“First time in Himalayas: such a beautiful experience to overcome our own challenge. Sharing all this moments with all of these different people is just making me full of emotions… And visiting the temple in Badrinath, especially this one that is very important for you, it’s one of the most beautiful things of this day…”, Karine
Encore un matin qui commence à 4h30, encore des heures à traîner sur la route, encore des eaux d’un bleu irréel, à admirer à travers la vitre, à voir défiler des paysages sans pareil. Voici nos dernières heures pour atteindre la première ville sacrée de l’Himalaya. Quelques achats sur la route pour ceux qui n’avaient pas songé à la chute des températures, 37 degrés de moins en 2 jours, qui me chatouillent par ailleurs quelques peu les narines avec mon sweet et mon T-shirt en coton me prenant sans aucun doute pour un Davy Crockett au féminin et par définition, femme qui n’a jamais peur.
Des chaussures de marche à coût dérisoire (250 roupies) sont achetées par certains. Les autres se décident à se fournir en écharpes, gants et bonnets en laine. Sarah, Karine et moi, en bonnes françaises que nous sommes, nous décidons d’étendre notre french attitude en étant prises par la folie acheteuse de robes laineuses et saillantes cherchant à tout prix les leggins et les collants pouvant aider nos prochains hivers dans notre pays natal. Car oui, la France est définitivement devenue la Sibérie après des mois passés ici.
Après avoir trouvé notre bonheur, en songeant à la fierté de pouvoir rendre jaloux nos compatriotes rien qu’en s’exclamant que « ça ? Je l’ai acheté en Inde dans l’Himalaya… », nous dégustons ce que nous mangerons pour les 75% de notre séjour durant le « lunch time » : des pâtes MAGGIE. Cela nous fera par ailleurs remarquer que ce n’est pas toujours bon que les marques françaises s’exportent si loin. La France peut, certes, nous manquer mais pas à ce point. 5h après la digestion, s’étendent devant nous des pierres, des maisons, simplement un échantillon de pigments divins qui nous ouvrent l’appétit de découvertes et enlèvent le côté fadasse exploité du temps de midi.
La découverte de l’osmose entre son potentiel et le chemin céleste à parcourir et respecter, flotte au-dessus de nos têtes quand nous foulons le sol de Badrinath, ville dédiée à Vishnu. Chanceux, nous arrivons sous les flocons qui perlent sur nos cheveux. La ville de Badrinath s’offre à nous, sa délicatesse, sa beauté, et sa pureté nous invitent à communiquer avec les autres. « Char Dham », principal lieu de communion avec les dieux pour les Hindous. Devant ce spectacle qui se tient devant nos yeux, devant ces lumières et ces couleurs, nos pieds égratignent le sol de cette ville merveilleuse de l’Uttarakhand et nos 5 sens sont en éveil dans toutes les directions possibles.
La dégustation du chaï avant d’escalader les rochers qui nous conduiront jusqu’à la rivière sacrée, les murmures de la nature et les prières hindoues éveillant les meilleures parties de notre ouïe ou simplement la saveur d’une odeur de prairie … Bienvenue à Badrinath ! Je suis conquise par l’enfant implorant Shiva et Pavarti, en méditant ce cadeau du paradis. Cette verdure qui entre en vous pour ne plus vous quittez, cette fleur qui s’imprègne pour vous mettre du baume au cœur complété par ce tourbillon de couleurs âpres montagnardes en contraste avec le lieu sacré dominé par ces nuances flamboyantes.
Eveillez nous étions, vivifiez nous repartirons. La bénédiction de cet homme distant sur nos peaux aussi glacées que sa froideur à 2km du centre aura été la récompense de ce si grand soir. Dans les avenues rocailleuses qui nous ont coupé le souffle, nous avons entamé nos premiers pas sur la route de la méditation hindouiste.
Je vous raconterais bien ce superbe trekking de 2km et sa redescente avec nos lampes torche et cette mêlée de chemins parsemés de cailloux dans lesquels nous nous sommes perdus, j’adorerais vous expliquez les détails de notre voyage de quelques heures dans un des lieux les plus mystiques qu’il puisse être… Oui je vous jure, j’aimerais de tout cœur vous en faire un récit plus précis que je ne l’ai déjà fait mais trahir le secret du lieu de la rencontre de tous les dieux serait tromper mon voyage tout simplement.
Situé à 3133 m, les pics de Badrinath protègent aussi la fameuse traversée d’eau du nom de Vishnu Ganga : une des légendes raconte qu’autour du temple Singh Dwar, imbibé de tons expressifs et colorés, le « guru » Shankara, fervent défenseur de la Vérité Absolue qu’il trouve en Vishnu, aurait souhaité poser son empreinte et lui donner une caractéristique exceptionnelle. Ce Saint Thomas d’Aquin hindou souhaitait rendre l’univers de Badrinath magique avec la pierre noire et sa célèbre gravure de son guru favori dans une position méditative. La Salagrama, pierre si prisée dans cette ambiance spirituelle, est dotée d’un don précieux : celui de l’accès à la sagesse. Ce fossile est adoré par les Hindouistes, il représenterait les manifestations de Vishnu même.
S’écoule également dans cette ville de pèlerinage les eaux chaudes curatives, qui dans le langage local sonnent de manière excessivement attrayante, surtout à une température de 0°, « Hot Springs Waters » ! Le thermique naturel, quel bonheur ! Et pourtant… Se déshabiller entre femmes dans des vestiaires extérieurs dans lesquels les degrés Celsius atteignent facilement ce que l’on pourrait appeler le point de non-retour d’un réfrigérateur, frissonner à chaque vêtement enlevé et trembler, non pas du plaisir sensuel de se retrouver en tunique sans leggins en dessous, à cause des couteaux qui transpercent chacun de nos pores … et cette déception lorsque notre corps, dans cette moitié de nudité exécrable par nos mouvements rapides et disgracieux, se retrouve incapable de poser ne serait-ce qu’un pied dans le Tapt Kund : 55° qui ne cesse de croître au cours de la journée !
Considérées comme des eaux thermales et donc connues pour leurs vertus médicinales, notamment pour guérir les maladies de peau, la chaleur émergente nous est insupportable alors que nous avons cruellement besoin d’un bain. Grelotter et brûler à la fois près des eaux ébouillantés, sensation étrange qui tue à petit feu ; choisir de se rhabiller le plus vite possible pour rejoindre une chambre non chauffée disposant de deux lits mais choisissant de partager jusqu’au bout notre voyage se frottant toutes les 4 dans un seul.
Nous voici dans une expérience intense, une aventure qui nous fait oublier nos gestes de propreté habituels, « fuck the teeth » répèterons-nous par ailleurs, emmitouflés dans nos bonnets, nos gants, nos couches d’une épaisseur indescriptible et nos 4 grandes couettes. Dans ce petit bout de paradis, à travers mes mots qui pourraient définir Badrinath de façon féérique, j’ai trop froid ! Mes mains ne ressentent plus rien, mes doigts deviennent bleus et mon carnet de bord que j’écris à la main semble subir plus qu’apprécier la valse de mon stylo sur son sensible papier. J’aurais pu tout vous définir, j’aurais pu donner les définitions, les mythes, les légendes et tout ce que j’ai appris ce jour-là. Je préfère ne pas le faire, du moins pas aujourd’hui, les seuls mots me venant à l’esprit étant « Glaglagla… »
« L'hiver. Le mot seul possède une assonance antipathique », François Latraverse