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La décision de la junte fut considérable, quand on se souvient de la répression dans le sang de La Révolution de Safran en août-septembre 2007, ou encore de l’invalidation en 1990 de la victoire aux élections législatives, avec 80% des voix, du principal parti d’opposition, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), menée par Aung San Suu Kyi. Cette dernière, prix Nobel de la Paix en 1991, avait alors été placée en résidence surveillée, avant sa libération en 2010. Depuis 2011 et le retrait du généralissime Than Shwe, alors au pouvoir depuis 1992, la Birmanie s’est ouverte politiquement, culturellement et économiquement sur l’extérieur, accueillant de plus en plus les touristes et les investisseurs étrangers. Après le déroulement d’élections partielles en 2012, l’Union européenne et les Etats-Unis lèvent les sanctions économiques contre la Birmanie, tandis que le président américain Barack Obama et le premier ministre britannique David Cameron décident de se rendre sur place pour soutenir ces évolutions.
Mais cette ouverture de la Birmanie n’est que l’arbre qui cache une forêt tropicale décimée de l’intérieur. La démocratie et les droits de l’homme sont encore fragiles dans un pays qui, depuis l’accession à son indépendance de l’empire britannique en 1948, a enchaîné les instabilités politiques et les dictatures militaires.
Des violences encore trop présentes
En effet, malgré la mise en place d’une nouvelle Constitution en 2012, les militaires se voient encore attribuer le quart des 440 sièges de l’Assemblée, et tous les Birmans ne semblent pas favorables au processus de réformes engagé depuis 2011. L’année dernière, plusieurs attentats à la bombe ont eu lieu, visant notamment des hôtels accueillant des ressortissants étrangers. Surtout, la « République de l’Union du Myanmar », nom officiel de la Birmanie, est un Etat fédéral où plusieurs ethnies doivent cohabiter, et les tensions entre ces dernières ne font que s’accentuer. Le cas le plus dramatique est celui de la minorité musulmane apatride des Rohingya, qui selon l’organisation internationale Human Rights Watch (HRW), serait victime d’une campagne de nettoyage ethnique dans l’indifférence totale des dirigeants du pays. En 2012, les violences entre Rohingya et nationalistes Bouddhistes dans l’Etat de l’Arakan ont causé la mort d’environ deux cents personnes, et le déplacement forcé de centaine de milliers d’autres. L’Organisation des Nations Unies a considéré cette minorité musulmane comme l’une des plus persécutées dans le monde, mettant à mal l’image d’une Birmanie démocratique. Cette année encore, des membres de l’association Médecins sans Frontières se sont vus refuser l’accès au pays, accusés de cacher des musulmans, avant de finalement pouvoir reprendre une partie de leur travail.
Un silence pesant
Ce qui attire surtout l’attention face à ces événements, outre leur violence et le manque de réaction du président Thein Sein, est le silence de « La Dame de Rangoun », Aung San Suu Kyi. Considérée comme une icône dans le pays et dans le monde entier, cette dernière se retrouve de plus en plus sous le feu des interrogations et des critiques à son sujet, pour son absence de prise de position sur le nettoyage ethnique qui est en place dans le pays. Et pourtant, Aung San ne pourra plus échapper à ces questions très longtemps, car elle a annoncé en juin 2013 sa candidature aux élections présidentielles de 2015.
Si en 2012, lors des élections partielles, la LND a triomphé en remportant la quasi-totalité des sièges alors à pourvoir, et qu’elle dispose du soutien inconditionnel de nombreux birmans et de l’ethnie principale du pays, les Bamars (bouddhiste), elle n’est plus en odeur de sainteté chez les représentants des minorités ethniques, qui forment 30% de la population. L’engouement international a laissé place à la déception et à l’impuissance face à une situation qui s’enlise.