo Chigi, siège de la présidence du Conseil. Le « oui » pourra-t-il l'emporter ? La rumeur se diffuse dans la presse italienne : Matteo Renzi serait sur le point d'annoncer qu'en cas de victoire du « non » en octobre, il ne démissionnerait pas. L'incertitude plane.