Un acte de vandalisme ! ». C’est par ces termes que Ronan Luton, avocat au Lawyers for the Seanad Reform – un groupe d’avocats en faveur d’une réforme de la Chambre haute du Parlement irlandais - décrit le projet d’abolition de la Chambre haute du Sénat.
S’il emploie des termes si forts, c’est peut-être parce que la quarantaine de militants du « non » au référendum sur l’abolition du Sénat, réunie dans la petite salle du Teachers Club de Dublin, sait que la bataille sera rude. Les derniers sondages l’attestent. Le « oui », qui verrait l’abolition pure et simple de la Chambre haute du Parlement, l’emporte d’une courte tête. Ce serait la douche froide pour les membres de Democracy Matters, Future Matters et Lawyers for the Seanad Reform, les trois organisations qui militent contre le projet d’abolition proposé par le Premier ministre Enda Kenny. Leur credo ? Le Seanad doit, certes, être réformé mais sûrement pas aboli, au quel cas toutes traces de responsabilité et de transparence au Parlement seront à oublier.
Mais cette volonté de réformer arrive tard. Dans un pays frappé par la crise, sous perfusion économique de la troïka et où les scandales bancaires et politiques fermentent plus vite que la bière, la nécessité d’une deuxième Chambre est vue comme un coût inutile. Si l’Irlande vote « oui » le 4 octobre prochain, elle rejoindra la Nouvelle-Zélande, le Danemark et la Suède dans le club des démocraties monocamérales. L’enjeu est donc de taille et mérite que l’on s’y attarde dessus.
S’il emploie des termes si forts, c’est peut-être parce que la quarantaine de militants du « non » au référendum sur l’abolition du Sénat, réunie dans la petite salle du Teachers Club de Dublin, sait que la bataille sera rude. Les derniers sondages l’attestent. Le « oui », qui verrait l’abolition pure et simple de la Chambre haute du Parlement, l’emporte d’une courte tête. Ce serait la douche froide pour les membres de Democracy Matters, Future Matters et Lawyers for the Seanad Reform, les trois organisations qui militent contre le projet d’abolition proposé par le Premier ministre Enda Kenny. Leur credo ? Le Seanad doit, certes, être réformé mais sûrement pas aboli, au quel cas toutes traces de responsabilité et de transparence au Parlement seront à oublier.
Mais cette volonté de réformer arrive tard. Dans un pays frappé par la crise, sous perfusion économique de la troïka et où les scandales bancaires et politiques fermentent plus vite que la bière, la nécessité d’une deuxième Chambre est vue comme un coût inutile. Si l’Irlande vote « oui » le 4 octobre prochain, elle rejoindra la Nouvelle-Zélande, le Danemark et la Suède dans le club des démocraties monocamérales. L’enjeu est donc de taille et mérite que l’on s’y attarde dessus.
Le Seanad : avant le référendum
Le Seanad Eireann, la Chambre haute du Parlement irlandais, a été établi par la Constitution de 1937. Parmi les 60 sénateurs le composant, 11 sont nominés par le Taoiseach (Premier ministre) et 6 sont élus par les représentants de l’Université Nationale d’Irlande et l’Université de Dublin. Les 43 sénateurs restants sont élus sur des listes socioprofessionnelles (en utilisant un système de représentation proportionnelle basé sur le modèle du scrutin à vote unique transférable généralement utilisé dans les élections en Irlande) par un collège électoral formé de grands électeurs (sénateurs sortants, membres de la Chambre basse - le Daíl Eireann et conseillers municipaux). Il existe 5 listes représentant les grandes corporations professionnelles (Arts et Culture, Agriculture, Travail, Industrie et Commerce, Administration Publique).
Non-élue au suffrage universel, la Chambre fonctionne généralement comme une assemblée d’experts et joue un rôle effectif dans la séparation des pouvoirs en amendant les projets ou propositions de loi défendus par le gouvernement ou le Daíl Eireann (la Chambre basse du Parlement).
