Israël : l’obsolescence d’un système politique ?

17 Mars 2015


Après la dissolution en décembre 2014 de la Knesset, la chambre parlementaire israélienne se verra reconstituer après les élections du 17 mars. Vingt-six listes sont en lice, reflétant la diversité des valeurs politiques présentes en Israël. Le Likoud, parti de droite de l’actuel Premier ministre Benyamin Netanyahou, est donné majoritaire d’après les derniers sondages. Dans le contexte actuel du pays, ce sont les questions de sécurité qui ressortent des campagnes politiques, alors que d’autres problématiques inquiètent les citoyens, notamment les jeunes.


Crédit www.israel-actualites.tv
Le 29 janvier dernier, sur la frontière sud du Liban, deux soldats israéliens ont été tués lors d’affrontements entre le Hezbollah et l’armée israélienne. Cet incident n’a fait que rappeler la situation d’instabilité dans laquelle se trouve Israël depuis sa création, et tous les ennemis qui l’entourent. Terre sainte acquise au prix de nombreuses guerres, disputée par deux cultures qui s’opposent sans cesse, le pays doit défendre ses positions de manière continuelle, mais selon Mor, étudiante israélienne de 23 ans, cette défense en fait oublier les vrais sujets citoyens.

L’insécurité, un problème qui en cache d'autres

Israël est une terre d’accueil pour le peuple juif, mais l’histoire du pays prend sa source dans la violence. Situé en Palestine, sa création a eu pour conséquences un exil massif des Palestiniens et des guerres successives entre les deux pays, pour des raisons religieuses, mais aussi territoriales. Cette position conflictuelle n’a jamais cessé depuis l’établissement du gouvernement israélien en 1948, mais les combats n’ont que très rarement touché l’intérieur du pays. 

Cette insécurité, lointaine pour les habitants, imprègne cependant tout le discours politique. Selon Mor, « tout le monde utilise ce conflit. C’est facile de montrer ce qu’il y a de mal ailleurs que dans notre propre pays. La situation pourrait changer si l’un des deux tendait la main à l’autre. Le conflit israélo-palestinien, c’est juste pour faire peur aux gens et les contrôler. Si on me demande, moi je n’ai aucun problème avec aucun Palestinien, comme beaucoup d’Israéliens, qui veulent vivre en paix avec leurs voisins ».

Les conflits prennent le pas sur les questions citoyennes, et la machine politique se rouille. « Les jeunes Israéliens n’ont pas perdu d’intérêt pour la politique en elle-même, mais pour ceux qui la font actuellement, et le système national. Ils savent que ce système doit changer. Les gens au gouvernement sont trop vieux, et il n’y a pas de dialogue entre eux et les jeunes. »

Le système politique israélien est basé sur le pouvoir d’une chambre parlementaire, la Knesset. 120 membres des différentes listes élues élisent à leur tour un Premier ministre. La moyenne d’âge de la Knesset oscille entre 53 et 55 ans depuis déjà plusieurs années, et les jeunes n’ont pas le sentiment d’être écoutés, ni que le gouvernement se pose les bonnes questions.

Des valeurs religieuses trop fortes

Religion et politique n’ont jamais été réellement séparées en Israël : la dernière Knesset comptait 37 parlementaires religieux en son sein, soit près d’un tiers de la chambre. Rien de paradoxal au vu de l’histoire du pays, mais le débat politique y perd en clarté. Pour Mor, il faut que cela change : « dans ce pays, tout est question de religion, et c’est une des choses les plus difficiles quand on vit là-bas. Tout est connecté à la religion, la politique aussi bien sûr. Quand les politiciens seront plus des citoyens et penseront moins à leurs propres intérêts, ce sera peut-être moins religieux. Ils ont oublié qu’ici, il y a toujours des gens non-croyants. Les orthodoxes ont le pouvoir depuis tellement longtemps que maintenant je dois travailler et payer des taxes pour que les gens très religieux, qui passent leurs journées à lire la Torah, puissent vivre, alors qu’ils ne travaillent pas. Ce n’est pas juste. »

Place est donc faite pour des valeurs conservatrices fortes : l’apparition du parti anti-pornographie, ultra-orthodoxe, en est un exemple frappant. Quand bien même ce parti ne brigue qu’une place à la Knesset, son existence marque un retour vers des principes moraux restrictifs.

Morale et tabou

Le parti anti-pornographie, appelé « Défendre nos enfants », a pour but d’établir des lois plus strictes à propos de l’accès à Internet. Il avait déjà fait campagne lors des élections de 2006, mais ne s'était pas présenté en 2012. Auparavant dirigé par Avraham Negosa, qui a depuis rejoint le Likoud, il est maintenant présidé par Yehezkel Shtelzer, qui prône une morale conservatrice forte à l'égard de ce qu'il nomme « l'addiction à la pornographie ». Selon lui, « il y a des centaines de milliers de toxicomanes du porno dans ce pays ».

Le parti a frappé fort lors de l'ouverture de sa campagne, il y a quelques semaines, en diffusant notamment une vidéo de prévention contre les dangers d'Internet. Cette vidéo, déjà utilisée par le gouvernement français pour prévenir des dangers d'Internet sur les enfants et les adolescents, aborde sans détour les risques de mauvaise rencontre sur la toile. A ce film s'ajoutent des témoignages d'anciens accros à la pornographie : l'un d'eux explique notamment qu'il a découvert la pornographie à l'âge de neuf ans, et que cela a totalement perverti le développement de son imagination.

La solution apportée par le parti pour lutter contre l’exposition des enfants à la pornographie ne fait cependant pas l’unanimité. Mor pense que la bonne réponse à ce problème est ailleurs, mais surtout que cette lutte cache un problème plus profond : « la solution des ultra-orthodoxes est toujours de se battre contre des choses en voulant les cacher. S’ils n’étaient pas si effrayés par le sexe, s’ils établissaient un vrai dialogue autour de tout ça, il n’y aurait pas besoin de protéger les enfants. Le sexe, c’est naturel, mais comme toujours, ils font en sorte d’en faire un tabou et de le combattre. Je pense que la jeune génération n’est pas comme ça. »

La politique israélienne ne peut être réduite à des questions de protection ou de sécurité, et pourtant, toutes les problématiques sociales semblent être considérées du point de vue défensif. Quand on demande à Mor de décrire la situation sociale en Israël, sa réponse est rapide : « C’est très très compliqué, et c’est très dur de vivre là-bas. »





Rédactrice en chef adjointe du Journal International, correspondante au Progrès, licenciée de… En savoir plus sur cet auteur