Crédit Lydia Azi
A Pise, chef-lieu de la province, et en général dans toute la Toscane, l'architecture reste d'époque. Le style roman et les églises peuplent le paysage. La célèbre tour penchée et la place du dôme attirent chaque année des milliers de touristes. Entre les bicyclettes et les marchés, on trouve souvent des tags le long des chemins. La plupart du temps, ce ne sont pas des dessins, mais des phrases ou des slogans.
On peut reconnaître certains tagueurs qui ont un style particulier et qui utilisent les murs pisans pour s'exprimer comme d'autres utiliseraient leurs murs Facebook. Lorsqu'on prépare la visite de la ville ou qu'on se l'imagine, l'état des murs n'entre certainement pas en compte. Et pourtant, le long des pavés du centre historique, les murs sont tatoués et tentent de nous interpeller. Ce sont ce genre de détails que j'aimerais vous présenter, des détails qui au premier abord n'attirent pas notre attention pendant que le regard tente d'apercevoir, de loin, la tour de Pise.
Parce que, lorsqu'on veut visiter une ville, en groupe organisé ou seul avec sa carte, on ne fait jamais attention à la composition du chemin. Le passage obligé de la photo de soi redressant la tour ou assis sur les marches de l'École normale supérieure ne laissent pas de place aux photos des détails d'un quotidien pisan, visible mais muet : nos murs. Entre ces édifices millénaires et les vendeurs de glaces italiennes, des milliers de petits mots sont inscrits pour nous, lecteurs potentiels.
L'expression libre
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Entre la piazza Cavalieri et la piazza del Duomo, se situe le département de philosophie et il n'est pas rare d'y trouver une citation de Marx ou un « Interdit de penser » typique d'un artiste de la rue qui pratique un peu partout dans la ville. Chaque matin, les étudiants scrutent les murs, à la recherche de nouveaux mots qu'ils liront entre deux cours ou durant la pause café.
En sortant de la bibliothèque, il est impossible de rater l'énorme remarque d'un tagueur anonyme qui offre de l'espoir, « Reprends ta vie en main ». Certains ont d'autres discours, plus ironiques comme « Mange les riches », accompagné d'un symbole communiste ou « Je mange gras », qui ne manquent jamais de faire sourire les lecteurs. D'autres artistes n'hésitent pas à ponctuer un passage marbré sous vidéosurveillance par une clef de sol ou encore, à exacerber leurs passions à coups de peinture rouge vif sur un mur au détour d'une rue piétonne et très prisée des touristes.
Face au restaurant universitaire, les revendications politiques attirent notre regard « Les peuples en révolte écrivent l'histoire Intifada jusqu'à la victoire » taxé d'un drapeau palestinien et sur les petits chemins labyrinthiques du centre historique de la ville, des petits slogans du même auteur nous interpellent : « Non à la vivisection ».
Les murs pisans : véritables réseaux sociaux
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Finalement, ces murs sont souvent de véritables lieux d'échanges populaires. Ils sont le théâtre de commentaires qui nous font étrangement écho : c'est le système des réseaux sociaux. Les tags sont jours après jours enrichis, contredits ou parfois accrédités. Les artistes se répondent entre eux à l'aide de flèches qui lient leurs commentaires.
Les murs sont des lieux communs d'expression. Les mots restent simples, clairs et concis. Ce sont des messages anonymes à la destination de tous, dans cette ville que les touristes prennent d'assaut chaque jour. Ils sont repeints quotidiennement aux couleurs de la Méditerranée, mais malgré les nombreux effacements opérés par les services municipaux, les artistes de la rue ne se découragent pas : un mur repeint est toujours une feuille de plus.
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