Crédit Elvire Charbonnel
Vingt-quatre heures de car en direction du Nord et voilà le Chili traversé dans sa moitié. Des paysages secs, des déserts orangés, la chaleur, une ville en bord de mer. C’est tout ce que nous voyons avant d’arriver à limite du Chili et de la Bolivie. Nous voilà à San Pedro de Atacama, petit village sec lui aussi, et aux maisons basses, étroites. Des habitants au physique bien plus typé : alors que ceux du Sud paraissaient plus européens, ceux-là sont plus petits, plus mats, leurs cheveux sont longs et noirs, leurs vêtements plus abîmés. Là où nous dépose le car, les habitants sont peu nombreux et peu bavards. On se croirait dans un de ces pseudo-villages de western américain.
Pourtant, le cœur de la ville n’a rien à voir : préservé mais entretenu de manière à accueillir les touristes, il n’est composé que de petites maisons blanches parfaitement carrées, parfaitement alignées. Chaque maison est soit un petit hôtel, un restaurant, un supermarché, une boutique de souvenirs ou une agence de voyages. Très vite, on s’aperçoit donc que la ville ne vit que par et pour les touristes. En effet, c’est le point de passage obligatoire pour traverser le fameux désert d’Atacama et se rendre de l’autre côté, en Bolivie. Ici, tout est donc très cher. Nous avons décidé d’aller dans le désert d’Atacama. Celui-ci s’étend sur 105 000 km², longe la Cordillère des Andes et est essentiellement composé de volcans culminant jusqu’à 6000 mètres d’altitude. Secs et arides, les paysages sont pourtant incroyablement variés et nos yeux ne savent plus où se tourner.
Commençons par la Laguna Sajar : imaginez des lacs d’eau bleu turquoise, au milieu de volcans et d’étendues de sable blanc brûlant et sur lequel il est impossible de marcher pieds nus. Ne reste plus qu’à mettre le maillot de bain et à plonger dans les lacs chauds, qui ô surprise, sont saturés en sel ! Pas besoin de savoir nager, on y flotte parfaitement. En sortant, il est indispensable de se rincer à l’eau douce, car le sel forme immédiatement une seconde couche de peau, de la même manière qu’il recouvre d’ailleurs le sable par terre. Une immense bassine d’eau froide nous attend à la sortie, et ce sont des bidons plongés dedans qui nous permettent de nous rincer.
Crédit Elvire Charbonnel
En fin de journée, une marche au cœur de la Valle de la Luna s’impose : là, le sable est jaune-orangé et l’on doit escalader de grandes dunes pour monter jusqu’au point culminant et contempler le coucher de soleil. C’est le genre de paysage que l’on associe au désert du Sahara : l’image « classique » des déserts de sable, celle que l’on peut par exemple apercevoir dans les aventures de Tintin dans Le Crabe aux Pinces d’Or. En un instant, le soleil se couche, le froid se fait brutalement sentir : la lune vient éclairer la vallée, et c’est alors que l’on comprend l’origine de son nom.
Crédit Elvire Charbonnel
Le lendemain commence un trek en 4x4. A six, accompagné de notre chauffeur-guide-photographe-DJ-cuisinier bolivien, nous partons pour trois jours en expédition dans le désert d’Atacama. Le but est de remonter jusqu’au désert de sel d’Uyuni, en roulant la journée à toute allure au milieu de paysages interminables, tantôt lunaires, volcaniques, ou marins, et en nous arrêtant pour dormir dans des refuges semblant parfois abandonnés. Au fil des jours, nous voyons défiler le Desierto Dali, envahi de pierres volcaniques aux formes surréalistes ; la Laguna Verde, au bas du volcan Licancabur et dont les eaux bleues et blanches contiennent de l’arsenic et du cuivre ; la sublime Laguna Colorada de 60 km² où le rouge foudroyant des pigments d’algues microscopiques se mélange au rose des innombrables flamants roses, au blanc de la neige des sommets montagneux et au bleu turquoise du centre du lac ; les Geysers Sol de Mañana, puissants et bien trop odorants ; les Aguas Termales de Palques où l’on peut se baigner dans une eau atteignant les 35 degrés même en plein hiver ; le Cementerio de los Trenes qui regroupe en plein air une véritable collection de vieilles locomotives datant du XVIIème siècle, et la faune que l’on côtoie toute la journée, composée des fameux lamas, de vacunas (semblables à de petites antilopes), de lapins aux corps étranges, de grands oiseaux colorés, et de très nombreux flamants roses.
Crédit Elvire Charbonnel
La course prend fin au beau milieu du Salar d’Uyuni, situé au sud-ouest de la Bolivie. A 3670 mètres d’altitude, cette étendue blanche de 12 000 km² constitue le plus vaste désert de sel au monde. Sous une couche de sel de 40 mètres se trouvent les plus grandes réserves de lithium de la planète, et la quantité de sel s’estime à soixante milliards de tonnes. La vue est déroutante : au loin, l’infini est invisible, car la limite de l’horizon se confond avec le blanc du sel, les reflets de l’eau, et les nuages. Les effets de perspectives n’existent plus eux non plus. Pendant quelques instants, c’est dans un monde féérique que nous vivons, et après cette aventure de plusieurs jours, le retour à la réalité n'en est que plus difficile.