Andry Rajoelina, président-candidat

Jean Baptiste Auduc, correspondant à Madagascar
20 Mai 2013


Après 4 années passées au pouvoir, le bilan d’Andry Rajoelina est loin d’être positif. La gestion des affaires courantes du pays lui a été confiée. Et c’est peu dire si les Malgaches ont été déçus de leur « homme providentiel », un temps adulé.


Crédit photo -- ANP
« Il y a 3 ans, j'étais dans un village au fin fond du grand sud. Il y avait une antenne régionale de lutte antiacridienne (NDLR Sauterelles et criquets). Pour plusieurs centaines de kilomètres à couvrir, il y avait un gars, un 4X4 et une petite maison. Le responsable est parti, car il n'y avait pas de financements. », raconte Radavy, un voyageur malgache.
Il y a 3 ans, Andry Rajoelina est déjà président. Et l’invasion de criquets commence à prendre de l’ampleur. Aujourd’hui comme hier, face au fléau, les habitants n’ont pas le choix. « C'est leur quotidien et leur menu » continue Radavy. « Dans le grand sud, on attrape ce qu'on peut avec des filets. Et on les mange ». Les criquets mangent le manioc et les patates douces, les hommes mangent les criquets. Un bouleversement de la chaine alimentaire à grande échelle. Qui traduit plus le désespoir qu’un quelconque lien avec le récent rapport de la FAO.

L’impéritie des forces de l’ordre

Et le sud n’en finit pas d’être damné. Depuis près d’un an, il vit sous la menace des dahalos, des bandits de grand chemin. Or le pays est vaste, les routes mauvaises, le terrain escarpé, les forces de l’ordre en sous-nombres, mal équipées, et corrompues. « Ce qui se passe est simple, les gens ne font plus confiance aux gendarmes. Si on leur livre les malfaiteurs, il y a de grandes chances qu'ils soient remis en liberté, en échange de zébus » devine Radavy.
Alors les villageois réagissent. Ils organisent des « andrimasom-pokonolona », des milices d’autodéfense. Et chez ces milices, il y a des excès de zèle. Les forces de l’ordre en ont encouragé la création. Mais ils veulent que les prisonniers leur soient remis. Les fokonolona, paysans malgaches, en font peu cas, et les corps des bandits lynchés s’entassent.

Les élections libres ?

Le président de Transition néglige le sud. Mais il est vrai qu’il a - chapeauté par la SADC, l’UE ou l’ONU, ainsi que par de multiples instances nationales - réussi à mettre en place des élections. Elles n’ont pas encore eu lieu. Elles sont pourtant déjà entachées d’irrégularités. Les dernières frasques du « groupe des 3 R » - Ratsiraka, Ravalomanana et Rajoelina - l’attestent. Radavy est un des grands déçus de 2009. Il avait soutenu Rajoelina lors de son accession brutale au pouvoir. Pour être affligé de désillusions 4 ans plus tard, « Celui qui dit tout aujourd'hui et contredit tout demain », juge-t-il sévèrement.
Tout n’est cependant pas prêt pour une campagne électorale propre. Passons sur les irrégularités. Et sur les particularités malgaches. Comme ces bulletins de vote unique : 40 candidats sur un bout de papier de 1 mètre. « [Les gens] ne vont pas se casser la tête avec de tels bulletins, surtout s’ils ne savent pas lire » morigène Radavy.
Désormais, Rajoelina se présente. Une instance doit prendre la place du président de Transition. Un triumvirat composé du Premier ministre, du président du Conseil supérieur de la transition (CST) et du président du Congrès de la transition doit s’occuper du pays. Décisions, signatures, le consensus sera nécessaire.

« Nous référer à ces textes afin de les respecter »

Encore faudrait-il qu’Andry Rajoelina se conforme à son nouveau statut. En tant que candidat, il doit démissionner de la présidence. Pour le moment, il demeure président et candidat. Il explique à la presse que « la question est stipulée dans les textes et lois en vigueur du pays. Ainsi, nous allons nous référer à ces textes afin de les respecter ». Et de continuer « puisque nous avons choisi la Feuille de route, tout le monde, aussi bien les Malgaches que la Communauté internationale devraient s’y conformer ». Mais il y a paroles et actes. Visiblement, les seconds contredisent les premiers.
Car une surprenante ordonnance a été soumise en conseil des ministres du mardi 14 mai 2013. Le ministre de l’Intérieur Florent Rakotoarisoa, un proche de Rajoelina, l’a présenté. Dans son article 6, le texte prévoit qu’après sa démission, le président de la Transition « conserve les droits et avantages inhérents à ses fonctions jusqu’à l’investiture du nouveau président de la République ». Plusieurs ministres ont refusé de traiter cette ordonnance. La loi oblige Andry Rajoelina à démissionner 60 jours avant les élections. Rendez-vous le 26 mai.