Bichkek, une incroyable course-poursuite fait scandale

La rédaction de FranceKoul
8 Septembre 2013


Une courte vidéo fait le tour des réseaux sociaux kirghizes (à visionner en bas de l'article). Dessus, l'on y voit une course-poursuite dans les rues de Bichkek entre un 4x4 Lexus blanc et une voiture de police. S'en suivra un incroyable jeu de bluff entre une jeune femme et les forces de l'ordre, le tout dans un climat de sentiment de corruption et d'impunité généralisées. Récit.


Credit Photo -- rus.azattyk.org
La jeune femme qui se trouve au volant du premier véhicule refuse d'abord d'obéir aux agents de la police routière qui lui ordonnent de s'arrêter, et les esquive jusqu'à son arrivée à son lieu de travail, violant le Code de la route à maintes reprises. À l'arrivée, elle sort de la voiture et refuse d'abord de parler aux agents de police. Après qu'ils aient noté son numéro de plaque d'immatriculation, elle les menace d'appeler Mélis [Turganbayev, le chef de police de Bichkek], qui se chargerait de prévenir Abdul Suranchiev, le ministre de l'Intérieur. Ils lui rendent la note avec le numéro et quittent les lieux.

Alors que les faits ont eu lieu le 9 juillet dernier, le document vient d'apparaître sur le net et ne manque pas de provoquer un scandale au sein de la police kirghize. En effet, il s'est avéré que la jeune femme, identifiée comme Nazyk Chodronova, une employée de la banque RSK et vice miss Communauté des États indépendants (CEI) 1999, selon les informations de Knews, n'a en réalité aucun lien avec les hommes qu'elle mentionne. Le ministère de l'Intérieur a démenti tout lien, ainsi que Nazyk Chodronova elle-même. Dans une interview à Kloop.kg, elle affirme que : « Pour être honnête, Suranchiev et [Mélis] Turganbayev ne sont personne pour moi. Je voulais juste faire peur à la police routière ». Elle ajoute qu'elle avait initialement été arrêtée pour ne pas avoir porté la ceinture de sécurité, mais que les agents de police se sont ensuite démesurément acharnés sur elle. Elle ne s'estime pas coupable de quoi que ce soit.

La vidéo a été prise par des journalistes d'une chaine nationale qui circulaient alors avec les policiers. D'après le DPS (la police routière), cité par 24kg, les policiers en question se sont comportés correctement lors de la poursuite, et ont bien noté le numéro de plaque d'immatriculation après avoir immobilisé le véhicule. Mais ce numéro n'a pas été communiqué dans un rapport au centre de la DPS comme cela aurait dû être le cas, suite à un ordre du chef de brigade, dont le nom n'a pas été rendu public. Il est ajouté qu'aucune pression n'a été exercée sur la brigade en question de la part de la direction d'aucune administration publique. À présent, une enquête interne à la police a lieu pour déterminer la responsabilité des agents de la police routière concernés, et des poursuites contre Chodronova sont également envisagées.

Cet incident est bien un des signes du dynamisme croissant des réseaux sociaux au Kirghizstan. En deux jours, la vidéo a fait le tour de tous les principaux sites d'information kirghizes. Sur Facebook, elle est partagée plus de 350 fois sous le titre de « Nazyk Chodronova, pardonnez, mais vous êtes une IMBÉCILE!! ». Les commentaires sur les sites d'informations tournent autour de la banalité qu'a une telle histoire et la dénonciation du comportement grossier de la jeune femme, notamment sa dangereuse fuite. Par exemple, on peut noter la remarque de Bektour Iskender, un des fondateurs de Kloop.kg : « Une incroyable course-poursuite à travers les rues de Bichkek. Une fille d'une arrogance incroyable au volant d'une Lexus. (Et des agents de police routière avec une très bonne caméra.) ».

Par ailleurs, ce fait est aussi emblématique pour un certain sentiment d'impunité ressenti par certaines couches sociales, ainsi que pour le poids que peuvent avoir de bonnes relations, même simulées. En effet, des réseaux de pouvoir assez obscurs et lourds au Kirghizstan permettent ce type de bluff. Cela explique également le comportement des policiers, qui risquaient des sanctions si la jeune femme avait vraiment été protégée par qui elle prétendait l'être. En ce sens, ce fait individuel est aussi un indicateur de la corruption qui règne dans les sphères de pouvoir.