« God bless Ghana »

Jérôme Perrot, correspondant au Ghana
22 Octobre 2013


Si le Ghana est partagé principalement entre majorité chrétienne (environ 70 % selon un recensement de 2010) et minorité musulmane, y cohabitent également une multitude d’Eglises, de congrégations et de prophètes, tous animés par un même lien unificateur : la foi.


Crédits photo -- Steve Cockburn
Dans la rue, dans un taxi, à l’université, au supermarché, à la plage, ou encore chez le coiffeur, au Ghana, la religion est partout. Même si les croyances sont multiples, malgré leurs divergences, elles semblent toutes animées par cette même foi qui les unit et les rassemble.

La religion au Ghana : « une affaire de société »

Réveil 7h00 à Accra, capitale du Ghana. A la radio, lecture de la Bible sur fond de gospel. Rien de mieux pour se réveiller. En allumant la télévision, on tombe alors sur Emmanuel TV, chaine nigériane dédiée à son fondateur, le prophète T.B Joshua. On peut alors assister, dès le petit déjeuner, à quelques miracles diffusés en direct sur la chaîne. Certains remarchent, d’autres retrouvent la vue. Dans la rue, les panneaux publicitaires ont une stratégie bien propre au Ghana. Entre le slogan « God first », des lessives OMO et la pancarte « By God’s Grace » du vendeur de saucisses, il est vrai qu’on est souvent tenté d’acheter. Au marché de Madina se mêlent alors, au milieu des marchands d’ignames, les lectures publiques de la Bible et les appels du muezzin aux hauts parleurs. Malgré ce semblant de cacophonie, on réussit tout de même à discerner l’amical « God bless you » du commerçant réjoui par sa dernière bonne affaire. Enfin de retour chez soi, on se serait presque cru tranquille quand soudain, deux invités toquent à la porte. Une Bible à la main ou en format pdf, on se voit maintenant demander de consacrer par la prière quelques minutes à Dieu.

Samuel Mensah, étudiant en ingénierie à l’Université du Legon (Accra) fait partie de ces jeunes qui après les cours vont frapper aux portes pour apporter la bonne nouvelle. Interrogé sur cette omniprésence de la religion, il explique que pour lui « la foi est quelque chose qui doit s’exprimer, qui doit être vu et entendu de tous. Il est stupide de garder égoïstement sa foi pour soi, au contraire, il est de notre devoir de chrétiens de faire partager ce bonheur à notre entourage. » . Samuel compare alors la pratique ghanéenne de la religion avec l’idée qu’il se fait de la sécularisation de cette dernière en Europe. « Prier seul dans sa chambre, ne pas aller à la Messe, tout cela est vraiment triste. La religion c’est une affaire de société, ça ne se vit pas seul ! ».

L’Eglise joue ici un rôle d’institution de socialisation, rôle qu’elle a perdu depuis longtemps dans beaucoup de pays européens et notamment en France. L’église n’est pas seulement un lieu de prière, c’est un lieu de rassemblement et de rencontres. S’il est par exemple rare qu’une personne que vous venez de rencontrer vous propose d’aller boire un verre, il est très courant que cette dernière vous invite à la Messe. Par ailleurs, la messe est loin de constituer la seule activité de l’Eglise. Les membres de celle-ci sont divisés en différents groupes correspondant à une certaine activité au sein de l’Eglise comme le club de gospel, où le club de percussions. Comme l’explique Akosua Agyemang, professeur de sociologie à l’université du GIMPA (Accra), « en appartenant à un club au sein de l’église, on s’assure d’être intégré. C’est en quelque sorte un moyen d’être sûr que notre famille ne sera pas seule le jour de nos funérailles ».

L’unité autour de la foi

Crédits photo -- Clémence Bricout
Une église presbytérienne sur votre gauche, une église méthodiste sur votre droite, et un minaret en arrière-plan, voici le paysage type d’une rue dans la capitale du Ghana. Ces diverses Eglises et religions semblent toutefois cohabiter facilement. A Cape Coast, par exemple, on peut trouver réunies dans le même bâtiment l’église de la Lighthouse Chapel International et celle des Méthodistes. De même, à l’université, après la prière chrétienne pour le bon déroulement du cours ou du semestre, il arrive que le professeur demande si des musulmans sont présents dans la salle pour que ces derniers s’adonnent également à leur prière. Entre les Eglises traditionnelles, les congrégations diverses et les prophètes du monde entier, le Ghana incarne un réel foyer d’accueil pour des religions en tout genre qui semblent se retrouver autour d’un point commun qui les rassemble, la foi en Dieu.

Si ce consensus autour de la foi semble unir le pays, l’idée d’athéisme semble, elle, difficilement acceptable et même concevable. Rencontré dans un bus vers l’ouest du pays, Psalmuel Fofoulo, étudiant en psychologie à l’université du Legon (Accra), résume en quelques mots l’idée générale qui ressort lorsque l’on lance le débat de l’athéisme au Ghana. « Je peux comprendre qu’on soit méfiant vis-à-vis de la religion. Certaines Eglises vous interdisent de manger des crabes, des crevettes, d’autres vous dictent la manière de vous coiffer, c’est absurde ! Personnellement, je ne me sens pas religieux, mais comme tout le monde, évidemment que je crois en Dieu. Qui nous aurait mis là sinon ? Ça n’a pas de sens. S’il est vrai que je me questionne sur la manière de me rapprocher au mieux de Dieu, la question de son existence, elle, ne se pose pas ».