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« Votre réseau social préféré est détenu par les annonceurs. Chaque post que vous partagez, chaque ami que vous vous faites et chaque lien que vous suivez est suivi, enregistré et converti en données. Les annonceurs achètent vos données afin d’orienter leurs publicités en fonction de vous. Vous êtes le produit qui est acheté et vendu. »
Ainsi commence le manifeste des créateurs de l’ambitieux réseau social Ello. Né en mars, le réseau social est créé à la fois par des artistes et des développeurs informatiques. Le manifeste est particulièrement explicite ; né de la frustration des réseaux sociaux libéraux tels que Facebook, les fondateurs d’Ello ont un surnom qui leur colle à la peau : « les anti-Facebook ».
Leur profession de foi rappelle ce dont la plupart des utilisateurs de Facebook sont conscients : leurs données sont stockées et rentabilisées auprès des publicitaires. La défiance de ses utilisateurs est aujourd’hui plus que jamais aiguisée et pousse au péril le grand réseau social, de plus en plus déserté (5,4 % d’utilisateurs en moins en quatre ans).
« Sans publicité, beau et simple »
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« Nous croyons qu'il y a une meilleure façon. Nous croyons en l'audace. Nous croyons en la beauté, la simplicité et la transparence. Nous croyons que les gens qui font les choses et les gens qui les utilisent doivent être en communion. Nous croyons qu'un réseau social peut être un outil de responsabilisation. Pas un outil pour tromper, contraindre et manipuler - mais un lieu pour se connecter, créer et célébrer la vie. Vous n'êtes pas un produit. »
Là où Facebook commet des erreurs, Ello tente de ne pas les répéter. Etabli sur aucun revenu publicitaire et uniquement sur des dons, le réseau social veut montrer son côté désintéressé. A première vue philanthrope, Ello n’est cependant pas accessible à tous. Pour s’inscrire sur le site, il faut se faire inviter par d’autres membres qui ne peuvent inviter à leur tour qu’une vingtaine de contacts.
Lors d’une première visite, l’interface déroute. Minimaliste et épuré, le réseau social a un petit air de ressemblance avec son jumeau Twitter. Certaines fonctionnalités sont tout de même gardées comme le principe des « followers » et du « following », les profils et les « murs », les commentaires et les photos… Bref, pas de changement d’envergure prévu sur cet énième réseau social.
Le réseau social qui a de l’avenir ?
Il existe depuis plus de six mois et pourtant Ello, actuellement au stade initial (en version « test »), est toujours en chantier. A vocation privée, le réseau social a connu un tout autre destin ; avec plus de 35 000 demandes d’inscription par heure, il peut prétendre rivaliser avec Facebook, ce qui est en fait un concurrent de poids.
Si ce réseau social connaît une influence de nouveaux inscrits, il peut de même compter sur le soutien de la communauté LGBT. Souvenez-vous, il y a une quinzaine de jours un drag-queen américain se voit interdire sur Facebook d’utiliser un pseudonyme à la place de son vrai nom. A la suite de l’affaire, Ello s’empresse de rappeler qu’il accepte toute sorte de pseudonyme. Le buzz négatif créé par Facebook se conclut en véritable fuite de masse d’un réseau à l’autre.
Toutefois si le nouveau réseau social présente un prototype plaisant, certains ont aussitôt déchanté dès leur inscription. « Profils trop publics » pour certains, « pas si avant-gardiste » pour d’autres, la course à la confidentialité prônée par Ello risque de s’arrêter en deux temps trois mouvements. Lors d’une récente interview de Paul Budnitz, l’inventeur du site, qui déclarait « la publicité c’est le diable », les choses se retournent déjà contre lui. Après avoir fait polémique suite à l’annonce de FreshTracks Capital en mars qui disait détenir l’information que la start-up avait été financée à hauteur de 435 000 dollars par le « Venture Capital », les fondateurs se sont dépêchés de démentir la déclaration.
Il n’empêche que reposer sur une financiarisation basée sur la générosité et la philanthropie n’a pas marché à tous les coups. L’exemple le plus pertinent a sans doute été le cas de WhatsApp qui a réussi à survivre un temps sans publicité avant de se faire racheter par… Facebook. Facebook, Twitter et Instagram… autant de réseaux sociaux qui ont commencé à vouloir se distinguer à leurs débuts en ne voulant émettre aucune publicité.
PDG d’Ello, Budnitz fustige les publicitaires alors même qu’il détient une marque de vélos de luxe. Ce qui est certain, c’est que le créateur du projet a plusieurs cordes à son arc. Alors un réseau social « anti-pub » peut-il réellement perdurer pendant des années ? Et si, en fin de compte, Ello devait sa bonne stratégie de bouche à oreille pour pas grand-chose ? La balle est dans leur camp.