Angleterre : boire ou ne pas boire, telle est la question…

9 Juin 2013


Le Royaume-Uni et sa culture de l’alcool sont bien connus. Les sujets de la Reine Elizabeth II restent fidèles à leurs vices. C'est pourquoi Westminster va examiner un projet de loi pour imposer un prix plus élevé par unité d’alcool, et pour commercialiser les cigarettes seulement par paquet.



Les stéréotypes existent pour chaque pays, pour chaque nation : les Français ne se lavent pas, les Roumains volent tout ce qu’ils peuvent, les Chinois sont les plus intelligents, les Japonais bossent le plus et les Britanniques boivent. Idée préconçue ou non, l’alcool au Royaume-Uni reste un aspect assez important de son Histoire. Le « binge drinking », comme les Anglais aiment appeler leur plus chère habitude, est une expression familière qui fait référence à l’équivalent français du syntagme « défonce par l’alcool ». D’habitude, une telle session de « binge drinking » est précédée par des « prinks » ou « pre-drinks » : plus simplement, les jeunes Anglais aiment se retrouver chez eux pour consommer énormément d’alcool avant de sortir en boîte de nuit.

Même si le sujet de la consommation d’alcool est un domaine « tabou », on peut dire que les Anglais sont un cas à part : ils en boivent trop, ils sont conscients de la situation, mais ne s’en soucient pas. Beaucoup d’entre eux reconnaissent avoir été en état d’ivresse pour la première fois bien avant l’âge de 14 ans.

Westminster réagit

Parmi les projets de loi proposés par le Cabinet de la Reine, il y a aussi un « bill » qui prend en compte le problème de l’alcool. Les membres du Parlement de Westminster cherchent à voter une loi qui va imposer un prix minimum par unité d’alcool, « Minumun Unit Pricing », et obliger les commerçants à vendre les cigarettes seulement en paquet, non plus à l'unité comme il est coutume. Ça implique, bien évidemment, une augmentation du prix de l’alcool, ce changement ayant pour but de convaincre les gens à moins en consommer.

L’idée a récemment fait son chemin dans l'esprit des élus, car une telle loi a déjà été votée en Écosse. Même si les grandes sociétés d’alcool ont contesté ce projet de loi, le Parlement d’Edimbourg ne s’est pas arrêté devant les oppositions et une décision encourageante a été prise : un prix minimum d’environ 50 pence par unité d’alcool doit être imposé jusqu’au mois d’octobre 2014. Les membres du Parlement écossais espèrent qu’une telle décision changera le rapport des Écossais à l’alcool.

Du côté de Londres, David Cameron ne semble pas être enclin à respecter ses promesses de mars 2012. Un projet de loi similaire est resté en attente à Westminster, sous la pression des deux plus importants représentants de l’industrie de l’alcool britannique : la « Scottish Whisky Association » (SWA) et « The Wine and Spirit Trade Association » (WSTA). Les deux compagnies ne cessent de lancer des campagnes pour motiver « les consommateurs responsables » à réagir contre cette proposition de loi. Si la loi est finalement votée et mise en application, l’industrie de l’alcool risque de perdre beaucoup d’argent...

Sur la question, les avis divergent, l'opinion publique est partagée. D’un côté, il y a les représentants de la santé, du « National Heath Service », qui militent pour l’adoption de cette loi. Ils pensent que c’est l'occasion de changer le comportement des (gros) buveurs anglais. De l’autre côté, on retrouve les jeunes, les gros consommateurs, qui ne voient pas dans cette proposition une bonne nouvelle. Si le prix par unité est imposé à 50 pence, ça veut dire que le prix d’une bouteille de whisky va s'élever à 13, voire 14 livres (approximative 16 euros). « Continuer ou ne pas continuer à boire : telle est la question … »


Et les jeunes britanniques ?

Quand on demande l'opinion des jeunes Anglais, dans la majorité des cas, ceux-ci exprime une ferme opposition à cette proposition. En pensant aux « consommateurs responsables », Edward, étudiant en Philosophie nous confie qu'il est « d’accord avec le plan du gouvernement pour [les] rendre plus conscients du danger de l’alcool, mais l’adoption d’une telle loi va affecter les gens qui ne boivent pas beaucoup d’alcool aussi ». « Les étudiants boivent le plus, c’est sûr. Et on est le pays qui pratique le "binge-drinking" le plus, mais la loi du prix minimum par unité me semble une "solution" trop radicale ». En même temps, John, un autre étudiant anglais, pense que cette loi est un problème mineur par rapport à des situations bien plus préoccupantes à travers le monde. Il est aussi conscient du fait que, pour les Anglais, boire beaucoup d’alcool est vu comme quelque chose de normal, car c’est devenu un moyen de s’intégrer.

Ben, étudiant anglais en Erasmus à l’Université Lumière Lyon 2, croit en l’utilité de cette loi. En même temps, il reste convaincu que l’augmentation du prix de l’alcool ne va pas convaincre les jeunes d’arrêter d’en acheter ou d’en consommer. Au contraire, ce sont justement les « consommateurs responsables » qui ne vont pas être prêts à payer plus. Ben va plus loin et, en rigolant sur le fait que les Anglais boivent trop pour oublier le mauvais temps qu’il fait toujours en Angleterre, il attire l’attention sur une réalité bien plus inquiétante : si le gouvernement accorde tant d’importance au problème de l’alcool, il distrait l'attention des Britanniques vis-à-vis des gigantesques réductions de budget, des coupes qu’ils ont faites notamment auprès de la classe ouvrière.

Rihanna, étudiante en Master LLCE Anglais, pense aussi que les jeunes ne seront pas facilement arrêtés par cette loi : « Aujourd’hui, peu de gens travaillent dans le domaine qu’ils aiment. Tout le monde vit pour le weekend, le seul moment où ils peuvent oublier de tout ce que ne leur plaît pas dans leur vie. Et l’alcool est la meilleure solution pour faire ça ».

Lizzie, une étudiante roumaine en Droit, a été assez choquée par le rapport des Anglais à l’alcool : « En Angleterre, tout le monde sait que la première année de fac est pour se divertir et pour se faire des amis, parce que la plupart des universités anglaises ne tiennent pas compte des résultats obtenus pendant cette période-ci. De plus, ce sont aussi les associations étudiantes qui encouragent cette idée pendant la période d’intégration. J’ai fait plus de soirées que dans toutes mes années de lycée. Et je suis quelqu’un qui adore sortir. Les étudiants sont encouragés à consommer beaucoup d’alcool grâce aux prix accessibles. A mon avis, c’est le prix de l’alcool qui joue un rôle assez important dans ce débat, pas forcément le rapport des Anglais à leur habitude de boire. »

Même avec des opinions divergentes, l’idée principale reste toujours la même : les jeunes Anglais ne vont pas arrêter de boire des quantités « industrielles » d’alcool bientôt. Le problème devient plus grave quand on regarde les chiffres de mortalité du fait de l’excès d’alcool : chaque année, entre 5 000 et 10 000 personnes perdent la vie à cause de comportements irresponsables. Un verre c'est bien, mais c’est la question d’être modéré qui intéresse Westminster. Le débat peut continuer et ne jamais s’arrêter. Mais pour faire ça, on vous invite allez boire un verre ensemble !



Jeune fille née sur les terres de Dracula, originaire de Roumanie et venue à Lyon pour vivre la… En savoir plus sur cet auteur