Chaque année, deux organisations non-gouvernementales (ONG), Greenpeace Suisse et la Déclaration de Berne (DB), établissent une liste d’entreprises nominées, selon les recommandations d’autres organisations, pour recevoir le prix de la pire entreprise. Deux prix sont ainsi remis : le premier suit les votes du public (les internautes ont un mois pour voter sur le site dédié), le deuxième vient du choix d’un jury indépendant. Le but est de dénoncer les abus de certaines entreprises, tels que des affaires de corruption, de mauvais traitement des travailleurs, de dégradation de l’environnement, ou encore de non-respect des droits de l’Homme. A l’origine, le prix initialement appelé le Public Eye on Davos, est attribué lors d’une cérémonie se voulant le contre-sommet du Forum économique mondial (FEM), qui se réunit chaque année à Davos en Suisse. Le FEM réunit notamment des dirigeants d’entreprises, qui débattent sur des thématiques mondiales, telles que les problèmes environnementaux ou ayant trait à la santé. Greenpeace et DB ont ainsi pour vocation de mettre en avant la notion de responsabilité sociale des entreprises, qui n’est pas respectée dans de nombreux pays.
Le Hall of shame
Cette année, parmi les nominés, on trouvait dans l’ordre croissant des votes : Goldman Sachs, surnommé « le vampire de la finance » particulièrement pour son rôle dans le maquillage des comptes de la Grèce (sur les chiffres de sa dette publique en particulier) ; l’entreprise britannique de sécurité privée G4S accusée de violations des droits humains dans divers pays en crise ou en guerre, et qui s’occupe notamment de « check points » dans les territoires palestiniens pour le compte d’Israël ; la firme suisse Repower spécialisée dans le domaine de l’énergie, pour son projet de construction en Calabre d’une centrale à charbon, alors que les populations locales y sont opposées ; Coal India, entreprise indienne spécialisée dans l’extraction de charbon, dont plus de 200 travailleurs sont morts dans les mines en 2010, mines qui dégradent l’environnement et privent les populations locales de leurs terres ; le groupe sud-africain Lonmin (voir l’article du Journal International sur les émeutes de Marikana ) à l’occasion des manifestations de travailleurs dans les mines de platine, sévèrement réprimées (44 manifestants sont décédés) ; et enfin le groupe français Alstom pour des affaires de corruption, notamment envers des personnalités politiques locales.
L’année dernière, avaient été « récompensés » Vale (groupe minier brésilien), pour son rôle dans la destruction de l’Amazonie liée à la construction du barrage de Belo Monte, et Barclays (banque britannique) pour ses activités de spéculation sur le cours des matières premières (qui ont provoqué la hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires). Dans le « Hall of shame » (littéralement temple de la honte, détournant le « temple de la renommée »), recensant les nominations des années précédentes, on peut également trouver Areva (2008), Novartis (2007), Citigroup (2006), ou encore Walt Disney (2005).
Shell en Arctique, Goldman Sachs en Grèce
Shell a ainsi remporté le prix du Public (le People’s award), élu par les internautes avec plus de 16 400 votes ; Goldman Sachs suit avec 10 690 voix, et remporte de son côté le prix Global, cette fois attribué par un jury.
Shell, connu pour sa responsabilité dans des scandales de marée noire, comme au Niger et dans le Golfe du Mexique, prévoit d’explorer la zone arctique pour exploiter le pétrole sous la glace, accessible à cause de la fonte des glaces. Une telle entreprise pourrait entraîner des dégâts irréparables pour la biodiversité, sans compter la production de gaz à effet de serre que cela entraînerait (contribuant également au changement climatique).
Quant à elle, l’entreprise Goldman Sachs a été reconnue responsable du maquillage des comptes de l’Etat grec, qui a permis la dissimulation des vrais chiffres de la dette publique, dont on connaît aujourd’hui les graves conséquences pour son économie. La banque d’affaires a joué un rôle non négligeable dans la formation de la bulle spéculative de l’immobilier américain, et donc dans le déclenchement de la crise des subprimes qui a suivi en 2008. Goldman Sachs continue ses activités de spéculations en toute liberté, malgré les recommandations au niveau mondial, notamment la loi Volcker de 2010, visant à réduire les investissements spéculatifs.