Crédit Muriel Epailly
Reporters Sans Frontières publie depuis 2002 un recensement des pays selon plusieurs critères. Ce classement est révélateur des conditions de vie des journalistes et de l’accessibilité de l’information dans les pays concernés. Pour cette édition 2014, 180 pays étaient recensés. En tête du classement avec très peu d’obstacles à la diffusion de la presse figurent la Finlande, les Pays-Bas et la Norvège. L’Érythrée, la Corée du Nord et le Turkménistan sont en revanche des trous noirs en terme d’information et un enfer pour les journalistes qui y vivent, ils occupent les dernières places du classement.
La France se place en 39ème position, devant les Etats Unis qui sont 46ème. La situation des deux pays s’est dégradée, la France a perdu 28 places depuis la création du classement et les Etats Unis 29 places. Les différents critères d’évaluation donnent lieu à un score pour chaque pays. Ils comprennent le pluralisme, l’indépendance vis-à-vis des différents pouvoirs, le cadre légal, les infrastructures, la transparence et le climat général dans lequel s’exerce la profession c’est-à-dire les violences dont peuvent être victimes les journalistes.
Un monde instable dangereux pour les journalistes
On constate une dégradation mondiale de la liberté de la presse avec l’indice annuel qui a augmenté. Informer et être informé est plus difficile aujourd’hui qu’en 2013. Cette année a été moins meurtrière que la précédente mais les journalistes ont été plus vulnérables aux menaces et aux agressions. La dégradation s’explique en premier lieu par le nombre important de conflits armés, dans lesquels les journalistes sont trop souvent pris pour cibles. On évoquera le conflit syrien qui a conduit à faire chuter le pays à la 177ème place. Le Liban voisin, impliqué dans le conflit ainsi que des pays instables tels le Mali, la Centrafrique, le Congo, la Somalie et le Nigeria sont tout aussi mal placés.
L’insécurité liée à la présence de groupes infra-étatiques dans certaines régions est la seconde cause de cette dégradation. La présence de milices, de groupes djihadistes, de mafias qui ont parfois des liens étroits avec le pouvoir en place sont autant d’obstacles à la liberté de la presse. L’Amérique du Sud, l’Afrique du Nord et le Moyen Orient sont ainsi des régions dangereuses pour les professionnels de l’information, elles ont les indices les plus élevés. La montée de la crise économique et des partis populistes en Europe comme c’est le cas en Grèce ou en Hongrie ont été l’occasion de crimes contre les journalistes et de restriction de la liberté de la presse. Le parti néonazi Aube Dorée a ainsi commis plusieurs exactions contre les journalistes.
La restriction d’informations au profit de la sécurité nationale
Les analystes remarquent une nouvelle tendance qui explique la chute dans le classement de démocraties riches comme la France ou les Etats Unis. Ces pays ont tendance à privilégier leur sécurité nationale au détriment de la liberté de la presse. On constate que la situation en France s’est dégradée depuis l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007, le Président contrôlait plus ou moins activement les publications grâce à ses proches propriétaires de médias. Les Etats Unis aussi ont tendance à ignorer ponctuellement leur premier amendement depuis les attentats du 11 septembre 2001. Des évènements récents comme la condamnation du soldat Bradley Manning ou l’affaire d’espionnage Edward Snowden sont autant de preuves de lutte contre la diffusion d’informations sensibles.
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Le Royaume-Uni au nom de la guerre contre le terrorisme et le Japon, qui maintient une loi sur le secret d’Etat, sont adeptes de ce type de mesures. La France pourrait prendre des mesures restrictives en terme de diffusion d’informations puisque cette année a été particulièrement dramatique avec des actes terroristes comme la fusillade au siège de Libération et la tentative à BFM TV.
Quelques rares progrès à travers le monde
Des efforts sont à souligner puisque certains pays parviennent à obtenir une meilleure place en progressant dans le classement 2014 de Reporters Sans Frontières. Le Panama, la République dominicaine, la Bolivie et l’Equateur ont ainsi vu une diminution de la censure et des violences à l’encontre des journalistes. Des cas particuliers sont à évoquer comme l’Afrique du Sud qui a refusé de signer une loi liberticide pour les médias, la Géorgie où les élections se sont bien passées pour les journalistes contrairement aux années précédentes et le Timor Leste où un code déontologique et un Conseil de la presse ont été crées. La situation de la presse en Israël est contradictoire puisque la censure est toujours pratiquée mais l’année a été moins tragique pour les journalistes.
71 journalistes ont pourtant été tués en 2013 et beaucoup sont encore retenus en otage. Cette journée a aussi été crée en leur hommage, pour la défense de l’exercice de leur profession et pour qu’ils ne soient pas oubliés.