Non-élue au suffrage universel, la Chambre fonctionne généralement comme une assemblée d’experts et joue un rôle effectif dans la séparation des pouvoirs en amendant les projets ou propositions de loi défendus par le gouvernement ou le Daíl Eireann (la Chambre basse du Parlement).
Le Sénat ? C’est « non » !
Maison de retraite pour politiciens en fin de carrière pour certains (à l’image de la Chambre des Lords Britannique), Chambre non démocratiquement élue, forum de discussion inutile pour d‘autres, les critiques pleuvent sur le Sénat. A ces dernières, il convient d’ajouter un certain coût de fonctionnement à l’institution (20 millions d’euros pour le gouvernement, un peu plus de 8 millions avancés par certains journalistes). Le projet d’abolition du Sénat proposé par le Taoiseach Enda Kenny et la coalition Fine Gael-Labour au pouvoir en Irlande prévoit donc la suppression pure et simple de la Chambre haute.
Mais c’est sans compter la résistance d’une partie de la population et des militants du « non » qui opposent l’expertise des sénateurs au localisme des Teachtaí Dála (TDs, membres du Daíl Eireann, la Chambre basse du Parlement irlandais). Ceux-ci se concentreraient davantage sur les problèmes affectant leur circonscription, négligeant les thématiques nationales que seuls les sénateurs seraient à même d’appréhender correctement.
Le processus de nomination des sénateurs, complexe et antidémocratique, est également parmi les éléments controversés. Sont ainsi reprochés la nomination de 11 sénateurs par le Taoiseach, conférant au Seanad un rôle très politique et la nomination de 6 sénateurs par les seules Université Nationale d’Irlande (Cork, Galway et Maynooth) et Université de Dublin (University College Dublin et Trinity College Dublin) laissant dès lors de côté les universités plus récentes telles que Dublin City University, l’University of Limerick et les autres établissements d’enseignement supérieurs (les Institute of Technology entre autres).
Le risque d’un Parlement aux mains du gouvernement est évidemment mis en avant. Mais l’argument principal reste l’absence de contrôle qui résulterait de cette abolition. Une fois le Sénat aboli, le rôle de contrôle reviendrait (peu ou prou) aux seuls membres de l’opposition. Dans un pays qui compte deux partis centristes (le Fianna Fáil qui oscille entre centre-gauche et centre-droit et le Fine Gael, au pouvoir, de centre-droit) qui alternent le pouvoir au gré des coalitions, ce contrôle ne semble pas suffisant aux partisans du maintien du Sénat. Pour ces militants, le résultat du référendum fait donc courir un risque majeur à la démocratie en Irlande. En supprimant le Sénat, le gouvernement musèlerait la parole du peuple.
Ces critiques restent toutefois assez ambigües. Le Sénat n’est-il pas déjà composé de 11 sénateurs nommés par le Taoiseach ? Difficile de parler d’indépendance. La Chambre haute est-elle élue au suffrage universel ? Pour les antiparlementaristes, la vox populi est déjà muselée…
Mais c’est sans compter la résistance d’une partie de la population et des militants du « non » qui opposent l’expertise des sénateurs au localisme des Teachtaí Dála (TDs, membres du Daíl Eireann, la Chambre basse du Parlement irlandais). Ceux-ci se concentreraient davantage sur les problèmes affectant leur circonscription, négligeant les thématiques nationales que seuls les sénateurs seraient à même d’appréhender correctement.
Le processus de nomination des sénateurs, complexe et antidémocratique, est également parmi les éléments controversés. Sont ainsi reprochés la nomination de 11 sénateurs par le Taoiseach, conférant au Seanad un rôle très politique et la nomination de 6 sénateurs par les seules Université Nationale d’Irlande (Cork, Galway et Maynooth) et Université de Dublin (University College Dublin et Trinity College Dublin) laissant dès lors de côté les universités plus récentes telles que Dublin City University, l’University of Limerick et les autres établissements d’enseignement supérieurs (les Institute of Technology entre autres).
