« Le droit à l’avortement n’est pas européen »

Myriam Amarray
29 Juin 2013



Alors que le débat sur l’IVG appartient au passé en France, il est aujourd’hui remis en cause dans plusieurs pays européens. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les conservateurs élargissent leurs soutiens. Retour sur un phénomène inquiétant.


Crédit Photo -- Scanpix
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Le droit à l’avortement serait-il en danger en Europe ? Acquis social français depuis la loi Veil de 1975, il ne fait pourtant pas l’unanimité dans les pays européens. Dans certains États tels que la Lituanie, les conservateurs font pression pour revenir en arrière et restreindre l’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG).

Située au nord-est de la Pologne, la Lituanie a officiellement rouvert le débat sur le droit à l’avortement au sein du Parlement. Mardi 28 mai, il a en effet renvoyé une proposition de loi déposée par la minorité polonaise en commission parlementaire. Cette ébauche vise à interdire l’IVG, pourtant autorisée jusqu’à la 12e semaine de grossesse, sur simple demande de la femme jusqu’ici. Loin d’être des cas isolés, environ 10 000 avortements sont pratiqués chaque année dans le petit pays balte.

Pourquoi cette remise en question ? Il s’agit de la minorité polonaise établie en Lituanie, particulièrement active et regroupée au sein de l’Alliance électorale des Polonais (LLRA), qui cherche à calquer le droit polonais en Lituanie. Cette minorité, forte de 250 000 personnes représente plus de 6,5% de la population et entretien des rapports tendus avec son pays d’accueil. La Pologne a une des lois les plus restrictives de toute l’Europe : l’IVG n’y est autorisée qu’en cas de maladie grave de l’enfant à naître, de risques importants pour la vie de la mère ou de grossesse due à un viol/inceste. La loi Veil est donc bien française, et les récentes évolutions en la matière ne cessent de le rappeler : le droit à l’avortement n’est pas européen.

Une menace pour le droit des femmes en Europe

La Lituanie n’est pourtant pas le seul pays concerné par cette pression d’une droite conservatrice et particulièrement catholique. L’Italie et l’Espagne sont aussi entrées dans une période de débats autour du droit à l’avortement. Comme le remarquait La Repubblica (par le Courrier International), de plus en plus de gynécologues invoquent l’objection de conscience pour justifier leur refus de pratiquer des IVG.

L’objection de conscience a pour but de protéger la liberté de pensée et d’opinion des professionnels. Dans le cas des gynécologues, ils ont le droit de refuser de pratiquer des IVG si cela va à l’encontre de leurs convictions. La députée européenne britannique Christine McCafferty avait produit un rapport en 2010, notifiant la nécessité d’encadrer cette clause de conscience afin de garantir l’accès à des soins légaux comme l’avortement. Cette proposition a été rejetée par le Conseil de l’Europe, et modifiée, si bien que l’objection de conscience s’est vue renforcée.

Les gynécologues disposent donc d’un droit légitime de refuser de pratiquer ces interventions, d’où des difficultés croissantes pour les femmes qui souhaitent à tout prix avorter. Ce phénomène permet au marché noir de fleurir, peu importe les risques pour la santé de la femme. Le meilleur soin va au plus offrant, même dans ce cas, la loi du marché est reine.

Le retour des avortements clandestins

70% des gynécologues italiens refusent désormais de pratiquer des avortements au nom de cette clause de conscience. Maria Novell de Luca, journaliste pour La Repubblica, estime que 40 à 50 000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année en Italie. En plus de cette recrudescence d’interventions clandestines, les pilules abortives (RU 486) de contrefaçon se multiplient et elles sont « vendue(s) dans les couloirs des métros » selon la journaliste. Ces pilules sont souvent dangereuses pour la santé, car leur but premier est de lutter contre les ulcères, et les femmes en prennent en grande quantité pour provoquer l’interruption de la grossesse. Ces procédés se font majoritairement sans avis médical, et peuvent mettre en danger la vie de ces femmes à cause de doses ingérées trop importantes.

Le catholicisme n’est pas mort

À l’image de ses prédécesseurs, le Pape François Ier a déclaré en qu’il faut « garantir une protection juridique à l'embryon, protégeant ainsi tout être humain dès le premier instant de son existence ». Les manifestations anti-avortement que l’on aime montrer du doigt, n’existent pas qu’aux États-Unis : en mai dernier, 30 000 personnes ont défilé près du Saint-Siège, criant haut et fort leur opposition à l’avortement.

Alors que l’on parle sans cesse de la sécularisation du monde occidental, la religion, et le catholicisme en particulier, est loin d’avoir perdu son influence sur les populations. Les conservateurs, qu’ils soient lituaniens, espagnols, polonais ou encore italiens, se réclament tous majoritairement du catholicisme.

À l’heure où les FEMEN défilent seins nus dans les rues et font scandale, le débat sur le droit à l’avortement est loin d’être terminé. Ces féministes ne sont pas prêtes de remettre leurs t-shirts.

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