Inde : le Troisième Front officialisé

Ramalingam Va, à Chennai, traduit par Perrine Berthier
5 Mars 2014


Après des mois de débats et de spéculations, un troisième front politique est maintenant officiellement dans la course ; il serait une alternative aux deux partis de rang national : le BJP et le Parti du Congrès. Son officialisation a été faite il y a quelques jours lors d’un meeting de haut rang entre 11 partis politiques comprenant aussi bien les partis de gauche que les grands partis régionaux.


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Ce troisième Front a été qualifié de « Front séculaire » et nombreuses sont les promesses garantissant qu’il deviendra une alternative efficace face au BJP et au Congrès. Les principaux partis de gauche comme le Parti Communiste Indien ont joint leurs efforts à ceux des partis présents au niveau régional : le Samajwadi Party (parti socialiste) à l’Uttar Pradesh, AIADMK au Tamil Nadu et aussi le Biju Janata Dal en Odisha. Fin Février, ces partis avaient officiellement déclaré préparer les élections ensemble. Mais la question à un million de dollars restait en suspens – Qui serait leur candidat au poste de Premier ministre ?

L’alliance avait alors balayé la question en annonçant que cette décision serait prise après les élections, mais en réalité ce front n’est pas plus qu’un rassemblement de partis dont les leaders ont tous des ambitions ministérielles. Celui qui déposera sa candidature officielle risquerait même de tuer l’alliance dans l’œuf. Le « Front séculaire » cache donc son jeu et attend les élections pour abattre ses cartes et décider de ses chances de réussite.

Les « Troisièmes Fronts » du passé

En Inde, les « Troisièmes Fronts » n’en sont pas à leur première tentative mais sont également connus pour leur instabilité. Le premier des « Troisièmes Fronts » vit le jour en 1989, conduit par le parti Janata Dal et VP Singh devint Premier Ministre. L’alliance vola en éclats après seulement 16 mois de coalition. Les élections tenues juste après en 1991 ont vu le Janata Dal repoussé au troisième rang et le Congrès, mené par Rajiv Gandhi, former un gouvernement grâce au soutien extérieur des partis communistes.

Un autre épisode de l’histoire a prévalu lorsque Janata Dal, de nouveau en 1996, forma un gouvernement avec H D Deve Gowda comme Premier ministre. Ce gouvernement s’effondra en 1998 au moment où le Congrès se retira après le refus de Janata Dal de se débarrasser du DMK – un autre parti régional du Tamil Nadu – au sein de l’alliance, compte tenu de ses allégations avec le LTTE, mouvement pro-Tamil responsable de l’assassinat de Rajiv Gandhi.

La stratégie de Modi au Tamil Nadu

Aujourd’hui, Narendra Modi a choisi une approche différente pour s’assurer quelques sièges au Tamil Nadu. Au lieu de faire appel au DMK ou au AIADMK (les deux partis régionaux majeurs), Modi a decidé de négocier avec de plus petits partis afin de former une alliance collective. Le Tamil Nadu et l’ancienne colonie française Pondichéry ont en tout 40 sièges au Lok Sabha (Chambre basse du Parlement, ndlt). Modi discute maintenant la répartition des sièges avec ces petits partis tout en disputant les élections.

D’habitude, les discussions autour du troisième front s’enflamment puis tombent à plat. Aujourd’hui, the Front séculaire se prépare à disputer les élections du Lok Sabha en 2014. La survie de cette alliance sera difficile, d’autant plus que cette alliance est une de celles dont les leaders ont tous des ambitions ministérielles. Les experts font remarquer que, si jamais le Troisième Front arrive au pouvoir, le gouvernement de coalition qu’il forme serait instable. L’histoire leur donne amplement raison.