Brésil : homosexualité, croyances et intolérance

21 Septembre 2015


Le Brésil est le pays qui compte la plus grande communauté catholique au monde avec 123 millions de fidèles pour 200 millions d’habitants. Après les JMJ de Rio en 2014, le pape François confiait aux journalistes : « si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ». Un an plus tôt, la loi instaurant le mariage entre personnes du même sexe était adoptée et abstraitement soutenue par l’Église catholique. Paradis de la tolérance mais aussi de l’homophobie, au Brésil, l’influence de la religion n’est pas à négliger.


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Le plus grand pays d’Amérique du sud et troisième à autoriser le mariage gay enregistre une forte hausse des crimes homophobes. L’ONG Groupe Gay de Bahia signale que la moitié des meurtres homophobes dans le monde sont commis au Brésil. Le 16 juillet, un pas a été franchi avec l’adoption d’une loi anti-discrimination par le Parlement de la ville de Rio de Janeiro. L’influence de l’Église s’apprécie particulièrement lors de ces décisions politiques. Au Brésil, les églises évangéliques et surtout pentecôtistes connaissent une croissance spectaculaire et ce, également au sein du Parlement. 

L’Église, un acteur factice de la cause homosexuelle ?

Le pape François a ouvert la voie pour que d’autres représentants de l’Église puissent prendre position plus librement. En 2014, Fábio de Melo, le prêtre star des réseaux sociaux publiait sur Twitter : « l’union civile entre personnes du même sexe n’est pas une question religieuse, c’est à l’État de décider. »

Dom Antonio Dias Duarte, évêque auxiliaire à Rio, rappelait que « l’Église brésilienne, comme l’Église du monde entier, y est opposée ». Pour lui, « les personnes de même sexe qui décident de vivre ensemble doivent être protégées par l’État, comme n’importe quels autres citoyens; mais cette union ne doit pas être assimilée à un mariage » rapportait le journal La Croix.

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Une autre décision rendue peu après les propos de Dom Antonio Dias Duarte montrait les limites des représentants catholiques. L’Église confirmait l’excommunication d’un prêtre accusé d’hérésie après la publication d’une vidéo dans laquelle il admet que l’amour peut exister entre personnes du même sexe, preuve que l’homosexualité reste tout de même un sujet tabou pour l’Église catholique brésilienne. Celle-ci s’est d’ailleurs fortement opposée à la loi autorisant l’adoption aux couples homosexuels.

Fernando, interrogé par Le Journal International, estime en tant qu’homosexuel que « du fait de l’influence de la religion dans notre société, nombre de personnes sont effrayées à l’idée d’aller en enfer et d’assumer leur homosexualité. L’Église brésilienne peut réellement perturber le processus de coming out. » Malgré quelques représentants religieux favorables à la cause homosexuelle, une partie de la société brésilienne reste ancrée dans ses convictions religieuses. D’après Fernando, « l’un des changements majeurs a été la force des télé-crochets, où l’on a vu en 2013 le premier baiser entre personnes du même sexe. Après la diffusion de l’épisode, les gens se sont alors plus ouverts. »

Des avancées culturelles

Une campagne publicitaire montrant des couples homosexuels a déclenché une guerre entre les ultraconservateurs et les fans de la publicité. Pour la Saint-Valentin, célébrée le 12 juin au Brésil, l’entreprise de beauté O Boticário a dévoilé une annonce publicitaire dans laquelle plusieurs couples hétérosexuels et homosexuels s’embrassaient et s’offraient des cadeaux. Pour certains, cette vidéo a été perçue comme une attaque aux valeurs traditionnelles tandis que d’autres se sont indignés de ces critiques contre la publicité. Ainsi s'est déclenchée une guerre entre les j’aime et je n’aime pas sur la vidéo disponible sur Youtube.

