1945, la France sort de la Seconde Guerre mondiale surendettée, désorganisée, exsangue. Son taux d’endettement avoisine les 290% du PIB. En 1973, la dette publique retombe à 5% du PIB. Cette période de croissance, de reconstruction et d'acquis sociaux sera plus tard appelée par l'économiste Jean Fourastié les « Trente Glorieuses ». Puis, à compter de 1973, l'endettement français n'a jamais cessé d'augmenter passant de 5% à environ 90% du PIB aujourd'hui. Quelle est la cause de l'endettement actuel des Etats européens et américains ? La réponse est complexe et se joue dans trois déterminants.
La finance n'est plus attachée à la réalité physique
En 1971, le Président américain Nixon déclare que le dollar n'est plus convertible en or : c'est la fin du Gold Exchange Standard qui stabilisait le système monétaire international. Les monnaies mondiales étaient attachées au dollar, qui était lui même attaché à l'or. Désormais toutes les monnaies fluctuent. Cela ouvre de nouveaux horizons aux spéculateurs.
Alors que les banques qui spéculaient devaient posséder physiquement une certaine quantité d'or en réserves (sous forme de métal jaune ou sous forme de dollar), elles n'ont plus cette obligation et peuvent donc spéculer à crédit, en se prêtant les unes aux autres de l'argent qu'elles n'ont pas. C'est le début de la finance à taille gigantesque.
Le matin 1 € vaut 1,27 $, le soir il peut valoir 1.33$
De 1971 à 1973 le système monétaire international était quand même en partie régulé par les Etats. En 1973 c'est le passage au régime de change flottant. Les monnaies fluctuent alors sur le marché des changes, sans pouvoir être contrôlées par les Etats. C'est le système que nous utilisons encore aujourd'hui.
Pourquoi les valeurs des monnaies sont elles si variable à court terme ? Principalement à causes des anticipations et des spéculations. Nous avons besoin d'anticiper pour prévoir et faire fonctionner l'économie. Mais la spéculation actuelle est une spéculation extrême, qui ne favorise que les plus grands groupes au détriment d'une grande partie de la population mondiale.
Le casse du siècle
En France, le gouvernement Pompidou met en place la loi du 3 janvier 1973 sur la Banque de France. L'Etat français qui empruntait l'argent dont il avait besoin à la Banque de France ne peut (presque) plus le faire. Il doit dorénavant l'emprunter sur les marchés financiers comme une entreprise classique. Mais la différence est de taille : alors que l'Etat ne payait pas d'intérêts sur sa dette en empruntant à la Banque de France, il doit se mettre à en payer.
Cette loi est parfois surnommée loi Pompidou-Giscard ou loi Rothschild. Car le Président Pompidou était ancien directeur général de la Banque Rothschild, qui deviendra le plus gros préteur d'argent envers l'Etat français. Certain appelleront cela « le casse du siècle ».
Depuis cette date, le budget français n'a plus jamais été en équilibre pour une raison simple : nous payons des intérêts sur la dette aux banques privées. Ce que nous appelons la dette, ce que l'on doit, est simplement la somme des intérêts que l'on doit payer. Le graphique suivant nous montre l'évolution de la dette en rouge, et cette même dette si nous ne devions pas payer d'intérêt.
Les gouvernements français successifs peuvent se renvoyer la balle en affirmant que la dette « c'est la faute du gouvernement précédent ». En réalité, c'est une question de système économique mal conçu. Ce n’est donc pas un hasard si la dette est élevée, mais bien le résultat des politiques économiques menées jusqu’alors.
Peut-on revenir sur cette loi ? Hélas difficilement car l'esprit de cette loi se retrouve dans l'article 104 du traité de Maastricht, devenu en 2007 l'article 123 du traité de Lisbonne : « Il est interdit à la Banque centrale européenne [...] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux [...] États membres ».
En revanche, la Banque Centrale Européenne a le droit d'accorder des prêts aux banques privées pour un taux de 0.01%, qui se chargeront de les prêter aux États, avec intérêts bien sûr !