Crédits photo -- CSIS
Nourrissant des craintes de dérive, d'atteinte à la liberté d'expression et d'information, cette loi est un jalon de plus dans le programme nationaliste de Shinzo Abe, Premier ministre japonais.
« Menace envers la démocratie »
Votée en douze jours chez les députés, il aura fallu six jours pour que la nouvelle loi sur les secrets d’État soit adoptée à la Chambre haute vendredi dernier dans la soirée. Cette loi a pour but d'éviter la fuite de secrets d’État par la mise en place de sanctions. Jugée liberticide, des milliers d'opposants ont manifestés devant le Parlement. D'après le Secrétaire général du parti au pouvoir, ils ont commis un « acte terroriste ». Dix ans de prison pour ceux qui dévoileraient ces secrets, cinq ans pour les journalistes, citoyens ou élus qui enquêteraient sur ces secrets, voilà l'arsenal répressif mis en place.
Pour un collectif de 31 intellectuels, dont deux Prix Nobel, il s'agit de « la plus grande menace envers la démocratie » depuis la fin du Japon militariste et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les universitaires ne sont pas les seuls à combattre la loi, toute la société civile concernée par la liberté d'expression s'étant mobilisée. Une partie du cinéma japonais s'y oppose, à l'image du réalisateur Hayao Miyazaki, pour qui « le Japon doit rester un pays libre dans l'intérêt de la paix dans l'est de l'Asie ». De leur côtés, les journalistes y voient une atteinte grave à la liberté de la presse. Shinzo Abe a voulu déminer le terrain, et a mis en avant que le travail des journalistes ne serait pas entravé. Mais cette promesse ne se traduit aucunement dans le texte de loi.
Pour un collectif de 31 intellectuels, dont deux Prix Nobel, il s'agit de « la plus grande menace envers la démocratie » depuis la fin du Japon militariste et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les universitaires ne sont pas les seuls à combattre la loi, toute la société civile concernée par la liberté d'expression s'étant mobilisée. Une partie du cinéma japonais s'y oppose, à l'image du réalisateur Hayao Miyazaki, pour qui « le Japon doit rester un pays libre dans l'intérêt de la paix dans l'est de l'Asie ». De leur côtés, les journalistes y voient une atteinte grave à la liberté de la presse. Shinzo Abe a voulu déminer le terrain, et a mis en avant que le travail des journalistes ne serait pas entravé. Mais cette promesse ne se traduit aucunement dans le texte de loi.
Problèmes juridiques et constitutionnels en vue
En cas de procès, cette sanctuarisation du secret met en place une situation ubuesque. Une personne soupçonnée de contrevenir à la loi ne pourrait être défendue convenablement, l'avocat ne pouvant avoir accès à toutes les pièces du dossier. Cela pose une évidente question d'équité face à la justice et pourrait mettre à l'épreuve l’État de droit nippon. De plus, la loi semble en contradiction avec plusieurs articles de la Constitution de 1946, comme l'article 34 qui assure que les motifs d'accusation « doivent être immédiatement précisés en audience publique de justice ». Pas sûr que cela soit possible avec une loi qui a pour but de consacrer le secret absolu de certaines données. Certains opposants osent un parallèle historique entre le nouveau dispositif législatif et la loi de préservation de l'ordre public, adoptée en 1925 et modifiée en 1941, qui permettait au régime militariste d’arrêter ses opposants.
Un tournant politique et géopolitique ?
Si Shinzo Abe a absolument voulu faire adopter cette loi, c'est pour pouvoir avancer ses pions géopolitiques. Officiellement, le premier argument avancé par le gouvernement pour défendre cette loi est la nécessité de rassurer les États-Unis sur la confidentialité des échanges, et obtenir ainsi de l'allié américain plus d'informations relatives à la défense ou à la diplomatie. L'autre argument est de donner corps et armes au nouveau Conseil de sécurité nationale, chargé de collecter des informations et définir des politiques de défense et de diplomatie, piloté indirectement par le Premier ministre lui même, et dont la création a été adoptée le 27 novembre dernier. Plus officieusement, il s'agit d'éviter les fuites qui ont pu décrédibiliser les grandes entreprises comme TEPSCO et le gouvernement japonais lors de la catastrophe de Fukushima.
De plus, en créant et donnant d'emblée des pouvoirs importants au Conseil de sécurité nationale, cela ouvre la voie à la suite du programme de Shinzo Abe : modifier l'article 9 de la Constitution japonaise, qui interdit d'entretenir « des forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre ». En supprimant une simple armée d'autodéfense pour passer à une armée de combat proprement dite, l'objectif serait de mettre fin à ce qui est vécu comme une humiliation à présent injustifiée. Mais aussi de pouvoir montrer les dents face à la Chine et à la Corée du Sud dans les différends territoriaux qui les opposent.
A voir si Shinzo Abe décidera d'appliquer un programme jugé nationaliste par les pays voisins et une part de la population, effrayés par un retour au Japon impérialiste d'avant 1946, non sans risques pour sa propre image et la pérennité de son pouvoir. Pour la première fois depuis les élections de décembre 2012 où il est le maître incontesté du pays face à une opposition laminée, le taux de popularité du Premier ministre est sous la barre des 50% dans les sondages avec l’adoption de la loi des secrets d’État.
De plus, en créant et donnant d'emblée des pouvoirs importants au Conseil de sécurité nationale, cela ouvre la voie à la suite du programme de Shinzo Abe : modifier l'article 9 de la Constitution japonaise, qui interdit d'entretenir « des forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre ». En supprimant une simple armée d'autodéfense pour passer à une armée de combat proprement dite, l'objectif serait de mettre fin à ce qui est vécu comme une humiliation à présent injustifiée. Mais aussi de pouvoir montrer les dents face à la Chine et à la Corée du Sud dans les différends territoriaux qui les opposent.
A voir si Shinzo Abe décidera d'appliquer un programme jugé nationaliste par les pays voisins et une part de la population, effrayés par un retour au Japon impérialiste d'avant 1946, non sans risques pour sa propre image et la pérennité de son pouvoir. Pour la première fois depuis les élections de décembre 2012 où il est le maître incontesté du pays face à une opposition laminée, le taux de popularité du Premier ministre est sous la barre des 50% dans les sondages avec l’adoption de la loi des secrets d’État.