Israël, le mur de la ségrégation en Terre Sainte ?

13 Mai 2013


Le 29 avril dernier, les Palestiniens chrétiens de Beit Jala, en Cisjordanie, ont envoyé une lettre ouverte au pape François pour protester contre la décision de la justice israélienne de bâtir un mur séparant Bethléem de la ville de Jérusalem. La vallée du Crémisan se voit désormais couper en deux au profit des colonies.


A group of Palestinians, Israelis and internationals demonstrate against the building of the Wall in Beit Jala. Crédit Photo -- Anne Paq/Activestills.org, Beit Jala, 13.06.2010.
« Votre Sainteté, votre élection nous a apporté l'espérance que les choses changeraient. Nous avons encore espoir ». Dans la vallée du Crémisan, les prières se tournent désormais vers le nouveau Pape, fraichement élu, invité par le président israélien à se rendre en Terre Sainte. Pour lui, il est temps que les négociations israelo-palestiennes reprennent rapidement.

Accusées par les signataires de vouloir séparer Bethléem de Jérusalem et donc des lieux saints pour étendre des implantations coloniales, les autorités israéliennes font également planer une autre menace, celle de la confiscation d’une partie des territoires.

Considérée comme une mesure de légitime défense par les Israéliens, la barrière est baptisée « mur de l’apartheid » par les Palestiniens. La construction de la barrière israélienne a débuté en 2002 par le gouvernement d’Ariel Sharon, suite à une vague d’attentats. Le mur devait initialement être construit sur la Ligne verte, c’est-à-dire sur la ligne d’armistice de 1949, qui est également la frontière établie en juin 1967. L’État hébreu se justifie : le mur répond à un besoin, un impératif de sécurité, nécessaire pour protéger le pays des invasions de terroristes palestiniens.

Si pour les Israéliens la construction du mur ne fait l’objet d’aucun débat, les populations palestiniennes estiment que la construction du mur les prive de leurs terres. Dès 2006, des plaintes sont déposées auprès de la Cour suprême israélienne par les Palestiniens. C’est le cas, notamment, des propriétaires fonciers agricoles de la vallée du Crémisan ou encore de la société Saint-Yves (association catholique de défense des droits de l'Homme) au nom des religieuses salésiennes également concernés par une portion du tracé du mur.

C’est 274 000 Palestiniens qui, à terme, pourraient être enclavés, et 400 000 qui seraient séparés de leurs champs, de leur travail, de leur école et de leur hôpital. Sa construction est condamnée par la Cour internationale de justice dans un avis rendu le 9 juillet 2004. La barrière est jugée illégale et la Cour exige son démantèlement.

La justice israélienne donne raison à Israël

Deux mois après la dernière audience du 12 février dernier et après 7 années de procédure, la justice israélienne se prononce en faveur de la construction du mur. Les recours présentés par l’avocat représentant les propriétaires des terres de la vallée de Crémisan et ceux de l’avocat de la société Saint-Yves sont donc rejetés. Un kilomètre et demi du mur de séparation est concerné, mais il aurait pour conséquence l’asphyxie des ressources économiques de la région agricole des environs de Bethléem. Le « mur de sécurité » doit séparer Bethléem, Beit Jala et les villages voisins de la vallée de Crémisan basculant du côté israélien de la clôture.

En ce qui concerne les sœurs salésiennes, le verdict tranche en faveur du tracé qui les maintient du côté palestinien. Le couvent des nonnes salésiennes, ainsi que l’école primaire ne seront plus séparés de Beit Jala. Mais le fait que les autorités israéliennes confisquent la plupart des terres du couvent est jugé comme une solution raisonnable et équilibrée « entre les besoins de sécurité d’Israël d’une part, et la liberté de religion et le droit à l’éducation d’autre part ».

La commission ajoute cependant avoir considéré la mise en place d’une porte agricole sur le mur comme un accès pour les religieuses au monastère des frères salésiens situé de l’autre côté du mur garantissant ainsi leur droit à la liberté de religion. Cette ouverture concerne également les agriculteurs et propriétaires fonciers puisqu’elle devrait leur permettre d’accéder à leurs terres. Dans cette optique, l’état s’est engagé devant la commission à faire preuve de souplesse dans la délivrance des permis.

Ne perdant pas de vue l’idée de saisir la Cour suprême de l’affaire, la société Saint Yves parle d’injustice. Absence de débat sur la violation de la liberté de religion, sur le droit à l’éducation, sur les dommages économiques causés à une minorité chrétienne côté palestinien, le comité a ignoré les témoignages et les arguments fondés sur le droit international comme la protection des minorités religieuses. Ironie de la situation : des Palestiniens sont employés pour la construction du mur.

Le processus de paix à l’ordre du jour

Le 30 avril dernier, le président israélien Shimon Peres a été reçu au Vatican par le nouveau pape François. Tous deux ont exprimé le souhait de travailler pour la paix et la stabilisation de la région du Proche-Orient par le biais notamment de la reprise des négociations entre Palestiniens et Israéliens. La communauté internationale est sollicitée pour parvenir à « un accord respectueux des légitimes aspirations des deux peuples ». Le projet de la construction du « mur de sécurité » n’a été que brièvement abordé. Shimon Peres, à la fin de ce rapide entretien, a invité le pape à se rendre en Terre Sainte.

Les chrétiens du Proche et du Moyen-Orient attendent du nouveau pape qu’il joue le rôle d’instigateur dans des initiatives de paix. Le conflit israélo-palestinien concerne forcément l’Église puisque les lieux saints sont situés en Israël et en Palestine, lieux où vit une minorité chrétienne depuis deux mille ans. Récemment, les États-Unis suivis de la France ont condamné la poursuite de la colonisation en Israël. Barack Obama a d’ailleurs reconnu que la colonisation était « contre-productive pour la cause de la paix ».