Élections en Inde : un début de campagne sans foi

Ramalingam Va, correspondant à Chennai
23 Mai 2013


À un peu moins d'un an des élections législatives, l'Inde semble plongée dans un immobilisme politique ambiant. Les partis jouent la carte de la passivité en rêvant de rafler la plus grosse part du gâteau électoral. La majorité au pouvoir n'est pas en reste. Dans l'espoir de décrocher un troisième mandat consécutif, le Premier ministre et son camp s'obstinent à projeter une image embellie d'un gouvernement rongé par plusieurs scandales de corruption et un bilan qui s'enfonce un peu plus chaque semaine dans l'échec.


Narendra Modi, ministre en chef de l'Etat du Gujarat et candidat au poste de Premier ministre. Crédits : Press Trust of India.
Depuis plusieurs mois, le Parti du Congrès, maintenu au pouvoir en coalition depuis 2004, est moribond. Le dernier scandale de corruption en date touche directement le cabinet du Premier ministre, Manmohan Singh. Plusieurs officiels sont accusés d'avoir abusé de leur pouvoir pour allouer arbitrairement des ressources naturelles comme le charbon. Deux ministres ont par ailleurs récemment dû quitter le gouvernement. L'un, alors ministre de la Justice, a tenté de détruire un rapport d'enquête et l'autre a usé de la corruption pour protéger l'un de ses proches. Pour noircir encore le tableau, la Cour des Comptes blâme la politique du gouvernement et souligne la déroute des finances publiques.

D'un autre côté, le Parti du Congrès peut se targuer d'une victoire écrasante dans l'État du Karnataka où il était privé du pouvoir depuis un certain temps. Le parti a aussi propulsé sur le devant de la scène Rahul Gandhi, le fils du défunt Premier ministre Rajiv Gandhi et de Sonia Gandhi, patronne de l'organisation. L’homme de 43 ans fait désormais l'objet de rumeurs sur sa possible candidature à la fonction suprême en 2014.
 
Pour s'attirer les bonnes grâces des quelques 700 millions d'électeurs, le pouvoir s'essaie aussi aux annonces symboliques, comme un projet de loi sur la sécurité alimentaire. Le texte sur le point d'être adopté se retrouve en suspend depuis que l'opposition a réclamé au parlement la démission des deux ministres.

Un nationaliste en tête de l'opposition

L'opposition dispose d'une longue liste de questions à soumettre à la majorité mais se heurte à un obstacle de taille qui empêche les partis de faire bloc pour accabler le gouvernement. Quelques dirigeants du parti nationaliste BJP (Parti du peuple indien) soutiennent la candidature de Narendra Modi, ministre en chef de l'État du Gujarat depuis trois mandats consécutifs, au poste de premier ministre. Une idée loin de faire l'unanimité. Modi, connu pour être un leader hindutva (extrémiste, de la religion hindoue) est  critiqué pour avoir fermé les yeux lors des émeutes qui ont éclaté entre hindous et musulmans en 2002 dans son État. Entre 800 et 2000 personnes ont été massacrées, la plupart musulmanes. Difficile pourtant de rejeter en bloc ce leader charismatique et populaire à qui l'on prête une politique brillante dans le Gujarat. C'est donc la résolution du « cas Modi » qui devrait définir la stratégie de campagne de l'opposition.

Le Parti du peuple a toutefois perdu un peu de soutien moral en perdant les élections régionales dans le Karnataka face au Parti du Congrès. De nombreux dirigeants ont exigé du BJP qu'il maintienne une dose de laïcité dans ses politiques. L'absence de soutien de l'électorat non-hindou pourrait avoir un impact très négatif pour l'opposition au moment du scrutin.
Manifestation anti-corruption. Crédits : Karnataka Photo News.

La bataille contre la corruption

Ces deux dernières années, l'Inde a connu de nombreux soulèvements populaires de grande ampleur. Lancée par le gandhien Anna Hazare, une campagne anti-corruption soutenue par de nombreux anciens bureaucrates, a mobilisé les citoyens contre ce que Barack Obama avait décrit l'an dernier comme le principal fléau du pays. Le mouvement s'est érigé en parti politique lorsque le  pouvoir a refusé la mise en place de lois sévères pour lutter contre la corruption.
 
Bien que la base gandhienne de la mobilisation se soit éloignée de la forme partisane, c'est un ancien fonctionnaire qui a pris les rênes de ce jeune « parti de l'homme ordinaire » (AAP), Arvind Kejriwal. Celui-ci se pose en alternative aux deux principaux partis, le Parti du Congrès et le BJP. Ce nouveau-né de l'arène politique devrait passer son premier test aux élections à venir dans la capitale, New Delhi. Un bastion du Congrès depuis près de 10 ans que le parti au pouvoir compte bien conserver. 

Prima facie, l'élection de 2014 apparaît comme une nouvelle bataille entre les deux vieux partis établis, le BJP et le Congrès. Les petits partis comme l'AAP commencent à faire entendre leur voix. Mais tout comme ce nouveau parti, les principales organisations ont devant eux un gros travail de terrain pour espérer une victoire et gagner leur place à l'Assemblée pour les 5 prochaines années.

Traduit de l'anglais par Thomas Denis.