Géopolitique énergétique au sud de l'Europe

Valérian Virmaux
29 Avril 2014


Les réserves de gaz découvertes dans les ZEE (zone économique exclusive) de Chypre (du sud) et d’Israël couplé à la crise ukrainienne bouleversent l’équilibre énergétique de l’Union Européenne. Focus sur les nombreux enjeux.


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Selon les autorités grecques, ces nouveaux gisements autour de l’île rapporteraient plus de cinq cents milliards d’euros. Certaines études estiment qu’elles pourraient pourvoir à la moitié des besoins en gaz de l’Union Européenne. De son coté, Israël, qui dépendait à 43% du gaz égyptien, a des réserves estimé à deux cent soixante-dix milliards de m3, alors qu’il n’en consomme que trois par an. Les premiers forages à Chypre comme dans les eaux israéliennes (et de Gaza) ont été effectués par un consortium israélo-texan. En 2012, un accord de défense bilatéral est signé entre Chypre et Israël, avec autorisation pour cette dernière d’établir des bases militaires sur le territoire chypriote ou grec dans le but de protéger ses forages contre les protestataires : le Liban, le Hezbollah, et la Turquie.

De plus plus, un grand projet énergétique du nom d'« EuroAsia Interconnector » prévoit une solidarité énergétique entre Chypre, la Grèce et Israël en termes d’électricité par le déploiement du plus long câble sous marin d’alimentation électrique. 

Devant cette triple alliance, la Russie, qui n’a aucune revendication territoriale dans la région, a racheté la compagnie gazière grecque DEPA. En parallèle, elle profite de son appui politique au régime syrien pour signer avec lui le 25 décembre 2013, à travers l’entreprise d’Etat Russe Soyuzneftegaz, le droit de prospecter le gaz au large des côtes syrienne. Pour exporter ce gaz nouvellement découvert vers l’Union Européenne, un oléoduc doit être construit. Le projet le plus avancé semble le faire passer d’Israël, a travers Chypre, puis la Turquie, et la Grèce, porte d’entrée de l’UE. Cela aurait l’avantage de s’affranchir du géant russe. La Turquie, bien que bénéficiaire puisque dépendante également de la Russie, semble être hésitante d'une alliance qui pourrait lui desservir dans ses relations avec les autres acteurs du Moyen Orient. Rappelons que Erdogan a été très dur envers Israël lors de la « flottille de la paix » à Gaza, et que sa popularité dans le monde arabe, est inversement proportionnelle à ses relations avec Israël. Ainsi, entre impératif économique et prétention politique, Ankara semble plus que jamais écartelé. Peut être provisoirement, la solution semble néanmoins se tourner vers la construction d’un terminal LNG à Chypre, qui permettra l’exportation de gaz liquéfié par bateau spécialisé vers l’Europe, évitant l’instable Turquie. 

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Dans ce scénario, beaucoup dépend de la politique turque de ces prochaines années, entre ses prétentions officiellement européenne et la politique AKPiste de leader du monde musulman. Ainsi, Ankara s’était opposé dès le début aux forages dans la ZEE chypriote, allant jusqu’à menacer de faire sortir son pays du processus d’adhésion à l’UE. Dans cette stratégie de défiance, le Liban a été soutenu par Ankara quand Israël modifia unilatéralement le tracé de leur frontière maritime (jusque-là jamais contesté bien que non officialisé) afin d’empêcher le Liban d’accéder aux puits nouvellement découverts. Dans le même temps, des prospections ont débuté de la part de la Turquie au large de la partie Nord de l’île, qui pourrait également contenir de l’énergie.

Politique fiction : Chypre, pivot de la politique européenne au Moyen Orient

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Beaucoup le soupçonnait, certains le savaient, d’autre le refusait, c’est fait. L’Irak accuse la Qatar et l’Arabie Saoudite de mener une guerre contre les institutions du pays, à travers les milices sunnites, tout en sachant que l’Irak a, depuis le début du conflit syrien, une attitude bienveillante sans être ouvertement favorable à son voisin occidental. Alliance d’autant plus renforcé que Damas préféra, en 2009, construire un pipeline Iran/Irak/Syrie plutôt que Qatar/Arabie Saoudite/Jordanie/Syrie sur proposition du Qatar.

Si une telle partition économico (Russie) religieuse (Shiite) soudé autour de la question israélienne perdure encore quelques mois, tout comme le conflit Syrien, cela aurait d’inévitable répercussion sur le Liban, qui comptera deux millions de réfugiés pour une population de quatre millions d’habitants déjà déchirés dans des conflits confessionnels. Un embrasement du Liban entraînerait immanquablement avec lui la Jordanie, dont la moitié de la population est également composé de Palestiniens que le pouvoir peine à contrôler, ainsi qu’une partie de la population arabe d’Israël. Un tel événement entraînerait des actions militaires israéliennes dont la sécurité serait menacée, embrasant encore plus ce conflit multiforme. 

Dans ce scénario, l’UE ne pourrait pas ne pas soutenir Israël, partenaire économique de premier plan, essentiel à son approvisionnement énergétique récemment mis en danger par la Russie. Les Américains, trop préoccupés par le Pacifique, délégueraient la sécurité d’Israël à une Union Européenne trop heureuse de trouver un consensus politique favorisant son unification.

Chypre, doté de deux bases militaires anglaises qui ne font parti ni du droit international ni du droit chypriote à cent kilomètres des côtes, est l’emplacement idéal pour un offensif soutien militaire à Israël auquel on ne manquerait pas de rappeler le triste sort des chrétiens, pourtant largement passé sous silence jusqu’à maintenant.

Dans ce cas, tout reposera sur le rôle de la Turquie, seule capable de mettre en danger cette alliance UE/Chypre/Israël. Ayant acquis en maturité économique, politique et internationale, la probable victoire de Erdogan aux présidentielles de 2014 le laisserait devant une difficile alternative entre son discours pan-islamiste et défavorable à Israël, et sa politique économique libérale dépendante de l’Union Européenne qui a fait sa puissance.