Crédit Thomas Delattre
Le vent de bord de mer offre un répit bienvenu dans la chaleur de Dakar. Les chaises en plastique usées grincent sous le poids des parents venus supporter leurs enfants. D'autres, appareil photo à la main, immortalisent l'instant en slalomant entre les vendeurs ambulants, venus profiter de l'occasion pour vendre lunettes et objets d'art africain.
Debout sous la tente du jury, Oumar Seye donne ses directives aux compétiteurs. Face à lui se tiennent les jeunes espoirs du surf sénégalais. Ils attendent la vague. Les meilleurs d’entre eux accèderont peut être au Rip Curl Africa Tour, avec à la clé le sponsoring d'une grande marque.
Oumar Seye est ravi. Torse nu, massif, cet ancien surfeur professionnel, premier Sénégalais à avoir signé chez Rip Curl, est aujourd'hui vice-président de la fédération. À la tête d’un complexe nautique, il a voué sa carrière au développement du surf sur les côtes africaines. « Quand j'ai commencé on avait beaucoup de mal à trouver des planches. Ma première planche, c'est une journaliste qui me l'a donnée » déclare t-il d’une voix vibrante.
Présente au Sénégal depuis les années 60, la discipline a longtemps été l’apanage des professionnels étrangers venus passer la saison d'hiver au soleil. Les quelques Sénégalais s’adonnant au surf étaient principalement issus de la communauté de pêcheurs Lébous, implantés dans le quartier de Ngor. La majorité des locaux ne disposent alors pas des moyens financiers nécessaires pour s'offrir un matériel coûteux, et s’adonnent au troc avec les touristes sur le départ afin de se procurer des planches, explique Oumar Seye. Ce n'est qu’à partir des années 2000 avec l’implantation des premières écoles de surf que la discipline commence à se structurer. En 2005, la création de la Fédération sénégalaise de surf officialise enfin la discipline, et permet d'entamer le dialogue avec le ministère des Sports afin d'obtenir des financements.
Depuis 2009, Oumar organise le West Africa Tour, une compétition regroupant surfeurs d'Afrique de l'Ouest et d'Europe. « Si il y a un tour il y aura des récompenses et les surfeurs seront là, l'idée de ce Africa Tour c'est ça » confie t-il, « Moi ce que je veux c'est que chaque pays d'Afrique de l'Ouest puisse envoyer ses surfeurs et nous croyons en notre projet » ajoute-t-il avec un sourire. Le tour, qui entre cette année dans sa septième édition, représente un espoir immense pour le surf au Sénégal, car il lui permettrait d'attirer touristes, sponsors, et donc devises.
« Le tourisme fait développer le surf ici »
À Dakar, des surf camps se sont développés ces dernières années, proposant aux touristes des stages intensifs d’une ou deux semaines. Une pratique qu’Oumar a dans le collimateur : « Seul l’argent les intéresse » accuse-t-il, « moi j'essaie de faire sur le long terme ». Si la venue d’étrangers permet aux locaux de récupérer du matériel, et ainsi de s'équiper à moindre coût, le champion défend une conception « humaine » du tourisme, basée sur les rencontres et les échanges : « Un surfeur européen qui vient au Sénégal va manger avec les locaux, surfer avec les locaux, délirer avec les locaux » s’enthousiasme-t-il.
Français installé depuis les années 2000 à Dakar, Poncho, gérant d'une école de surf et d'un surf camp, a constaté l'évolution à Dakar depuis une quinzaine d'années. « Il a fallu dix ans pour que les gens commencent à me faire confiance, à cause de la mauvaise réputation du surf : cheveux longs et pétards » avoue t-il, « aujourd'hui ma clientèle c'est 70% de potes, 30% de familles, qui viennent à Dakar uniquement pour surfer, et ça monte gentiment ». Mais le tourisme des vagues au Sénégal doit faire face à la concurrence marocaine notamment. « Ils travaillent sur la masse, des séjours tout compris, et les billets d'avion pour le Sénégal sont 30% plus cher » regrette Poncho. « Venir surfer à Dakar, c'est coûteux ».
« L'urbanisation à Dakar, c'est l'anarchie »
Véritable bête noire des défenseurs de l'environnement à Dakar, l'urbanisation massive de ces dernières années a entraîné dans son sillage de nombreux problèmes de pollution. « Depuis 12 ans je tire la sonnette d'alarme » déplore Poncho, qui constate l'inaction du gouvernement : « Ici, les lois sur l'environnement sont exactement les mêmes qu'en France, mais on laisse faire ». Le rejet de métaux lourds dans l'océan par les industries a d'importantes répercussions sur la faune. La lotte ne peut plus être exportée du fait d'un taux de mercure trop important dans son organisme. La pollution pourrait bien être le principal ennemi du tourisme à Dakar, que Poncho n’hésite pas à qualifier de ville à l’abandon : « le pouvoir s'en fout de Dakar, ils veulent que les touristes aillent dans les stations balnéaires, comme Saly ».
Seules quelques initiatives privées se sont consacrées au nettoyage des plages de la capitale sénégalaise. Ainsi le Dakar Women's Group organise chaque année le Ngor Beach Cleanup, vaste opération de nettoyage de la plage de Ngor. Mais ces actions isolées ne sauraient résoudre les problèmes de pollution. Abdoulaye Bibi Baldé, nouveau ministre de l'Environnement, en poste depuis 2013, doit, selon un décret du 22 Juillet 2014, veiller à ce que « les activités potentiellement polluantes ne mettent pas en cause le cadre de vie des populations et la qualité de l'environnement ». Si Poncho s'accorde sur le fait « qu'une réelle volonté politique peut changer la donne », il reste dubitatif quand à la concrétisation de ces voeux pieux. « On verra bien » ajoute-t-il en haussant les épaules.