Crédit My Fair London
Si l'économie londonienne s'en sort mieux que le reste du pays, cela dissimule que le taux de pauvreté de Londres est le plus élevé » déclare Bahrat Mehta, Directeur général de la fondation Trust for London. Selon le London's Poverty Profile, une étude publiée fin 2013, 28% de la population londonienne vit en dessous du seuil de pauvreté. En d'autres termes, 2,1 millions de personnes disposent d'un revenu inférieur à 60% du revenu moyen en Grande-Bretagne. La pauvreté ne touche pas l'ensemble de la population. Ce sont les femmes, les employés à temps partiel et les travailleurs les plus âgés qui en souffrent. Des catégories dont la situation était déjà précaire. Les principaux secteurs concernés sont ceux de la vente, de l'entretien, de l’hôtellerie et de la restauration. On constate une baisse de salaire de 23,7% pour les 10% les plus pauvres de Londres. Alors que les loyers augmentent et que les allocations diminuent, ces inégalités ont des conséquences sur la répartition physique de la pauvreté à Londres.
Une géographie de la pauvreté
En avril 2013, le gouvernement mettait en place la Bedroom Tax, une réduction des allocations pour les occupants de logements comptant une ou plusieurs chambres libres. Prévue pour libérer de l'espace en encourageant les bénéficiaires d'allocations à habiter un logement à leur taille, cette taxe est à l'origine d'une évolution dans la répartition des richesses à Londres. La ville se divise en deux parties : l'Inner London englobe les quartiers du centre de Londres et l'Outer London désigne ceux de sa périphérie. Les prix de l'immobilier de l'Inner London sont désormais inaccessibles. Aujourd'hui, le loyer moyen d'un foyer de l'Inner London s'élève à 1300 livres par mois, contre 950 livres dans l'Outer London et seulement 475 livres dans le reste de l'Angleterre. En résulte un exode des familles les plus pauvres vers l'Outer London. En parallèle, les Londoniens les plus riches s'installent dans l'Inner London, à présent beaucoup plus attractif pour les populations aisées. Hannah Aldrige, co-auteure du London's Poverty Profile, commente : « Le Londres que la plupart des gens voient – le West End, Westminster, la City- n'a jamais été aussi riche. Le Londres qu'ils ne voient pas n'a jamais été aussi pauvre. »
Au-delà de la hausse des prix du logement, ce sont les différences de salaires qui désavantagent les populations des classes moyennes et populaires. Le parti vert de l'Angleterre et du Pays de Galles propose la mise en place d'un salaire de base pour réduire les inégalités. Les élections générales de mai 2015 approchent et le revenu de base est au centre du discours de Natalie Bennett, à la tête du parti. « Ce que le revenu de base apporte est un sentiment de sécurité » a-t-elle déclaré à la BBC1 en janvier dernier. La situation en Angleterre est telle que le salaire minimum est inférieur au salaire décent et ne permet donc pas de répondre aux besoins nécessaires à la vie quotidienne d'un foyer. Selon Bennett, qui s'est exprimée lors d'un débat pour World Finance, l'insécurité est directement liée à la surconsommation et donc à l'épuisement des ressources. Créer un sentiment de sécurité contribuerait donc au bien-être social et à la protection de l'environnement.
Combattre les inégalités salariales pour réduire la pauvreté et sortir de la crise, c'est aussi ce que proposent les militants de la Fair Pay Fortnight, qui se tient en ce moment en Grande-Bretagne. Jusqu'au 1er mars, les syndicats organisent des événements visant à informer et à alerter l'opinion publique à l'échelle nationale sur le problème de l'inégalité des salaires. À l'échelle de la capitale, le groupe My Fair London met en place, dans la rue, un dispositif pour le moins inhabituel pour dénoncer d'importants écarts de salaires.
Un énorme point d'exclamation
Crédit My Fair London
« C'est un énorme point d'exclamation », a déclaré une passante devant l'abbaye de Westminster en mai 2013. Pour cause, le géant gonflable de 5 mètres de haut ne passe pas inaperçu. Mascotte du groupe My Fair London, cet homme d'affaires en plastique est un outil percutant qui illustre visuellement les inégalités salariales à Londres. La taille du géant correspond à la valeur du salaire d'un haut dirigeant d'une des FTSE100, les cent compagnies les plus importantes de la bourse de Londres, soit 4,5 millions de livres par an. En comparaison, une infirmière ne mesurerait que quelques centimètres de haut. Depuis cette première sortie, le géant est devenu l'emblème de cette organisation autogérée dans son combat contre la pauvreté. Réduire les inégalités est le meilleur moyen de sortir de la crise. C'est là leur argument principal.
The Spirit Level : why more equal societies almost always do better de Richard Wilkinson et Kate Pickett, a inspiré les membres du groupe. Paru en 2009, cet ouvrage explique en quoi les sociétés où les inégalités sont réduites s'en sortent mieux, quand bien même elles auraient des chiffres moyens inférieurs à ceux d'une société plus riche en termes de revenus. Il serait donc plus profitable à Londres de réduire le fossé entre les salaires, quitte à produire moins de richesses. L'auteur Richard Wilkinson démontre d'ailleurs lors de sa conférence TED en juillet 2011 que la richesse d'un pays n'est pas nécessairement proportionnelle à la qualité de vie, en ce qui concerne l'espérance de vie, l'éducation et la criminalité.
Autant de facteurs sur lesquels l'inégalité sociale a toutefois une influence indéniable : elle créé l'insécurité et tend à exacerber la violence. Comme le disait en 2013 le militant de My Fair London, Sean Baines, lors du London Z-DAY, événement annuel organisé par la Zeitgeist Society pour une transition vers un modèle économique mondial plus durable : « Dans les pays développés, plus il y a d'inégalités, plus il y a de problèmes sanitaires et sociaux. »
Crédit The Spirit Level: Why Equality is Better for Everyone
Si le système capitaliste a permis à nos sociétés occidentales de prospérer tout au long du siècle dernier, My Fair London le considère comme obsolète à l'aube d'une ère où les inégalités relatives sont toutes aussi inquiétantes que la pauvreté absolue.