Dans les ruelles de la vieille ville d'Alep. Crédit Jack Hill / SIPA
Le régime de Bashar Al-Assad fait toujours partie des trois principales forces en présence du pays. Ses partisans occupent toujours une place prédominante dans l’ouest de la Syrie. La bataille d’Alep est d’ailleurs l’un des principaux enjeux du conflit. En effet, les forces loyalistes encerclent la ville dans le but d’isoler les rebelles, et ainsi obtenir le même résultat tactique qu’avec la ville de Homs, revenue aux mains du pouvoir en mai 2014. La ville qui comportait à l’époque pas moins d’un million d’habitants n’en compte plus que 100 000 aujourd’hui, ce qui laisse place à un combat entre les forces armées présentes sur le territoire. Le Hezbollah, quant à lui, contrôle la partie nord du pays, donnant ainsi un appui considérable au régime.
Une opposition radicale mais divisée
Si l’opposition est quant à elle divisée, on assiste à la montée en puissance du front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaeda. Elle se revendique du salafisme djihadiste qui est, lui-même, secondé par deux autres groupes islamistes radicaux. Le groupe est fortement présent au sud et procède à des incursions au Liban, ainsi qu’à des prises d’otages de militaires pour déstabiliser le pays et diviser la population libanaise. En effet, Al-Nosra exige le retrait du Hezbollah du territoire syrien. Un double attentat suicide faisant neuf morts a d’ailleurs été revendiqué par le groupe le 10 janvier dernier à Tripoli, suivant cette logique d’intimidation. La présence du groupe est aussi considérable au nord-ouest du pays, et se trouve directement en conflit avec le régime et l’organisation de l’État islamique dans la ville d’Alep. Le groupe profite d’un financement conséquent de l’Arabie Saoudite ainsi que de riches mécènes des pays du Golfe. D’un autre côté, la Turquie est accusée de fournir des armes au front Al-Nosra. Ces éléments lui ont permis de renforcer son rôle et ainsi, devenir l’un des opposants les plus puissants.
L’État islamique est le principal acteur de ces derniers mois, après s’être imposé massivement sur les territoires syrien et irakien. Si, à l’heure actuelle, son expansion est contrôlée et ne progresse plus, ce n'est pas le cas de son assise symbolique. En effet, celle-ci s’est fortement renforcée suite aux frappes aériennes américaines et occidentales. Parallèlement, l’organisation a su mettre en scène des exécutions d’otages, de manière à dénoncer les dérives des systèmes américain et occidental. Ils ont notamment habillé chaque victime d’uniformes similaires à ceux des prisonniers de Guantanamo. Progressivement, les ennemis des États-Unis en sont venus à supporter l’organisation et à renforcer sa légitimité symbolique sur le territoire qu’elle revendique.
Si ces deux groupes se situent dans l’opposition du régime et appartiennent au mouvement de l’islamisme radical, ce n’est pas pour autant qu’ils sont alliés. En effet, le front Al-Nosra, en portant allégeance à Al-Qaeda et à son dirigeant Al-Zawahiri, n’a pas reconnu officiellement l’organisation de l’État islamique ainsi que la création du Califat prônée par Al-Baghdadi. Parallèlement, Al-Baghdadi a lui-même renié son allégeance à la maison mère d’Al-Qaeda. Alors que les deux groupes se disputent la tête du djihadisme au niveau mondial, il paraît difficile à l’heure actuelle de considérer une potentielle alliance sur le terrain.
Une nouvelle diplomatie américaine ?
Les États-Unis prônaient un désengagement militaire dans la région, leur action devant se limiter à leurs relations avec les pays du Golfe ainsi qu’à la protection d’Israël. Mais Obama a été obligé de reconsidérer cette politique et s'est réengagé en Irak pour combattre l’État islamique. En effet, face à cette nouvelle menace djihadiste, l’administration américaine refuse de voir l’Iran comme le principal acteur de la région, pouvant ainsi mettre la mainmise sur l’Irak. Le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran constituent l’axe chiite du Moyen-Orient, directement menacé par l’organisation sunnite de l’État islamique, et se déclarant anti-chiite, comme expliqué dans l’article Comprendre l’organisation de l’État islamique. Si l’Iran a pu augmenter son influence dans la région ces dernières années grâce à son alliance avec le régime syrien notamment, ses intérêts face à l’organisation de l’État islamique sont aujourd’hui les mêmes que les Occidentaux. Cela place le pays comme un allié potentiel des États-Unis sur ce dossier.
Toutefois, à cause des relations diplomatiques difficiles entre les deux pays, notamment avec la question du nucléaire iranien, les États-Unis ne souhaitent pas laisser à l’Iran un rôle trop important dans la lutte contre l’organisation de l’État islamique. Or, les américains ne peuvent pas compter sur d’autres forces militaires régionales pour lutter contre l’organisation. Si un soutien aérien était donc incontournable pour l’administration Obama, une intervention au sol paraît difficile à faire accepter à la population américaine, connaissant l’échec de la guerre en Irak, son coût et le nombre de pertes américaines. Dans cette optique, Obama a annoncé la formation de rebelles syriens modérés, dès mars prochain, avec un triple objectif : protéger la population syrienne et lutter contre le régime en place, soutenir l’opposition syrienne et enfin, attaquer l’organisation de l’État islamique. Plusieurs centaines de militaires américains vont être déployés courant mars en Turquie, Arabie Saoudite, Qatar et deux autres pays dont les noms n’ont pas été précisés, pour mettre en place cette formation. Le but est de former 5 000 syriens, ce chiffre pouvant être doublé si les opérations sont un succès.
Le rôle de l’Union européenne
L’Union européenne joue également un rôle prépondérant dans la crise syrienne actuelle. Suite aux attentats perpétrés à Paris début janvier 2015, l’Union européenne a fait connaître sa volonté de renforcer la coopération contre le terrorisme avec les pays arabes. Ainsi, une conférence principalement organisée par le Royaume-Uni et les États-Unis a réuni les membres de la coalition contre l’organisation de l’État islamique le 28 janvier dernier. L’Union européenne, après avoir rompu toute liaison diplomatique avec le pouvoir syrien, a annoncé le renvoi d'un chargé d’affaires à Damas, dans le but d’avoir un accès plus direct aux informations à propos du conflit, et ouvrir de possibles négociations avec le régime.
D’un point de vue humanitaire, l’Europe accueille un nombre important de réfugiés syriens, l’Allemagne en comptant à elle seule 50 000. Face au manque d’argent de l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) annoncé en décembre 2014, et à son incapacité à faire face aux besoins d’un nombre de réfugiés croissant, l’Union Européenne a débloqué 170 millions d’euros pour éviter « une catastrophe humanitaire ». Aujourd’hui, l’aide humanitaire syrienne est composée à 80 % du financement européen et américain.
Cette urgence humanitaire est d’autant plus grave que les issues possibles du conflit sont toujours très floues à l’heure actuelle. C’est dans un climat incertain que la quatrième année de conflit débute, d’autant plus que la volonté occidentale de combattre le terrorisme islamique peut faire oublier certains aspects de la guerre civile syrienne.