Destitution du président paraguayen. Le continent américain est en ébullition

Félix Gay
25 Juin 2012


Le président du Paraguay, Fernando Lugo, au pouvoir depuis 2008, a été destitué par le Congrès national le vendredi 22 avril. A l’origine de la destitution, la défiance d’un des partis membres de la coalition présidentielle, provoquant un basculement du rapport de force en défaveur du président. Tandis que l’Amérique latine dénonce un « coup d’Etat parlementaire », Lugo prépare sa contre-attaque.


Au cours d’un procès politique, une écrasante majorité de sénateurs (39 sur 43) a voté contre le président paraguayen Fernando Lugo. Celui-ci été remplacé à la tête de l’exécutif par son vice-président Federico Franco, membre du Parti libéral radical authentique (PLRA) à l’origine de la fronde.

Une crise politique sous fond de conflit agraire

L’origine de la crise provient de divergences croissantes entre Lugo et le PLRA, une des principales composantes de la coalition parlementaire et gouvernementale, et deuxième force politique du pays derrière le Partido Colorado (conservateur). La rupture a été consommée lors du massacre du 15 juin qui a eu lieu dans le nord du pays. Une opération de police visant à déloger des sans-terres d’une propriété agricole avait provoqué des affrontements entrainant la mort de 11 paysans et de 6 policiers. Le PLRA s’est alors immédiatement désolidarisé du gouvernement et a entamée une procédure de destitution sous forme de procès politique. Une semaine plus tard, le PRLA et le Partido Colorado additionnent leurs voix pour faire chuter le président.

Une critique unanime, mais variable du continent américain

Si la procédure semble conforme à la loi, elle pâtit en revanche d’un manque de légitimité. Le Président Lugo n’a en effet disposé que d’une semaine pour préparer sa défense. De quoi aviver les critiques des autres pays latino-américains. Certains gouvernements de gauche n’hésitent pas à parler de « coup d’Etat » ou de procédure « illégitime ». Le Mercosur, union économique entre le Paraguay, l’Uruguay, l’Argentine et le Brésil, a même décidé de retirer au Paraguay le droit de participer aux prochaines réunions. Pour sa part, l’Organisation des Etats Américains (OEA) s’est montré plus mesurée. Lors d’une réunion extraordinaire à Washington, son secrétaire général, José Miguel Insulza, a simplement dénoncé la rapidité de l’exécution de la destitution. Il a en outre appelé à la transparence et au respect de la démocratie.

Un avenir incertain

Le Président déchu ne semble pour l’instant pas se résigner. Fort du soutien d’une partie de la population qui s’est rassemblée par milliers vendredi place du Congrès, l’ « évêque des pauvres » a posé un recours en inconstitutionnalité. Il a en outre décidé de former un cabinet présidentiel parallèle à celui de Federico Franco. Sa principale arme demeure toutefois le soutien international. Pour le moment, aucun pays n’a reconnu le gouvernement de son rival, mais on attend le positionnement de l’UNASUR qui devrait se réunir dans les prochains jours, ainsi que  celui des Etats-Unis, qui se sont montrés très discrets jusqu’ici. Si d’aventure la crise n’’est pas résolue par la diplomatie, elle le sera irrévocablement par la voie des urnes. En effet, si le nouveau président Franco décide malgré tout de se maintenir, les prochianes élections auront lieu en avril 2013, date à laquelle le mandat de Lugo prend officiellement fin.