Le risque d’un Parlement aux mains du gouvernement est évidemment mis en avant. Mais l’argument principal reste l’absence de contrôle qui résulterait de cette abolition. Une fois le Sénat aboli, le rôle de contrôle reviendrait (peu ou prou) aux seuls membres de l’opposition. Dans un pays qui compte deux partis centristes (le Fianna Fáil qui oscille entre centre-gauche et centre-droit et le Fine Gael, au pouvoir, de centre-droit) qui alternent le pouvoir au gré des coalitions, ce contrôle ne semble pas suffisant aux partisans du maintien du Sénat. Pour ces militants, le résultat du référendum fait donc courir un risque majeur à la démocratie en Irlande. En supprimant le Sénat, le gouvernement musèlerait la parole du peuple.
Ces critiques restent toutefois assez ambigües. Le Sénat n’est-il pas déjà composé de 11 sénateurs nommés par le Taoiseach ? Difficile de parler d’indépendance. La Chambre haute est-elle élue au suffrage universel ? Pour les antiparlementaristes, la vox populi est déjà muselée…
La réforme comme solution ?
Face à ces critiques et face au risque que court le Sénat, les opposants à l’abolition mettent en avant leur projet de réforme. Le projet soutenu par Future Matters propose le vote pour tous les citoyens (notamment les émigrants et les citoyens d’Irlande du Nord), le vote universitaire étendu à tous les établissements d’enseignement supérieur, une lecture attentive, par le Sénat, des textes de lois venant de l’UE, la parité et, en général, un renforcement du rôle d’experts joué par les sénateurs.
Cette réforme qui, selon ces militants, permettraitd’améliorer la démocratie en Irlande tout en conservant le pouvoir de contrôle du Sénat est vue comme une demi-mesure par Michael Gallagher, directeur du Département de Sciences Politiques à Trinity College Dublin. Elle ne fait, selon lui, qu’illustrer l’incapacité du Daíl Eireann à accomplir son rôle d’analyse des textes de lois sans être pris dans les imbroglios politiques liés au jeu électoral. Un Sénat élu au suffrage universel ne serait somme toute pas différent de l’actuelle Chambre basse. Une réforme soulèverait également plusieurs questions théoriques sur la prépondérance de chaque chambre dans le processus législatif. Sans véritablement résoudre la question de la réforme institutionnelle (une réforme du Daíl Eireann n’étant pas au programme), le Sénat apparaît comme sacrifié sur l’autel de la « réforme nécessaire » prônée dans plusieurs pays européens et du jeu électoral.
Reste maintenant à voir ce que décideront les Irlandais le 4 octobre. Minés par la situation économique et habités d’un sentiment de défiance envers leurs hommes politiques, le Seanad Eireann risque fort de faire les frais de la vindicte populaire.
Cette réforme qui, selon ces militants, permettraitd’améliorer la démocratie en Irlande tout en conservant le pouvoir de contrôle du Sénat est vue comme une demi-mesure par Michael Gallagher, directeur du Département de Sciences Politiques à Trinity College Dublin. Elle ne fait, selon lui, qu’illustrer l’incapacité du Daíl Eireann à accomplir son rôle d’analyse des textes de lois sans être pris dans les imbroglios politiques liés au jeu électoral. Un Sénat élu au suffrage universel ne serait somme toute pas différent de l’actuelle Chambre basse. Une réforme soulèverait également plusieurs questions théoriques sur la prépondérance de chaque chambre dans le processus législatif. Sans véritablement résoudre la question de la réforme institutionnelle (une réforme du Daíl Eireann n’étant pas au programme), le Sénat apparaît comme sacrifié sur l’autel de la « réforme nécessaire » prônée dans plusieurs pays européens et du jeu électoral.
Reste maintenant à voir ce que décideront les Irlandais le 4 octobre. Minés par la situation économique et habités d’un sentiment de défiance envers leurs hommes politiques, le Seanad Eireann risque fort de faire les frais de la vindicte populaire.