Inde : louez un tigre !

Clotilde Lerévérend
9 Février 2013


En Inde il est autorisé d'avoir un tigre domestiqué à la condition qu'il ne s'agisse pas d'un tigre de Sumatra, espèce menacée. Mais l'adoption d'une bête sauvage reste quand même une quasi-maltraitance. C'est la raison pour laquelle le ministère de la conservation de la nature veut créer un espace protégé où les amateurs pourront louer un félin, mais en le laissant sur place.


Les Indiens peuvent adopter un tigre et le domestiquer sans problème tant qu'il s'agit d'un tigre du Bengale, non introduit en fraude, et pas d'un tigre de Sumatra, qui est une espèce protégée. En effet le tigre de Sumatra est le dernier tigre d’Indonésie puisque le tigre de Bali a disparu dans les années 1950 et celui de Java dans les années 1980. L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) l’a donc classé sous l’appendice I, c’est-à-dire dans la catégorie des espèces menacées d’extinction. Aujourd'hui il ne resterait plus que 400 à 500 tigres de Sumatra vivant dans leur habitat naturel.


On comprend alors pourquoi il est interdit aux Indiens d'adopter un tigre de Sumatra. Cette interdiction est arrivée à un tel point que des fonctionnaires du bureau de conservation des ressources naturelles de Jakarta et de la police criminelle inspectent des maisons pour vérifier que les tigres présents ne sont pas des tigres du Sumatra.


Néanmoins les tigres, qu'ils soient de Bengale ou de Sumatra, sont quand même enfermés dans des espaces trop petits pour leur qualité de grands fauves. C'est la raison pour laquelle Darori, directeur de la protection des forêts et de la conservation de la nature au ministère a eu l'idée de créer un centre d’élevage de tigres. De cette façon les Indiens qui voudraient avoir des tigres domestiques pourraient les louer dans ce centre. Dans un premier temps, le sanctuaire va adopter les tigres qui ont été saisis chez des particuliers et qui ne peuvent plus retourner vivre à l’état sauvage. Certains de ces fauves souffrent d’infirmités mais demeurent aptes à la reproduction. On espère donc qu’ils pourront donner naissance à une trentaine de petits chaque année. Parallèlement à la construction du sanctuaire, le ministère des Forêts prépare un règlement pour la location de ces tigres. Les conditions de location seront très strictes : le particulier devra verser une caution d'un milliard de roupies (80.000 euros), disposer d’un enclos de 400 mètres carrés minimum, employer à plein temps un vétérinaire et un dresseur-chamane et avoir des moyens financiers suffisants.


Mais cette idée ne ravie pas les ONG qui considèrent soit que la location de tigres viole la convention sur le commerce international des espèces menacées que l’Indonésie a ratifié, soit que le gouvernement ne s’attaque pas à la source du problème, à savoir la destruction des forêts par les plantations, les mines et les industries.


Même s'il est louable de la part du directeur de la protection des forêts et de la conservation de la nature d'essayer de rendre la vie des tigres meilleures, les ONG restent fermes. Car cette mesure reste insuffisante pour donner à ces grands fauves l'espace dont ils auraient besoin. De plus, une inquiétude demeure : ne s'agirait il pas là d'une simple façon de faire des tigres un commerce rentable à moindre coût ?