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Après plus de 60 ans de guerre, le bilan du conflit colombien est alarmant : 218 000 morts, 5,7 millions de déplacés, 25 000 personnes disparues, 1982 massacres et près de 490 000 femmes victimes d’abus sexuels. Sans surprise, les entreprises extractives figurent parmi les premières responsables de ces crimes. Elles répandent la violence et participent aux violations de droits humains sur le territoire, afin de s’approprier des terres et de protéger leurs ressources.
Les liens entre le secteur extractif et les groupes armés sont clairs : les compagnies utilisent la militarisation des régions pour déplacer les populations et instaurer un climat de terreur. En résultent des menaces, assassinats ciblés, disparitions forcées et judiciarisation, c’est-à-dire l’utilisation de processus légaux à l’encontre des victimes, de celles et ceux qui s’opposent à ces projets d’exploitation.
Lorsque les entreprises s’installent dans des zones contrôlées par la guérilla, elles se voient imposer une taxe de guerre. Entre 1980 et 2000, cette contribution représentait 40 à 60 % du budget de ces groupes révolutionnaires, un apport plus important que celui du narcotrafic. De cette manière, les entreprises financent directement le conflit armé.
Protection des ressources
Une fois bien installées et prêtes à explorer puis exploiter, les transnationales du secteur énergétique engagent des agents privés pour veiller à la protection de leurs ressources. Ces agents privés participent à des actes illégaux, tels que l’installation de postes de contrôle sur les routes, violant le droit des habitants à la libre circulation. En 2013, la Cour interaméricaine des droits de l’Homme a dénoncé la responsabilité d’agents privés de l’entreprise Occidental Petroleum, qui avaient partagé des informations stratégiques aux Forces armées colombiennes. Un crime qui a conduit au massacre de Santo Domingo où 17 individus ont perdu la vie, incluant 7 enfants.
L’État colombien confirme sa complicité avec les entreprises extractives en mettant au service des compagnies les forces armées et les agents de l’État. Des bataillons spéciaux énergétiques ont été créés dans l’objectif spécifique de protéger les secteurs d’exploitation. Ces groupes représentent 36 % de l’armée colombienne. Il est important de souligner que la Colombie occupe le deuxième rang au niveau latino-américain en termes de composantes militaires, avec 281 400 soldats. Un chiffre impressionnant qui équivaut à 6,2 soldats pour 1000 habitants. Sans compter les agents de police et autres acteurs armés étatiques.
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Ajoutons à ces acteurs l’appui de groupes paramilitaires qui viennent défendre les intérêts économiques des compagnies extractives et perpétuent menaces, assassinats, violations des normes nationales et internationales. Le lien entre le gouvernement et les paramilitaires est bien connu : « les policiers se mettent des cagoules et des bandes au bras indiquant qu’ils appartiennent aux groupes d’auto-défense », nous informent des victimes d’actes d’intimidation. Selon le gouvernement, les paramilitaires ont cessé d’être une menace depuis le processus de démobilisation de 2003, où les paramilitaires ont accepté un cessez-le-feu. Du point de vue des communautés, cette stratégie s’est plutôt avérée comme un moyen de permettre l’impunité de leurs crimes. Aujourd’hui, pour ne pas admettre la présence de paramilitaires, le gouvernement de Santos préfère parler de « Bandes criminelles émergentes » - BACRIM. Le problème de cette nouvelle appellation est que les victimes d’actes commis par des membres de la BACRIM ne sont pas reconnues comme victimes du conflit et n’ont donc pas accès aux protections garanties par la Loi de victimes (loi 1448). Parmi les mesures adoptées dans cette loi, les protections incluent la restitution de terre, la relocalisation ou des indemnisations.
Violations des droits humains perpétuées
En Colombie, les entreprises transnationales seraient responsables de plus de 1200 assassinats ciblés, de 3700 disparitions forcées et d'un million de déplacés. 80 % des violations de droits humains perpétrées à l’encontre des communautés autochtones ou afro-descendantes ont lieu dans des zones de production minière ou pétrolière. En outre, 78 % des crimes contre des syndicalistes se déroulent dans ces mêmes régions.
L'autre stratégie déployée par les entreprises et l’État afin de faire taire les opposants aux activités des transnationales, c'est la judiciarisation. En Colombie, on recense plus de 7500 prisonniers-ères politiques. Les processus légaux permettent de freiner les mobilisations et obligent les organisations sociales et les victimes à se pencher sur la question juridique plutôt que de se dédier à d’autres actions.
Les statistiques parlent d’elles-mêmes et permettent de tracer une corrélation entre la présence d’entreprises extractives et la militarisation des régions colombiennes. Cependant, malgré les tentatives de faire taire les leaders sociaux et les défenseurs de droits humains, les organisations sociales colombiennes et les communautés restent très actives pour dénoncer chaque violation.