Tout commence en 2008, avec Arena Palma, un vélodrome inauguré un an plus tôt sur l’Ile des Baléares. Les premiers signes de ce qui est devenu une affaire d’Etat sont apparus lorsque le point a été fait sur le budget du complexe qui s'élevait initialement à 48 millions d'euros et avait fini par coûter 90 millions. C’est là qu’apparait pour la première fois le nom d’Iñaki Urdangarin, mari de la septième héritière du trône d’Espagne. C’est un journaliste d’El Mundo qui soulève la question en mettant en avant la modicité des événements sportifs liés à ce lieu au regard du budget communiqué. Parmi les associations qui ont financé le projet, l’Instituto Noos, une fondation à but non lucratif présidée par Iñaki Urdangarin de 2004 à 2006. Celle-ci a notamment reçu des fonds de la région des Iles Baléares. Edouardo Inda, le journaliste enquêtant sur cette affaire, interroge les institutions sur les fonds versés pour cette cause. Mais, impliquant un membre de la famille royale, les choses en sont restées là.
Suite à cette enquête cependant, une action de justice est lancée par le juge de la cour de Palma de Majorque, José Castro. C’est le début de l’Opération Babel. De là, les ennuis judiciaires se sont multipliés pour le gendre du roi, soupçonné de détournement de fonds publics, corruption, fraude fiscale, faux et usage de faux et prévarication. Avec les enquêteurs du parquet anticorruption et de la police judiciaire, José Castro a découvert que l'Instituto Noos aurait récolté près de 6 millions d'euros de fonds publics essentiellement en provenance des régions des Baléares et de Valence. La presse espagnole s’enflamme et révèle que plusieurs associations gravitent autour de Noos, lui facturant des services et lui permettant de détourner ces fonds publics vers le Belize, le Luxembourg et le Royaume-Uni. Encore une fois, le nom d’Urdangarin, et de son associé Diego Torres, apparaissent dans toutes ces sociétés. Courant 2011, ils sont tous deux appelés à témoigner.
La famille royale réagit en clamant la présomption d’innocence. Mais le roi Juan Carlos prend rapidement ses distances avec son gendre en l’écartant des cérémonies officielles à partir de décembre 2011. Lors de son discours il précise : « Heureusement, nous vivons dans un Etat de droit et toute action répréhensible doit être jugée et punie par la loi. La justice est la même pour tous » Et pour dissocier complètement toute la monarchie de cette affaire, la Casa Real a accepté, pour la première fois depuis la chute de Franco, de publier les comptes de la famille royale.
Aujourd’hui, l’étau s’est fortement resserré autour d’Urdangarin. Le juge José Castro et le procureur anti-corruption, Pedro Horrach, ont approfondi l’investigation autour du principal accusé, de ses associations et de l’infante Cristina. Son époux est appelé à comparaître une deuxième fois devant la justice le 23 février. Les preuves et les accusés se sont multipliés, et parmi les nouveaux occupants du banc, les neveux et le frère d’Urdangarin, également impliqués dans les affaires de Noos. La semaine dernière, la mairie conservatrice de Palma a, par ailleurs, demandé à Urdangarin de renoncer à son titre de duc suite aux événements qui ont indigné les habitants. Enfin, sa page officielle sur le site de la famille royale a été supprimée.
Ciment d’une nation, la monarchie espagnole est dans une position très délicate au regard des autres scandales de la famille et notamment du roi Juan Carlos. En effet, l’année dernière déjà, le monarque avait dû faire des excuses publiques pour la première fois dans l’histoire de la monarchie, à propos de ses luxueux safaris au Botswana, alors que les Espagnols se battaient contre la crise économique. Enfin, la cote de popularité de la famille est en chute libre depuis 2008. Un héritage compliqué à gérer pour le futur roi Felipe qui, pour l’instant, conserve une bonne image. En revanche, pour Urdangarin, le conte de fée est bel et bien fini.