La diffusion de cette vidéo prouve qu’au-delà des croyances, l’acceptation de l’homosexualité passe par d’autres moyens présents dans la vie publique. Malgré la forte influence de l’Église catholique dans le pays, le Brésil est un pays laïc. Le principe de laïcité, à savoir la séparation de l'État et de la religion, reste ambiguë. La Constitution, dans son préambule, fait explicitement allusion à Dieu. Elle est adoptée « sous la protection de Dieu » , alors que ce même texte interdit aux États, au District fédéral et aux municipalités « d'établir des cultes religieux ou des églises, de les subventionner, d’entraver leur fonctionnement ou d’entretenir avec eux ou leurs représentants des relations de dépendance ou d'alliance » selon l’article I-19 de la Constitution. 

L’Église catholique, mais aussi progressivement le protestantisme à l'heure actuelle, prouvent que le pays n’est pas laïc puisque de nombreux membres du Congrès sont des religieux fondamentalistes : c’est pourquoi personne ne représente la communauté homosexuelle. 

La progression de l’évangélisme

Le catholicisme demeure la religion dominante au Brésil bien que depuis deux décennies, elle perd du terrain face au protestantisme évangélique. Selon les chiffres de 2010, le nombre de Brésiliens se déclarant pentecôtistes a progressé de 41 % par rapport à l’an 2000, alors que le nombre de catholiques a baissé d’1 %. L’Église universelle du Royaume de Dieu revendique aujourd’hui 13 millions de fidèles dans le monde, dont 1,8 rien qu'au Brésil : un chiffre en constante hausse depuis plusieurs années. Créée il y a moins de quarante ans, l’Église néo-pentecôtiste la plus présente au Brésil a refusé toute interview au Journal international.

L’influence économique et politique des évangéliques néo-pentecôtistes s’est illustrée par la présence de la Présidente, Dilma Rousseff et du gouverneur de São Paulo, Geraldo Alckmin, lors de l’inauguration de la gigantesque réplique du Temple de Salomon de Jérusalem construite par l’EURD, qui devient la plus grande église du pays mais également la plus homophobe.  À l’inverse, l’Église chrétienne contemporaine dont l’ampleur est bien moins impressionnante que l’EURD accepte aussi bien les personnes hétérosexuelles qu’homosexuelles. Une cathédrale gay a d’ailleurs vu le jour ce mois-ci. 

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Dans les deux assemblées fédérales, 73 élus sur 594 revendiquent l’appartenance à une Église néo-pentecôtiste. Les votes du groupe évangélique nécessaires à la Présidente ont freiné de nombreuses lois progressistes, comme par exemple la dépénalisation de l’avortement. Au Brésil, les évangéliques constituent effectivement une importante puissance politique. 

L’État de Rio de Janeiro se mobilise

Le nombre de meurtres et d’agressions sont en hausse de plus de 14 % depuis l'arrivée au pouvoir de la présidente Dilma Rousseff début 2011. 312 homosexuels, travestis et transsexuels ont été tués en 2013, soit un assassinat toutes les 28 heures. En réponse à ces chiffres alarmants, une loi a été adoptée par le gouvernement de Rio de Janeiro contre les discriminations homophobes condamnant les coupables à une amende s’élevant jusqu’à 60 000 dollars. Le texte interdit le traitement différencié envers les homosexuels et les lesbiennes, pour tout tarif extra à l’entrée des lieux publics et privés. Les attitudes et les actes d’incitation à la violence et à l’homophobie sont aussi prohibés. Cette décision intervient alors que le pays devient de moins en moins tolérant.

La loi progressiste supporte une exception : les institutions religieuses. Ces dernières ne seront pas soumises aux sanctions en cas de discrimination homophobe. Cette exception s’inscrit dans le projet de loi adopté en 2013, autorisant les églises à refuser des personnes homosexuelles souhaitant se marier ou baptiser leurs enfants au sein de leur institution. Croyances et politique ne font pas bon ménage au sein du Parlement, particulièrement dans un pays dit laïc. La parole catholique et de plus en plus évangélique est puissante et l’intolérance se propage sur le sol brésilien, dans l’attente d’une loi nationale contre les crimes homophobes.



Effectuant un Master en journalisme après des études de droit, je suis passionnée par le… En savoir plus sur cet auteur