Le 6 février, au large de Ceuta, 12 migrants perdent la vie en tentant de passer du Maroc à l'Espagne. Aussitôt, la Guardia Civil espagnole est pointée du doigt en raison des violences perpétrées envers les migrants. Pourtant, est-ce bien de ce côté du détroit de Gibraltar que ces derniers sont les plus exposés ? Pas sûr, à en juger par les rapports d'ONG et témoignages de migrants.
Le Maroc, passant d'un statut de pays d'émigration à celui de passage migratoire, a en effet conduit ces dernières années une politique migratoire stricte pour les entrées clandestines sur le territoire. Human Rights Watch a relayé avec une voix plus forte le constat déjà dressé par les ONG locales, recensant de nombreux cas dans lesquels « des membres de la police marocaine ont frappé ces migrants, les ont privés de leurs quelques possessions, ont brûlé leurs abris et les ont expulsés du pays sans procédure régulière ». Près de deux tiers des migrants interrogés ont déclaré être victimes d'une « traque » : la police marocaine effectuerait des descentes régulières dans les camps de fortune et appréhenderait les individus de façon excessivement musclée et sans vérification de leur statut.
Les pratiques du pays font l'objet de critiques sévères de la communauté internationale, d'autant que les immigrés illégaux au Maroc n'ont pas toujours été renvoyés dans leurs pays d'origine : le Maroc s'est contenté durant plusieurs années de ramener les migrants de l'autre côté de sa frontière, le plus souvent dans le désert algérien.
En septembre dernier, l'espoir était pourtant permis. Le roi Mohammed VI a incité ses ministres de la Justice, de l'Intérieur et des Affaires étrangères à réformer la politique d'accueil des migrants sur le territoire marocain. Une première pour le pays qui, jusque-là, possédait peu de dispositifs pour la régularisation des clandestins. Parmi les mesures phares, la création d'un statut pour les demandeurs d'asile, ainsi que la reconnaissance du statut de réfugié politique tel que défini par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).
Depuis le 2 janvier, des bureaux des étrangers ont également été ouverts pour traiter les demandes de régularisation et délivrer des permis de travail aux migrants. Selon Mohammed Hassad, ministre de l'Intérieur, « au 15 février, nous avons déjà reçu 11 000 demandes de régularisation, le rythme est de 300 à 400 inscriptions par jour ». Les critiques internationales semblent porter leurs fruits : depuis septembre, la politique de refoulement aux frontières a muté pour prendre un tour plus intégrationniste.
Derrière cette ouverture des frontières, se cache néanmoins la persistance des failles dans le traitement des migrants : les réformes ont apporté une amélioration, mais pas de révolution dans la façon de gérer les entrées de plus en plus nombreuses sur le territoire. Le Maroc est pris entre deux feux. D'une part, le nombre de migrants sans-papiers ne cesse d'augmenter, notamment les demandeurs d'asile qui ont triplé en 2013 selon le HCR. De l'autre, le renforcement des polices aux frontières en Europe fait que davantage de migrants cherchant à entrer en Europe se retrouvent bloqués au Maroc durablement. Les tensions sociales sont en conséquence attisées par la hausse du nombre de subsahariens présents dans le pays, dans un contexte de chômage élevé.
Si le porte-parole du gouvernement Mustapha Khalfi insiste sur les progrès réalisés depuis septembre, toujours est-il que les infractions commises à l'encontre des droits des migrants semblent persister. Le rapport de Human Rights Watch rendu public il y a deux semaines montre que les obstacles sont nombreux pour accéder à la régularisation en dépit de la réforme migratoire. Les réfugiés et demandeurs d'asile seraient ainsi toujours exposés aux expulsions. Plusieurs migrants disposant de certificats d'asile délivrés par HCR confirment dans leurs témoignages avoir été tout de même reconduits à la frontière.
Le Maroc, passant d'un statut de pays d'émigration à celui de passage migratoire, a en effet conduit ces dernières années une politique migratoire stricte pour les entrées clandestines sur le territoire. Human Rights Watch a relayé avec une voix plus forte le constat déjà dressé par les ONG locales, recensant de nombreux cas dans lesquels « des membres de la police marocaine ont frappé ces migrants, les ont privés de leurs quelques possessions, ont brûlé leurs abris et les ont expulsés du pays sans procédure régulière ». Près de deux tiers des migrants interrogés ont déclaré être victimes d'une « traque » : la police marocaine effectuerait des descentes régulières dans les camps de fortune et appréhenderait les individus de façon excessivement musclée et sans vérification de leur statut.
Les pratiques du pays font l'objet de critiques sévères de la communauté internationale, d'autant que les immigrés illégaux au Maroc n'ont pas toujours été renvoyés dans leurs pays d'origine : le Maroc s'est contenté durant plusieurs années de ramener les migrants de l'autre côté de sa frontière, le plus souvent dans le désert algérien.
En septembre dernier, l'espoir était pourtant permis. Le roi Mohammed VI a incité ses ministres de la Justice, de l'Intérieur et des Affaires étrangères à réformer la politique d'accueil des migrants sur le territoire marocain. Une première pour le pays qui, jusque-là, possédait peu de dispositifs pour la régularisation des clandestins. Parmi les mesures phares, la création d'un statut pour les demandeurs d'asile, ainsi que la reconnaissance du statut de réfugié politique tel que défini par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).
