Crédit Photo -- inyucho / Flickr
De l’URSS, en Europe de l’Ouest, il ne reste que quelques maigres vestiges. Ces derniers sont avant tout des stéréotypes, empruntés à la culture nord-américaine qui, pendant des années, nous a fait parvenir sa représentation de ce qu’était cet ensemble de pays à l’idéologie singulière.
Cette disparité entre Ouest et Est, entre imaginaire collectif et histoire, explique les différences qu’observe le voyageur lorsqu'il interroge les personnes vivant dans les pays d’ex-URSS.
Une « enclave » russe
On pourrait naturellement s’attendre à ce que les nouveaux « citoyens libres » n’éprouvent aucune nostalgie à ne plus vivre dans des pays qui, de nos jours, semblent bien plus prospères qu’avant 1991. Pourtant, c’est avec « regret » que beaucoup nous parlent du passé, de cette époque qui, bien que lointaine pour les plus jeunes, apportait à chacun un travail, une idéologie, autre que celle de l’enrichissement individuel.
Cette représentation du communisme marque les « occidentaux » qui se risquent en Moldavie ; un pays qui nous semble si lointain mais qui partage une frontière avec l’Union européenne. Il est de culture latine et produit un vin qui n’a rien à envier à celui de nombreux vignobles français. La Moldavie, petit Etat entre deux mondes, entre Russie et Union européenne, semble vivre au ralenti. Le pays aimerait intégrer l’Union européenne dans les « années à venir », tout en sachant pertinemment que son économie ne peut lui assurer les moyens de moderniser ses infrastructures. Le travail à accomplir semble titanesque, d’autant plus que nos lointains voisins ne disposent, contrairement aux autres pays de la CEI, d’aucune ressources fossiles. C’est probablement la raison pour laquelle la chute du communisme, du moins sur le plan économique, laisse un vide dans la vie de nombreux habitants.
Résumer la Moldavie à son vin, son souhait d’intégration européenne, sa dépendance économique totale à la Russie et le charme de Chisinau, sa capitale, en été, ne saurait être suffisant. La Moldavie a pour elle de partager une « frontière » avec un Etat qui n’existe pas. Ce « pays », vestige de l’URSS, est, dans le dialecte des géopoliticien, un « cas fascinant ». Pour les diplomates, c'est un « micmac » et pour les Moldaves, « une épine dans le pied ». Bienvenue en Transnistrie, Etat non reconnu par la communauté internationale, au charme soviétique palpable !
Cette représentation du communisme marque les « occidentaux » qui se risquent en Moldavie ; un pays qui nous semble si lointain mais qui partage une frontière avec l’Union européenne. Il est de culture latine et produit un vin qui n’a rien à envier à celui de nombreux vignobles français. La Moldavie, petit Etat entre deux mondes, entre Russie et Union européenne, semble vivre au ralenti. Le pays aimerait intégrer l’Union européenne dans les « années à venir », tout en sachant pertinemment que son économie ne peut lui assurer les moyens de moderniser ses infrastructures. Le travail à accomplir semble titanesque, d’autant plus que nos lointains voisins ne disposent, contrairement aux autres pays de la CEI, d’aucune ressources fossiles. C’est probablement la raison pour laquelle la chute du communisme, du moins sur le plan économique, laisse un vide dans la vie de nombreux habitants.
Résumer la Moldavie à son vin, son souhait d’intégration européenne, sa dépendance économique totale à la Russie et le charme de Chisinau, sa capitale, en été, ne saurait être suffisant. La Moldavie a pour elle de partager une « frontière » avec un Etat qui n’existe pas. Ce « pays », vestige de l’URSS, est, dans le dialecte des géopoliticien, un « cas fascinant ». Pour les diplomates, c'est un « micmac » et pour les Moldaves, « une épine dans le pied ». Bienvenue en Transnistrie, Etat non reconnu par la communauté internationale, au charme soviétique palpable !
Un Etat de facto à l’identité singulière
Rassurez-vous, la Transnistrie ne semble pas en mesure d’assumer les fonctions de l’ancienne URSS. Le « pays » compte 550 000 habitants (population équivalente au Luxembourg) et survit grâce au financement de la grande sœur russe, qui entretient sa coûteuse administration et les troupes militaires sur place.
La Transnistrie qu’on visite n’est pas celle décrite aux informations. Certes, le KGB y existe encore, on trouve la statue de Lénine, en face du Parlement. Elle vous regarde alors que vous allez faire vos courses et, comme de bien entendu, on trouve un système politique plus « autocratique » que celui qu’on connaît chez nous.
