Le best-seller, Dracula, marque le début de la littérature gothique qui tourne autour du thème des vampires. De ce point de vue, on pourrait considérer le comte comme l’ancêtre du jeune Edward Cullen, protagoniste de Twilight, ou La Saga du Désir interdit, série de romans publiés par Stephanie Meyer ou bien encore de Lestat de Lioncourt, le personnage principal des Chroniques des vampires, série qui appartient à l'écrivaine américaine Anne Rice. On observe quand même une distinction majeure entre le maléfique Dracula qui tue ses victimes innocentes et le vampire « soft », le gentil Edward Cullen qui veut protéger sa bien-aimée. Ce changement de vision ne correspond plus à la typologie folklorique du vampire telle qu'elle est décrite par les légendes roumaines.
Dans la tradition populaire, la personne qui avait fait du mal pendant sa vie, qui mourait d'une manière brutale ou qui n'était pas inhumée selon les coutumes se transformait en strigoi (équivalent du vampire) après sa mort. Les strigoi sortaient de leurs tombes et venaient troubler leurs proches. Afin de se protéger de ces morts-vivants, les villageois construisaient une barrière de sel, en mettant de l'ail à l'intérieur de leurs maisons. D'autres objets repoussant les vampires étaient le crucifix et l'eau bénite qui leurs brûlaient la peau en contact avec l'objet. Leur destruction était possible, en mettant un pieu dans le cœur.
Vlad Tepes, le prince sanglant
La légende sanglante du comte Dracula est fortement liée au règne de Vlad Tepes (L'Empaleur), prince de Valachie (aujourd'hui région du sud de la Roumanie), province qui constituait le dernier rempart du christianisme face à l’invasion Ottomane, au XVème siècle. Ce prince, né en Transylvanie en 1431 et couronné Prince de Valachie en 1436, s'installe au Palais de Targoviste. Victor Hugo, dans la « Légende des Siècles », décrit sa manière terrible de punir toute infraction de mort, « du pal ». Il aurait empalé des centaines de milliers d'hommes : négociants allemands de Transylvanie, membres de la noblesse, prisonniers ottomans... D'ailleurs, il s'est fait connaître par la "Forêt des Pals", lieu où était dressé les corps des officiers turcs sur des pals, qui se trouvaient aux alentours de son château. Pourtant, cette technique « du pal » était très populaire à l'époque parmi les princes européens.
Alors pourquoi toute une légende autour de la cruauté de Vlad Tepes ? Si on regarde les chroniques de son époque, on observe que même l'apparence physique du prince faisait peur aux émissaires, responsables de missions diplomatiques. « Il n’était pas très grand, mais râblé et fort, avec un aspect cruel, terrible, un nez droit, des narines dilatées, un visage mince et rougeaud ou les grands yeux verts, bien fendus, étaient ombrés par des sourcils noirs, broussailleux qui les faisaient menaçants. Il avait les joues et le menton rasés et portait une moustache. Les tempes gonflées augmentaient le volume de la tête que soutenait un cou de taureau encadré par les vagues d’une légère chevelure bouclée, noire, qui retombait sur de larges épaules. » ( Description d'un émissaire à Pie II).
Vlad Tepes. Crédit DR
Le prince valaque, dont l'image reste associée au comte Dracula, occupe la première place dans le classement fait par une revue américaine, intitulé 10 Monumental Malignantly Narcissistic Sociopaths, avant le criminel nazi, Reinhard Heydrich. Ce choix avait indigné l'opinion publique roumaine qui souhaite montrer la vérité ; les historiens le considèrent comme un prince très important dans la lutte contre l'Empire Ottoman, son père faisant partie de l'Ordre du Dragon, ordre de chevalerie créé en 1408 par Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie, afin d’empêcher l'expansion ottomane en Europe. En réalité, quelques anecdotes du XVème siècle racontées par les saxons de Transylvanie soutiennent la théorie selon laquelle il ordonna que les punis soient écorchés, bouillis, décapités, rendus aveugles, étranglés, pendus, brûlés, frits, cloués, enterrés vivants etc. Il aime couper le nez de ses victimes, les oreilles, les organes génitaux et la langue.
Mais sa méthode favorite est la mise au pal, d’où son surnom d’Empaleur. Dans son objectif de rendre la justice, ce prince sanglant surnommé après sa mort Dracula, c'est-à-dire le diable dans la langue valaque, choque ses contemporains avec ses méthodes de torture sadique. Lorsque les émissaires du sultan ottoman Mehmed II, fils de Mourad, refusent d'ôter leurs turbans face à lui, il les leur fait clouer sur le crâne. Ce comportement extrême pourrait-il être justifié par un passé tragique de l'enfant Vlad Tepes, dont la famille avait été assassinée et ayant vécu par la suite en Turquie comme prisonnier pendant son adolescence ?
Dracula, une histoire au milieu des Carpates
Le mystère qui entoure la mort de Vlad l'Empaleur avait favorisé la diffusion de la légende de Dracula. Le folklore dit que le prince s'est transformé en vampire, vu que le vainqueur d'une bataille avait besoin de boire le sang des vaincus pour regagner sa force. L'histoire du vampire des Carpates attirent les touristes qui découvrent la Roumanie à travers cette légende. Même si la destination préférée des touristes est le château de Bran, en Transylvanie, qui correspond assez à l'image que véhicule la mythologie de Dracula, il est important de faire une petite précision : aucun document historique ne corrobore la présence de Vlad Tepes à Bran.
Le règne du prince est associée au Palais de Targoviste, capitale de Valachie à son époque, ou bien à la citadelle de Poenari, connue pour son rôle de défense contre l'invasion turque. Certes, ces trois objectifs touristiques contribuent à la popularisation de la vraie histoire du comte Dracula. Si vous êtes des passionnés du folklore roumain ou du mythe du vampire, la Roumanie est le prochain arrêt. N'oubliez pas l'ail quand même ! Certains disent que le compte Dracula se ballade chaque nuit dans les couloirs de ses châteaux...