Depuis le 2 janvier, des bureaux des étrangers ont également été ouverts pour traiter les demandes de régularisation et délivrer des permis de travail aux migrants. Selon Mohammed Hassad, ministre de l'Intérieur, « au 15 février, nous avons déjà reçu 11 000 demandes de régularisation, le rythme est de 300 à 400 inscriptions par jour ». Les critiques internationales semblent porter leurs fruits : depuis septembre, la politique de refoulement aux frontières a muté pour prendre un tour plus intégrationniste.
Derrière cette ouverture des frontières, se cache néanmoins la persistance des failles dans le traitement des migrants : les réformes ont apporté une amélioration, mais pas de révolution dans la façon de gérer les entrées de plus en plus nombreuses sur le territoire. Le Maroc est pris entre deux feux. D'une part, le nombre de migrants sans-papiers ne cesse d'augmenter, notamment les demandeurs d'asile qui ont triplé en 2013 selon le HCR. De l'autre, le renforcement des polices aux frontières en Europe fait que davantage de migrants cherchant à entrer en Europe se retrouvent bloqués au Maroc durablement. Les tensions sociales sont en conséquence attisées par la hausse du nombre de subsahariens présents dans le pays, dans un contexte de chômage élevé.
Si le porte-parole du gouvernement Mustapha Khalfi insiste sur les progrès réalisés depuis septembre, toujours est-il que les infractions commises à l'encontre des droits des migrants semblent persister. Le rapport de Human Rights Watch rendu public il y a deux semaines montre que les obstacles sont nombreux pour accéder à la régularisation en dépit de la réforme migratoire. Les réfugiés et demandeurs d'asile seraient ainsi toujours exposés aux expulsions. Plusieurs migrants disposant de certificats d'asile délivrés par HCR confirment dans leurs témoignages avoir été tout de même reconduits à la frontière.
La coopération avec l'Europe: une avancée ?
Le 20 février, une nouvelle réunion se tenait à Paris entre les ministres de l'Intérieur français, espagnol, portugais et marocain. Les questions d'immigration clandestine y étaient évidemment à l'ordre du jour, l'ensemble des pays représentés tentant de juguler le flux d'immigration illégale subsaharienne qui les traverse. La politique migratoire du Maroc étant intrinsèquement liée à celle de l'Union européenne, la coopération semble s'imposer d'elle-même. Néanmoins, il se pourrait que celle-ci joue contre les intérêts marocains. Avec la mise en oeuvre progressive de son statut avancé acquis en 2008 et du partenariat de mobilité signé en juin dernier, le Maroc risque de devoir porter de plus en plus la responsabilité de barrière à l'immigration vers l'Europe, sous peine de voir renvoyés sur son territoire les clandestins ayant accédé à l'Europe par son biais.
En parallèle, la coopération bilatérale avec plusieurs pays européens comme la France, l'Italie ou l'Espagne n'aide pas le pays à calmer les tensions dues à la masse de migrants clandestins qui s'y trouvent. Les accords de réadmission autorisent les pays européens à renvoyer vers le Maroc des immigrants clandestins d'une tierce nationalité, venant ainsi gonfler les rangs des sans-papiers au Maroc. En prime, de véritables vides juridiques existent au sein de ces traités sur certains points, notamment en ce qui concerne les réfugiés. L'accord entre Maroc et Espagne stipule par exemple que le pays de réadmission n'a nulle obligation d'accueillir sur son territoire des réfugiés reconnus comme tels par le pays d'envoi, créant ainsi un flou sur les responsabilités de chacun.
Le Maroc pourrait donc à l'avenir voir ses problèmes d'immigration clandestine s’accroître, à mesure que l'Union européenne externalise ce pan de sa politique. Reste désormais à savoir si la réforme de la politique migratoire enclenchée par le gouvernement aboutira à une amélioration du respect des droits des migrants.
En parallèle, la coopération bilatérale avec plusieurs pays européens comme la France, l'Italie ou l'Espagne n'aide pas le pays à calmer les tensions dues à la masse de migrants clandestins qui s'y trouvent. Les accords de réadmission autorisent les pays européens à renvoyer vers le Maroc des immigrants clandestins d'une tierce nationalité, venant ainsi gonfler les rangs des sans-papiers au Maroc. En prime, de véritables vides juridiques existent au sein de ces traités sur certains points, notamment en ce qui concerne les réfugiés. L'accord entre Maroc et Espagne stipule par exemple que le pays de réadmission n'a nulle obligation d'accueillir sur son territoire des réfugiés reconnus comme tels par le pays d'envoi, créant ainsi un flou sur les responsabilités de chacun.
Le Maroc pourrait donc à l'avenir voir ses problèmes d'immigration clandestine s’accroître, à mesure que l'Union européenne externalise ce pan de sa politique. Reste désormais à savoir si la réforme de la politique migratoire enclenchée par le gouvernement aboutira à une amélioration du respect des droits des migrants.