Edi Rama et Martin Schulz, président du Parlement européen, le 9 décembre 2014. Crédit Union Européenne 2014 - Parlement européen (licence CC BY-NC-ND 2.0).
Edi Rama est arrivé au pouvoir en septembre 2013, après une large victoire aux élections législatives, grâce au jeu des coalitions politiques ainsi qu’au besoin d’un turnover du gouvernement, après huit ans de droite au pouvoir. Excellent orateur et artiste à ses heures perdues, certains voient en lui un homme politique moderne, visionnaire et occidental. Pour d’autres, il n’en reste pas moins qu’un modèle de la « vieille école politique albanaise », non sans rappeler le proverbe « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ».
Les règles sont faites pour ne pas être respectées
Réélu en 2009 chef du Parti socialiste, il occupe toujours ce poste aujourd'hui. Son parti politique prévoit en théorie des élections tous les quatre ans pour élire son leader, mais aucune n'a été faite depuis sa dernière réélection. Edi Rama se maintient à la tête du parti, ce malgré les demandes incessantes de nouvelles élections de son unique et potentiel rival, Ben Blushi. En revanche, ses proches collaborateurs, peut-être dans le déni total, lui trouvent souvent des excuses, telles que : « Puisque Rama a gagné les élections législatives, il est considéré comme étant élu automatiquement à la tête du parti ». Ben Blushi n'a cependant pas manqué de lui rappeler que même le dictateur Enver Hoxha, qui a été au pouvoir pendant 40 ans, avait organisé des élections tous les quatre ans au sein du parti.
Des hommes politiques peuvent gouverner sans avoir besoin d’être un chef de parti. L’exemple français en est une illustration. François Hollande et Manuel Valls, tous deux membres du Parti socialiste, dirigent le pays sans avoir besoin d’être à la tête du parti. Serait-il aussi compliqué pour le Premier ministre albanais de voir une autre personne diriger « son » parti politique ? Peut-on parler d’un visionnaire, s’il empêche les bases de la démocratie, c'est-à-dire le droit de s’exprimer ou d’élire – d’être élu ? Quel message envoie-t-il aux membres de son parti ainsi qu’aux citoyens ? Y aura-t-il un jour des élections pour élire le chef du PS après sept années passées sans ? Les rivaux potentiels vont-ils être évincés ?
Des leçons sur l’euroscepticisme trop répétitives au penchant moralisateur
Dès le mois de juin 2014, l’Union européenne a accordé à l’Albanie le statut de pays candidat à une adhésion en lui attribuant un dossier constitué d'objectifs à atteindre. Ceux-ci comprennent notamment la lutte contre la corruption et une réforme judiciaire.
Lors des diverses rencontres, plateaux télés - radio ou colloques politiques, les leçons du Premier ministre albanais concernant l’élargissement de l’Union européenne et l’euroscepticisme des partis politiques extrêmes de l’UE sont devenues à peu de choses près moralisatrices.
Il est vrai que certains leaders de ces partis politiques ne souhaitent pas que l’UE s’élargisse. Mais une chose demeure sûre, c’est que l’Albanie ne sera pas membre de l’Union européenne tant que sa classe politique continuera de critiquer la politique européenne et d’autant plus si elle n’atteint pas les objectifs qui lui ont été fixés.
Message contradictoire : Nationalisme vs Union Européenne
Le nationalisme est « une poule aux œufs d’or » pour les dirigeants politiques, mais il demeure dangereux pour l’avenir des peuples. La phrase ci-dessous, prononcée par le Premier ministre albanais, en avril 2015, avait fait couler beaucoup d’encre dans les Balkans et au sein de l’Union européenne, remettant en question sa vision de l’Europe : « si l’UE continue de fermer la porte au Kosovo, les deux pays albanais seront obligés de s’unifier classiquement ».
Cette déclaration avait semé le doute sur sa ligne politique, jusqu'à présent pro-européenne. Ce « pseudo-patriotisme » sur la « Grande Albanie » a uniquement servi les intentions politiques du Premier ministre – c’est-à-dire accroître sa côte de popularité. En revanche, il a essuyé de sévères critiques de la part de la Commission européenne. Cette institution a déclaré que ce point de vue était provocant, inacceptable et allant à l’encontre de la vision européenne et de l’homme politique « Made in Europe ».
Il semblerait que l'Albanie n’ait pas encore trouvé ce leader « Made in Europe » à la ligne politique claire, populaire et européenne. Combien de temps encore l'attendra-t-elle, tout en sachant que le pays s’est engagé à devenir membre de l’Union européenne ?