Birmanie : entre religion de paix et ultranationalisme

Sylia Bouabdellah
7 Novembre 2014


La Birmanie est un état indépendant depuis 1948 mais a été sous contrôle militaire pendant plusieurs années. En 2010 ont eu lieu les premières élections législatives depuis une vingtaine d’années. Le président Thein Sein a multiplié les réformes vers la démocratie, comme relâcher des opposants politique. L’Occident a alors levé la plupart de ses sanctions. Mais la récente montée de libertés en Birmanie encouragée par l’Occident reste marquée par un ultra-nationalisme très ancré.


Crédit Soe Zeya Tun/Reuters
Cette année se prépare la seconde élection législative du siècle. La prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, espère être élue présidente. Les élections de 2015 s’annoncent être les plus libres que le pays ait connu. Pourtant, la candidature de Suu Kyi est mise à mal. En effet, la Constitution birmane actuelle dispose qu’un Birman marié à un étranger ou ayant des enfants étrangers se voit interdire l’accès à la présidence. Aung San Suu Kyi était mariée à un Britannique maintenant décédé et a eu des enfants avec ce dernier. Des demandes de modifications de la Constitution sont en cours mais rien n’est moins sûr. La révision doit être acceptée par 75% du Parlement.

Une volonté d'éradication de la population musulmane

Les étrangers sont, en Birmanie, source de conflits internes importants. L’Etat compte plus d’une centaine de sous-groupes de population issus d’une dizaine d’ethnies. La plupart de ces groupes étaient en conflits violents avec le pouvoir. Mais en 2013 ont eu lieu des négociations pour un cessez-le-feu. 

Pourtant, les Rohingyas, le peuple le plus persécuté du monde selon l’ONU, n’est pas concerné par cette trêve. Les Rohingyas sont la minorité musulmane de Birmanie. Elle représente 4% de la population birmane. Dans les années 1990, les Rohingyas ont été poussés vers la frontière par l’armée. Celle-ci organisait des arrestations et des déplacements forcés. Les musulmans sont alors maintenant concentrés dans quelques villes de l’Etat de Rakhine. Apatrides depuis 1982, date à laquelle la Birmanie leur a ôté leur nationalité, les Rohingyas n’existent pas.

Ashin Wirathu, le leader du groupe 969, une organisation bouddhiste engagée contre les musulmans, considère les Rohingyas comme « une menace pour l’identité birmane et la morale bouddhiste »

Il qualifie l’islam de « religion de voleurs ». Des tracts et des CD anti-musulmans sont distribués dans tout le pays. Human Rights Watch dénonce « une campagne de nettoyage ethnique à l’encontre des musulmans depuis 2012 »

Phil Robertson, le directeur adjoint de la division Asie de Human Rights Watch a fait son rapport : « le gouvernement birman s’est livré à une campagne de nettoyage ethnique qui se poursuit à ce jour à travers le refus de l’accès à l’aide humanitaire et l’imposition de restrictions à leur liberté de circuler ».
Crédit Reuters

Le poids de l'information et les problèmes de la désinformation en Occident

Selon la journaliste Sophie Ansel, l’Occident a un véritable rôle à jouer. Les organisations comme Human Rights Watch ou AVAAZ sont d’ailleurs très investies. Elles relatent les faits, les couvres-feu imposés aux Rohingyas, et le refus de l’armée de les laisser accéder à l’aide alimentaire. 

L’AVAAZ dénonce « des facteurs avant coureurs de génocides » avec « en 2012 plus de 200 personnes tuées et plus de 140 000 personnes déplacées ». Obama a fait un discours sur les conditions des musulmans en Birmanie, malheureusement, des dizaines de maisons de Rohingyas ont été brûlées en réponse.

Le président Thein Sein estime que la solution est de la expulser vers « n’importe quel pays tiers qui les accepterait ». Mais les arrivées massives de Rohingyas exacerbent les pays voisins qui ferment leurs frontières. Seule la Malaisie semble enclin à les aider mais le pays est difficile d’accès. Human Rights Watch demande que la Birmanie accepte « une enquête d’une commission internationale indépendante sur les crimes contre l’humanité dans l’Etat d’Arakan ».