La Transnistrie n’est pas aussi monstrueuse qu’on nous la dépeint. On peut y entrer, comme « étranger », sans avoir de tampon sur son passeport. L’enregistrement à la frontière est bien moins pénible que ne pourrait l’être celui auquel on se plie pour aller dans nombre de pays qui n’appartiennent pas à l’espace Schengen. Qui plus est, les habitants (bien que parlant rarement l’anglais) sympathiques envers les « Occidentaux », sans oublier le vin et le cognac de qualité qui incitent à visiter, avec attention, les quelques bars. Pour résumer, il vous est possible de passer la frontière, revenir au temps des « Soviets » et savourer un délicieux verre de cognac sur une place en centre-ville, tout en regardant le drapeau de cet Etat que personne ne reconnaît à travers le monde.
La Transnistrie n’est pas aussi monstrueuse qu’on nous la dépeint. On peut y entrer, comme « étranger », sans avoir de tampon sur son passeport. L’enregistrement à la frontière est bien moins pénible que ne pourrait l’être celui auquel on se plie pour aller dans nombre de pays qui n’appartiennent pas à l’espace Schengen. Qui plus est, les habitants (bien que parlant rarement l’anglais) sympathiques envers les « Occidentaux », sans oublier le vin et le cognac de qualité qui incitent à visiter, avec attention, les quelques bars. Pour résumer, il vous est possible de passer la frontière, revenir au temps des « Soviets » et savourer un délicieux verre de cognac sur une place en centre-ville, tout en regardant le drapeau de cet Etat que personne ne reconnaît à travers le monde.
Crédits photo -- Le Dessous des Cartes | Arte | lepac.org
Alors, la question est la suivante : comment se fait-il que ce pays, en apparence si calme, pose autant de problèmes ? La réponse se trouve dans la combinaison de plusieurs facteurs. Le premier est que, ni la Moldavie ni l’Union européenne ne reconnaissent l’existence de la Transnistrie. Le « pays » dispose pourtant de son Parlement, de sa monnaie (le rouble de Transnistrie), d'un drapeau, d'un hymne, d'un nouveau président, d'une armée, et d'une université. Mais il est difficile de le considérer comme tel. On pourrait même aller plus loin : la Transnistrie, bien qu’isolée, est plus riche que la Moldavie. Les rues y sont propres, les bâtiments en « bon » état et la population ne semble pas mourir de faim. Cette situation s’explique par la présence des financements russes, mais aussi par la présence d’industries, dont la compétitivité faiblit malgré le maintien des chiffres de l'emploi.
Une explication de la non-reconnaissance internationale repose sur le fait que la population transnistrienne est un mélange de trois minorités : Moldaves, Russes et Ukrainiens se partagent le « pays ». Les experts ont tendance à s’accorder sur le fait que l’identité transnistrienne repose plus sur un souhait du gouvernement que sur la réalité. Naturellement, le gouvernement transnistrien expose le contraire. Il est difficile de développer un sentiment d’appartenance, mais après 22 ans d’indépendance, la population se sent attachée à cette terre, ses coutumes, son histoire, légèrement différente du reste de la Moldavie.
Une autre clé d’explication repose sur le fait que l’Union européenne, au même titre que la Moldavie, ne souhaite pas reconnaître cet Etat, aux références communistes, autocratique et entretenu par la Russie qui, si tant est qu’on tente de se rapprocher d’elle, change son approche pour mettre à mal toute négociation possible. Cette technique consiste à garder aussi longtemps que possible la situation en l'état. En effet, régler le conflit transnistrien, c’est ouvrir la perspective, sur le long terme, d’un élargissement européen qui grignote, depuis 2004, la sphère d’influence de la Russie.
Pencher pour l'unification de la Moldavie et de la Transnistrie, c’est accepter la possible extension européenne. Au contraire, accepter la division totale et reconnaître la Transnistrie (que la Russie ne reconnaît pas), c’est ouvrir la boîte de Pandore et ranimer les attentes des autres Etats de facto (Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabakh) et, plus dangereusement, les tensions entre ukrainophones et russophones en Ukraine et donc, aller jusqu’à poser la question de la possible indépendance de la Crimée.
Une explication de la non-reconnaissance internationale repose sur le fait que la population transnistrienne est un mélange de trois minorités : Moldaves, Russes et Ukrainiens se partagent le « pays ». Les experts ont tendance à s’accorder sur le fait que l’identité transnistrienne repose plus sur un souhait du gouvernement que sur la réalité. Naturellement, le gouvernement transnistrien expose le contraire. Il est difficile de développer un sentiment d’appartenance, mais après 22 ans d’indépendance, la population se sent attachée à cette terre, ses coutumes, son histoire, légèrement différente du reste de la Moldavie.
Une autre clé d’explication repose sur le fait que l’Union européenne, au même titre que la Moldavie, ne souhaite pas reconnaître cet Etat, aux références communistes, autocratique et entretenu par la Russie qui, si tant est qu’on tente de se rapprocher d’elle, change son approche pour mettre à mal toute négociation possible. Cette technique consiste à garder aussi longtemps que possible la situation en l'état. En effet, régler le conflit transnistrien, c’est ouvrir la perspective, sur le long terme, d’un élargissement européen qui grignote, depuis 2004, la sphère d’influence de la Russie.
