La renaissance du cinéma brésilien

2 Avril 2014


A quelques mois de la Coupe du monde de football, et cinquante ans après le coup d’état militaire, l’année 2014 revêt un intérêt majeur pour le Brésil. Le Festival de cinéma brésilien de Paris en profite pour placer le football et la dictature au centre de sa 16ème édition. Rencontre avec sa présidente, Katia Adler.


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Le Journal International : Comment est né le Festival de cinéma brésilien ? Quelle était la démarche originelle ?

Katia Adler : Je suis venue en France pour faire des études de cinéma, j’ai ensuite commencé à travailler pour des courts métrages puis pour une société de production. J’ai senti que la télévision française disait toujours du mal du Brésil et j’avais très envie de défendre le cinéma brésilien, de défendre mon pays ici. L’envie de parler d’un Brésil meilleur que celui présenté à la télé. La première édition du Festival est née en 1999. J’ai commencé à chercher des films, mais malheureusement au Brésil, le président Fernando Collor (1990-1992) avait supprimé toutes les subventions pour l’art en général, donc pour le cinéma. Je me suis aperçue qu’il n’y avait pas de nouveaux films à proposer, ce qui m’a conduit à organiser le festival par thèmes. La première édition s’est déroulée autour de la musique, ensuite il y a eu l’Amazonie. A partir de 2002-2003 se développe ce qu’on appelle le nouveau cinéma brésilien, avec la production de nouveaux films. Jusque-là, on faisait peut-être deux ou trois films par an, aujourd’hui c’est près de 180 films qui se produisent chaque année au Brésil. Depuis, le festival n’est plus un cinéma thématique, c’est l’occasion de découvrir de nouvelles productions brésiliennes, même si je me permets chaque année de rendre hommage à un réalisateur, ou comme cette année de mettre en avant deux thématiques : le football et la dictature.

JI : La 16ème édition s’est ouverte ce mardi 1er avril, avec ces deux thématiques, « football et dictature ». Pourquoi les avoir choisies ?

KA : Chaque année on cherche notre public, le cinéma brésilien n’étant pas encore très connu. En choisissant le foot et la dictature, c’est intéressant parce qu’un public qui ne viendrait pas normalement va découvrir le festival. On est toujours à la recherche d’un public qui va s’intéresser à une thématique. Cette année il y a la Coupe du monde, et on commémore aussi les cinquante ans du coup d’état militaire. Ce sont deux thèmes très actuels qui me semblait importants de mettre en avant. 

JI : Quelle place occupait la culture sous la dictature ?

KA : A l’époque de la dictature, la musique était interdite, pas mal de films aussi. L’exemple du film "Un homme condamné à mourir" est très significatif, puisque sa réalisation en 1964 a été interrompue par les militaires, jusqu’à ce que son réalisateur, Eduardo Coutinho, ne décide de terminer le tournage plus de 20 ans après. On ne pouvait plus faire les films ou les musiques que l'on voulait. Il y a ensuite eu une période intéressante durant laquelle plusieurs chanteurs comme Chico Buarque, Caetano Veloso, Gilberto Gil, permettaient de protester contre la dictature à travers leurs chansons, à travers des paroles détournées que les militaires ne comprenaient pas. C’était une façon de contourner la censure. Parce que beaucoup d’intellectuels ont dû fuir le pays durant cette période. La nouvelle vague brésilienne aussi a produit des films un peu « détournés », car les réalisateurs de ce courant critiquaient la dictature. Malgré l’interdiction, quelques réalisateurs comme Glauber Rocha ou Nelson Pereira dos Santos ont continué à travailler mais la plupart ont été contraints à l’exil.  

JI : Quelle place occupe le cinéma dans la société brésilienne ?

KA : Aujourd’hui la production est assez riche, entre 180 et 200 films par an. Le problème aujourd’hui est de réussir à trouver son public. Certains films sont produits mais n’arrivent même pas à être distribués. Le Brésil a beaucoup consommé de cinéma américain pendant les années 80-90, mais se remet progressivement à voir des films brésiliens. C’est ce qu’on appelle la retomada du cinéma brésilien. Même si beaucoup de films produits ne sont pas diffusés, il y a une évolution très positive, avec une multiplication des productions brésiliennes, dont plusieurs s’exportent à l’étranger. Il y a aussi de nombreuses co-productions avec les Etats-Unis, la France ou l’Angleterre.

JI : Quel rôle joue l’Etat brésilien dans le développement du cinéma national ?

KA : Les trois derniers gouvernements, Fernando Henrique Cardoso (1995-2003), Lula da Silva (2003-2011) et Dilma Rousseff (depuis 2011) ont tous fait un effort pour subventionner le cinéma. Et l’Etat de Rio a un système très intéressant, le RioFilme, qui subventionne également de nombreux films au Brésil. On retrouve également à Recife et Sao Paulo des subventions importantes pour le cinéma national et local. Certains films, comme Les Bruits de Recife (2012), qui est un film indépendant, arrivent à tourner dans plusieurs pays du monde grâce à ces subventions. C’est un phénomène qu’on ne pouvait pas voir il y a dix ans. C’est très important pour le Brésil que le gouvernement s’implique et subventionne le cinéma de son pays.



Etudiant en journalisme - Institut d'Etudes politiques - Institut des Hautes Etudes de l'Amérique… En savoir plus sur cet auteur