Ai Weiwei s’expose à Berlin

3 Mai 2014


L’artiste chinois Ai Weiwei s’expose pour trois mois au Martin-Gropius-Bau à Berlin dans une des plus grandes expositions qui lui est dédiée. Nommée “Evidence” (en français “la preuve”), elle souhaite dénoncer les oppressions d’un régime dépassé par la portée des oeuvres de l’artiste.


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Ai Weiwei est avant tout un artiste et un architecte mais il est aussi homme politique malgré lui. Il est un des artistes majeurs de la scène chinoise. Né en 1957 à Pékin, il est le fils du poète Ai Qing, qui fut a son époque déclaré “ennemi du peuple” et envoyé avec sa femme en camp de travail. Ai Weiwei y vivra jusqu’à ses 17 ans. A la fin de l'année 1978, il intègre l’université de cinéma de Pékin. Il fonde un groupe d’artistes nommé “Les Etoiles” qui lui permettra d’exposer dans les années 80. Il se rend par la suite aux Etats-Unis où il étudiera. Se détournant rapidement de son cursus pour faire des petits boulots, il s’impliquera alors dans la communauté d’artistes chinois présente à New York. Lors des événements de la place Tian’anmen en 1989, il entreprend une grève de la faim de huit jours. Il retourne en Chine alors que son père est souffrant. 

Dès le début des années 2000, son art devient plus subversif : en profond désaccord avec le régime chinois, il dénonce, notamment lors de son exposition “Fuck Off”, la réalité d’une Chine à deux vitesses : à la fois en totale rupture avec l’histoire et tournée vers la modernité, et celle laissée pour compte. Son studio FAKE design, d’où sortent ses oeuvres, est fondé en 2003, il est alors exposé dans le monde entier. Il profite de sa célébrité pour exprimer ses critiques du régime sur différents blogs et sur Twitter. En 2011, il est interpellé par la police chinoise alors qu’il souhaite se rendre à Taipei. Son studio et sa résidence sont perquisitionnés et ses ordinateurs sont confisqués.  

Il est retenu pendant quatre-vingts-un jours dans un lieu tenu secret, accusé de fraude fiscale, il est assigné à résidence où il est surveillé 24 heures sur 24. Sa liberté d’expression s’en voit fortement réduite mais paradoxalement, la Chine autorise ses oeuvres à sortir du pays et à s’exposer. Sa popularité en Chine est pourtant immense, lors de ses démêlés avec la justice, il reçoit plus d’1 million de dollars de dons de la part de chinois ralliés à sa cause. 
 

L’exposition “Evidence” de Berlin

“Evidence”, est le nom de l’exposition qui a lieu jusqu’au 7 juillet au Martin-Gropius-Bau, l’une des plus grande consacrée à l’artiste avec plus de 30 oeuvres réparties sur 3000 mètres carrés. C’est donc une preuve que nous présente Ai Weiwei qui, avec l’aide du directeur du Martin-Gropius-Bau, Gereon Sievernich, a fait acheminer toutes ses oeuvres depuis la Chine à Berlin. La preuve du paradoxe chinois : l’artiste utilise ses créations à des fins politiques et subversives pour documenter les travers du régime. De la première installation “Stools”, composée de 6000 tabourets mettant en évidence cette tension entre la tradition et la modernisation effrénée qui déchire le pays, à “81”, une réplique de la cellule dans laquelle il fut retenu pendant 81 jours, Ai Weiwei, privé de sortie du pays, nous parle. 

Son art conceptuel évoque les questions historiques et les défauts d’une Chine qui oppresse ou qui se voit accusée après le tremblement de terre dévastateur du Sichuan en 2008, d’avoir mal construit des centaines d’écoles. Le gouvernement provincial achetant le silence des parents et les empêchant de manifester. La catastrophe fera 70 000 morts dont 5 335 écoliers. Une des oeuvres, simple liste de 4851 prénoms défilant sur un écran noir leur rend ainsi hommage.

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Cette exposition traduit l’incompréhension du régime chinois face à l’art de l’homme mais peut-être aussi face à l’Art lui-même. Elle interdit à son auteur de quitter le pays mais laisse ses oeuvres dénonciatrices s’exposer dans le monde entier. Son art remplit pourtant ici une de ses fonctions premières : la critique. Comment la Chine, qui veut réduire la liberté d’expression de l’artiste, peut-elle laisser s’exposer son travail ? Cela relève du mystère. Ai Weiwei se veut ainsi porte-parole de sa propre condition d’artiste opprimé mais aussi des Chinois les plus laissés pour compte dans un travail complet regroupant vidéos, photographies et installations de tout genre et de toutes formes. 

Le film-documentaire “The Fake Case”

L’exposition vaut comme introduction au film documentaire qui sortira début mai, “The Fake Case” (en français : “La Fausse Affaire”) qui tient son nom de l’accusation d’évasion fiscale que le gouvernement a utilisé pour l’assigner à résidence. On y découvre une autre facette que celle de l’artiste opprimé : celle du père d’un jeune garçon. Une équipe danoise l’a suivi dans son quotidien pour pouvoir mieux comprendre comment était sa vie après sa détention, constamment suivi et filmé par dix-huit caméras à toute heure du jour et de la nuit. 


Exposition “Evidence” au Martin-Gropius-Bau à Berlin, jusqu’au 7 juillet 2014. 
“The Fake Case” de Andreas Johnsen, sortie en Allemagne le 8 mai. Pas de date de sortie française. 



Etudiant à Sciences Po Paris, j'ai écrit sur l'Autriche, l'Italie et d'autres sujets qui me… En savoir plus sur cet auteur