Pencher pour l'unification de la Moldavie et de la Transnistrie, c’est accepter la possible extension européenne. Au contraire, accepter la division totale et reconnaître la Transnistrie (que la Russie ne reconnaît pas), c’est ouvrir la boîte de Pandore et ranimer les attentes des autres Etats de facto (Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabakh) et, plus dangereusement, les tensions entre ukrainophones et russophones en Ukraine et donc, aller jusqu’à poser la question de la possible indépendance de la Crimée.
Entre déception et sanction, entre intégration et rapprochement
Un aspect échappe pourtant aux spécialistes de la question : celui de l’identité. Officiellement, la Transnistrie souhaite se rapprocher de la Russie. Elle envisage même de l’intégrer avec un statut spécial, à la manière de Kaliningrad et ainsi devenir une enclave russe en Europe. Notre attention doit alors se concentrer sur le « à la manière », qui révèle tout un paradoxe. La Transnistrie est la descendante de l’URSS, son gouvernement garde à l’esprit l’intérêt de sa population. Bien qu’autocratique, le gouvernement et les citoyens souhaitent pouvoir continuer à y vivre en gardant des avantages sociaux. Les personnes âgées sont nombreuses, les retraites sont indispensables pour elles.
Crédits photo -- Amos Chapple / Rex Features
Tant que la Russie finance le pays, tout se passe bien. Si l’indépendance était proclamée, il n’y aurait nul intérêt à continuer de financer un pays si coûteux. Qui plus est, la Russie contemporaine n’incarne plus cet idéal social d’antan. Les inégalités de richesse sont nombreuses, le pays s’est « américanisé ». Le respect des minorités n’y est pas la première préoccupation. On imagine mal une Russie pouvoir être tolérante avec les minorités moldaves et ukrainiennes en Transnistrie et encore moins reconnaître l’identité transnistrienne si chère au gouvernement.
C’est la raison pour laquelle le petit Etat affiche son projet de rejoindre la Fédération. On retrouve le portrait de Vladimir Poutine dans les bureaux du gouvernement, des produits russes dans les supermarchés. Malgré le discours officiel, les dirigeants du pays savent pertinemment qu’ils n’ont qu’un faible intérêt à s’avancer sur cette pente glissante aux conséquences incertaines. L’intégration semble alors problématique et contredit de nombreux principes fondamentaux qui animent les Transnistriens et leur gouvernement.
Paradoxalement, l’Union européenne, si longtemps rejetée par la Transnistrie, semble davantage correspondre à leurs besoins. L’Europe défend les minorités, le multiculturalisme, la protection sociale y est plus importante, la liberté de mouvement en est une des nombreuses bases, au même titre que le respect des droits sociaux. Tout système est contestable, mais l’Union européenne semble la plus à même de permettre de respecter l’identité et les minorités des Etats.
Quoi de plus utopique que d’envisager l’intégration européenne pour un Etat de facto ? Le pays ne le souhaite pas, ne peut se le permettre. En effet, la Russie veille et contrôle de nombreux aspects de l'enclave. Qui plus est, l’Union européenne n’est pas encore assez forte pour s’avancer sur ce terrain hasardeux et connaît de nombreux obstacles auquel elle doit faire face avant de se poser la question de la Transnistrie et même, plus simplement, de la Moldavie. C’est sans doute la raison pour laquelle le temps passe si lentement. Bloqués entre deux mondes depuis plus de 22 ans, vivant paisiblement depuis la fin de la guerre, Moldaves et Transnistriens attendent.
Paradoxalement, l’Union européenne, si longtemps rejetée par la Transnistrie, semble davantage correspondre à leurs besoins. L’Europe défend les minorités, le multiculturalisme, la protection sociale y est plus importante, la liberté de mouvement en est une des nombreuses bases, au même titre que le respect des droits sociaux. Tout système est contestable, mais l’Union européenne semble la plus à même de permettre de respecter l’identité et les minorités des Etats.
Quoi de plus utopique que d’envisager l’intégration européenne pour un Etat de facto ? Le pays ne le souhaite pas, ne peut se le permettre. En effet, la Russie veille et contrôle de nombreux aspects de l'enclave. Qui plus est, l’Union européenne n’est pas encore assez forte pour s’avancer sur ce terrain hasardeux et connaît de nombreux obstacles auquel elle doit faire face avant de se poser la question de la Transnistrie et même, plus simplement, de la Moldavie. C’est sans doute la raison pour laquelle le temps passe si lentement. Bloqués entre deux mondes depuis plus de 22 ans, vivant paisiblement depuis la fin de la guerre, Moldaves et Transnistriens attendent.