Kevin Spacey lance un pavé dans la mare

4 Septembre 2013


La série House of Cards, diffusée sur Canal + depuis peu, a été créée par Netflix, un site de streaming américain. Les 10 épisodes qui la composent ont été mis à la disposition des internautes simultanément, une première dans l’industrie des séries TV. L’acteur principal, Kevin Spacey est revenu sur les bienfaits de ce modèle.


Le 1er février 2013, Netflix, géant du streaming vidéo dans de nombreux pays, diffuse sur son site internet sa première série originale : House of Cards. La série, remake d’une série homonyme britannique raconte l’histoire de Frank Underwood (Kevin Spacey), un homme politique de Washington. Ayant aidé le Président à être élu, il avait été convenu qu’il soit nommé secrétaire d’État. Mais un autre lui est préféré et Frank, aidé de sa femme Claire (Robin Wright), activiste environnementale, décide de tout faire pour se venger de ceux qui l’ont trahi. Pour cela, il jette son dévolu sur Peter Russo (Corey Stoll), jeune loup manipulable et sur Zoe Barnes (Kate Mara), journaliste. 

La série a été acclamée et a récolté de nombreuses nominations pour les Emmy Awards qui auront lieu fin septembre. Sur le plan audimatique, si Netflix n’a donné aucune précision quant au nombre de visionnages, le groupe s’est dit satisfait et a renouvelé la série pour une saison 2. À l’occasion du festival télévisuel international d’Édimbourg, Kevin Spacey est revenu sur le modèle de Netflix, la crise de l’industrie télévisuelle américaine et l’importance des nouveaux supports sur la consommation des biens culturels.

Faire confiance aux créateurs

Aux États-Unis, les séries obéissent à un modèle précis. Les chaines commandent une série de pilot, des épisodes inauguraux de séries. Les pilotes réalisés sont ensuite montrés à des panels de spectateurs. Selon leurs réactions et la foi des dirigeants de la chaine en ce que peut être la série, elle obtient une première commande de 13 épisodes. Si les 13 épisodes connaissent un succès d’audience, la chaine commande 9 épisodes supplémentaires.  

Chaque saison, toutes les chaines se prêtent à ce jeu de commandes et de test. L’an dernier, « une centaine de pilots ont été commandés », rapporte Spacey. Sur ces 100 pilots, 35 ont eu droit à une commande de 13 épisodes et seulement une petite quinzaine a ensuite eu droit à la deuxième phase de commandes. La plupart de ces séries ont disparu aujourd’hui. Le coût estimé de cette saison des pilots s’élève à 300 millions de dollars. L’acteur principal d’House of Cards y voit là un obstacle à la création. « Nous sommes allés voir les chaines avec le projet de série. Tous ont voulu un pilot, pour commencer. Or, un pilot, c’est un épisode où il faut présenter tous les personnages et montrer l’intérêt de la série, au lieu de prendre son temps. Avec House of Cards, nous voulions prendre notre temps pour raconter une histoire. Seule Netflix a accepté de commander la saison d’un coup. En comparaison au coût des pilots, les 2 saisons d’House of Cards ne semblent plus aussi chères. » 

Pour Spacey, les séries marchent, car elles prennent le temps de raconter des histoires. Citant Game of Thrones, Breaking Bad, The Walking Dead, Mad Men, The Good Wife, The Wire, Sons of Anarchy, il explique que toutes ces séries ont mis en avant le créateur. Selon lui, ce sont les histoires qui intéressent le spectateur. Rappelant les mots de son idole Jack Lemmon, il a critiqué l’implication des décideurs des chaines, « ces hommes en costume, debout en permanence à côté du réalisateur », dans le processus de création.

Cette critique fait écho à la confidence de Howard Gordon, co-créateur de Homeland. Il a révélé qu’il avait, par deux fois, essayé de tuer le héros de la série, Nicholas Brody, un marine américain libéré lors d’une opération commando en 2011 au terme de huit années de détention par Al-Qaïda. Showtime, la chaine qui diffuse la série, l’a convaincu à deux reprises de laisser en vie ce personnage. « Nous avions prévu de le tuer à la fin de la saison 1 et au début de la saison 2. Mais la chaine a pensé que cela était peut-être prématuré et nous a demandé de reconsidérer ce choix », explique Gordon au Hollywood Reporter. 



Offrir de la liberté au spectateur

Au moment de la diffusion de la série, le milieu s’est inquiété de la mise à disposition de la totalité de la saison en une fois. Pour Spacey, là est précisément l’intérêt du modèle : « Le succès du modèle de Netflix, qui a mis en ligne toute la première saison d’un coup, prouve une chose : le public veut avoir le contrôle, il veut la liberté. (...) À travers cette nouvelle forme de distribution, nous avons prouvé que nous avons compris les leçons que l’industrie de la musique n’avait pas comprises : donnons aux gens ce qu’ils veulent, quand ils le veulent, sous la forme qu’ils veulent, à un prix raisonnable. Et alors ils seront prêts à payer pour ces contenus plutôt qu’à les voler. » 

Selon lui, les spectateurs n’attendent qu’une chose : de bonnes histoires. S’ils ont la liberté totale dans la manière de consommer les biens culturels, alors les séries bénéficieront d’un buzz positif. Citant l’exemple de MadMen ou Breaking Bad, séries diffusées par AMC, il explique que les bonnes histoires, un jour où l’autre auront l’audience qu’elles méritent. Selon Spacey, AMC a été patient et a été récompensé, tant la critique unanime et les prix ont permis aux deux séries phares de la chaine d’augmenter leurs audiences. En effet, l’ultime saison de Breaking Bad enchaine les audiences record et est bien plus vue que ne l’avaient été les précédentes. Il en va de même pour la série Games of Thrones, dont l’audience est ascendante depuis la fin de la première saison. 

Netflix a sorti plusieurs séries depuis House of Cards, dont la suite de Arrested Development et Orange is the new black, très bien reçue par la critique.