Le stoïcisme est né en Grèce antique et s’est étendu sur près de six siècles à travers trois principaux mouvements: le stoïcisme ancien, le stoïcisme moyen et le stoïcisme nouveau ou impérial avec Sénèque, Épictète et Marc-Aurèle (Ier-IIe s. après J.-C). Les seules œuvres complètes dont nous disposons sur le stoïcisme proviennent de ce dernier mouvement. C’est celui-ci en particulier que nous nous proposons d’étudier dans cet article. Dans ce vaste courant philosophique, le bonheur est défini par la négative: il consiste en l’ataraxie, c’est-à-dire en l’absence de troubles de l’âme, autrement dit en la sérénité de l’âme. C’est une philosophie eudémoniste qui fait du bonheur la fin naturelle de l’existence humain et de la sagesse la condition sine qua non pour y accéder.
Bien qu'aujourd'hui le bouddhisme soit parmi les philosophies de vie qui comptent le plus d'adeptes dans le monde, il existe une discrète communauté stoïcienne. Cette communauté s'est formée en octobre 2012 au Royaume-Uni lors d'un atelier organisé dans l'université d'Exeter. Les fondateurs, qui gèrent le site internet http://blogs.exeter.ac.uk/stoicismtoday/, se composent de sept universitaires et psychothérapeutes qui étudient ensemble et avec passion cette philosophie antique. Ils organiseront en 2015 pour la quatrième fois, la Stoic Week (semaine stoïcienne), événement international ouvert à tous les internautes. Sept jours durant, les participants sont invités à suivre les pratiques stoïciennes tout en les adaptant au monde moderne. Au fil de la semaine, les cours mis en ligne permettent d'appréhender les principes de base du stoïcisme. L'enjeu est de voir les potentiels bienfaits à tirer sur notre propre vie d'un tel mode d'existence et d'en mesurer l'utilité au quotidien.
De l’utilité du stoïcisme
Quelque soient les hasards malheureux de notre existence, le stoïcisme nous aide à les accepter et à les dépasser. C'est dans ce cadre une véritable philosophie thérapeutique. Jamais un stoïcien ne se plaint de son sort ou ne laisse ses sentiments prendre le dessus sur sa raison. L'exemple d'Épictète, esclave affranchi et stoïcien ascétique majeur du courant impérial, constitue un véritable modèle. Un jour, son maître s'amusait à lui tordre sa jambe boiteuse avec un instrument de torture. Alors que le philosophe le prévenait calmement des risques qu'il y avait de lui casser la jambe, ce qui devait arriver arriva. « Je t'avais bien dit que me casserais la jambe, la voilà cassée » formula froidement Épictète après le drame. En tant que stoïcien, il ne fut pas troublé par son malheur. Un stoïcien reste donc serein en toutes circonstances, que la blessure soit morale ou physique.
L'éthique stoïcienne tient d'ailleurs à de simples préceptes qui n'ont rien perdus de leur efficacité aujourd'hui. Épictète expliquait l'importance de distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous : « Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions, en un mot tout ce qui est opération de notre esprit ; ce qui ne dépend de pas de nous, c’est le corps, la fortune, les témoignages de considération, les charges publiques, en un mot tout ce qui n’est pas opération de notre âme. »(Manuel d’Épictète). Dans la mesure où quelque chose ne dépend pas de nous, rien ne sert de pleurer. Bien au contraire, il dépend de nous de surmonter cette tristesse selon la logique stoïcienne.
Toute l'éthique stoïcienne tourne donc autour du bon usage de la raison qui doit nous permettre d'avoir le contrôle sur nos représentation en toutes circonstances. Il s'agit d'un art de la distance par rapport à tout ce qui agit sur nous.
Le stoïcisme, une réponse à la crise ?
Mais pour prendre un exemple plus moderne, la crise économique est un événement extérieur qui ne dépend pas de nous mais qui peut nous apporter des malheurs comme un licenciement, un pouvoir d'achat moindre ou un stress supplémentaire. Les deux autres grands principes du stoïcisme avec la distinction entre les choses qui dépendent de nous et les choses qui ne dépendent pas de nous sont la formule : « Subis et abstiens-toi » ainsi que l'indifférence au monde extérieur. En posture de victime de la crise économique, un stoïcien devrait donc supporter la pauvreté, supporter les malheurs extérieurs et finalement accepter son sort. Il n'est en effet pas de sa responsabilité de sortir de son malheur alors pourquoi désirer un bonheur aussi vain qu'utopique ? A l'instar du Sisyphe de Camus dans le Mythe de Sisyphe, c'est justement en vivant au présent sans chercher une impossible issue à son tragique destin que l'on parvient a être heureux.
Quoiqu'il en soit, le stoïcisme n'est pas seulement une réponse à la crise, mais à tous les hasards malheureux de notre existence en général, ce qui en fait une philosophie définitivement universelle et intemporelle.
Stoïcisme et passion amoureuse
Face à la problématique du sentiment amoureux qui n'a jamais cessé d'être actuelle, le stoïcisme considère cette passion comme n'importe quelle autre. Qu'est-ce qu'une passion ? Une inclination naturelle pervertie sous l'influence du milieu social et qui trouble l'âme. Les stoïciens considèrent que c'est l'habitude et l'éducation qui nous persuadent de certaines choses, que la douleur est un mal par exemple. La raison doit alors agir comme un filtre qui accepte ou non la passion et la régule. Il est dès lors possible d'être amoureux et stoïcien si et seulement si cet amour reste sous un certain contrôle.