Très en vue lors des négociations sur la question nucléaire les 15 et 16 octobre à Genève, Javad Zarif est l’un des nouveaux grands diplomates de la République islamique iranienne. Arrivé au gouvernement en août dernier, il incarne le renouveau de la classe politique et les espoirs de changement de la jeunesse iranienne. Selon Robin Wright, journaliste au magazine Time, Javad Zarif aurait été approché par trois des six candidats à l’élection présidentielle de juillet pour devenir ministre des Affaires Etrangères en cas de victoire. Ce n’est donc pas un hasard s’il a été choisi par Hassan Rohani pour être son chef de la diplomatie.
Itinéraire d’un diplomate…pas vraiment gâté
Né à Téhéran en 1960, Javad Zarif a 15 ans lorsqu’il foule le sol américain pour la première fois, en emménageant à San Francisco. Il poursuit ensuite des études prestigieuses à l’Université de Denver avant de commencer une longue carrière de diplomate. Pendant ses études, il soutient la révolution iranienne et se voit confier sa première tâche diplomatique en au consulat de San Francisco. Une façon pour lui de suivre la vie diplomatique de son pays natal à travers le prisme américain. En 1987, il participe aux négociations de la résolution 598 du Conseil de sécurité de l’ONU, celle-là même qui a mis fin à la guerre entre l'Irak et l'Iran.
Mais c’est véritablement à New York, en tant qu’ambassadeur iranien auprès des Nations Unies de 1988 à 1992 puis de 2002 à 2007, qu’il a fait ces armes sur la scène diplomatique mondiale. Pendant toutes ses années, il y défendra invariablement un projet de rapprochement diplomatique entre l’Iran et les USA.
Cependant, sa proximité avec les États-Unis finit par lui jouer des tours puisqu’en 2007 il est écarté par Mahmoud Ahmadinejad pour ses positions jugées trop clémentes vis-à-vis des États-Unis, au moment même où les relations américano-iraniennes se crispent. À l’époque, face au duel George W. Bush - Mahmoud Ahmadinejad, la guerre nucléaire est presque plus plausible que la sortie de crise par la diplomatie. En 2008, l’arrivée de Barack Obama en 2008 suscite un nouvel espoir sur la question iranienne. Mais c’était sans compter sur le Président iranien qui maintient une politique de totale fermeture avec les États-Unis, qualifié par les Iraniens de « Grand Satan ».
La chance a fini par tourner pour Javad Zarif, qui saisit l’opportunité que lui donne Hassan Rohani pour rentrer au gouvernement en août 2013. Retour au pouvoir qualifié de « seconde chance » par le principal concerné. Désormais chef de la diplomatie iranienne, il peut œuvrer pour l’apaisement des relations américano-iraniennes qu’il n’a cessé de réclamer depuis 1988 à l’ONU.
Mais c’est véritablement à New York, en tant qu’ambassadeur iranien auprès des Nations Unies de 1988 à 1992 puis de 2002 à 2007, qu’il a fait ces armes sur la scène diplomatique mondiale. Pendant toutes ses années, il y défendra invariablement un projet de rapprochement diplomatique entre l’Iran et les USA.
Cependant, sa proximité avec les États-Unis finit par lui jouer des tours puisqu’en 2007 il est écarté par Mahmoud Ahmadinejad pour ses positions jugées trop clémentes vis-à-vis des États-Unis, au moment même où les relations américano-iraniennes se crispent. À l’époque, face au duel George W. Bush - Mahmoud Ahmadinejad, la guerre nucléaire est presque plus plausible que la sortie de crise par la diplomatie. En 2008, l’arrivée de Barack Obama en 2008 suscite un nouvel espoir sur la question iranienne. Mais c’était sans compter sur le Président iranien qui maintient une politique de totale fermeture avec les États-Unis, qualifié par les Iraniens de « Grand Satan ».
La chance a fini par tourner pour Javad Zarif, qui saisit l’opportunité que lui donne Hassan Rohani pour rentrer au gouvernement en août 2013. Retour au pouvoir qualifié de « seconde chance » par le principal concerné. Désormais chef de la diplomatie iranienne, il peut œuvrer pour l’apaisement des relations américano-iraniennes qu’il n’a cessé de réclamer depuis 1988 à l’ONU.
Des avancées incontestables sur le nucléaire
Fin septembre 2013, Javad Zarif s’est entretenu à l’ONU en tête à tête avec son homologue américain John Kerry. Cette entrevue concernant les réunions et le calendrier des futures négociations sur le dossier du nucléaire a été sans précédent. John Kerry dit avoir apprécié le « changement de cap » de l’Iran ; il va jusqu’à se féliciter de l’initiative de son interlocuteur : « Son ton et sa vision différentes ouvrent des possibilités pour l'avenir ».
Ces avancées dans l’apaisement se sont poursuivies les 15 et 16 octobre derniers, alors que Javad Zarif a présidé la délégation iranienne aux négociations avec les représentants du groupe P+5, à savoir les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) et l'Allemagne. Le succès de ces deux jours de négociations est indiscutable au regard de l’absence totale de discussions sur ce sujet sous l’ère Ahmadinejad. Javad Zarif a remis une feuille de route sur le programme nucléaire iranien, qui fera l’objet d’une nouvelle réunion aujourd’hui et demain [les 7 et 8 novembre 2013, ndlr]. Catherine Ashton, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, estime que cette première étape constitue « l’établissement de fondations pour le futur ».
Ce rapprochement n’est pas sans susciter mécontentement et rancœur en Iran où le président Rohani et le ministre Zarif se mettent à dos nombre d’Iraniens qui, sous le joug d’une idéologie anti-occidentale latente mais bien présente, ne tolèrent pas de voir leurs représentants aller dans le sens d’un apaisement. Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de Californie depuis 1992, qui a notamment côtoyé Javad Zarif aux Nations Unies ne cache pas son espoir et sa confiance en ce dernier : « Il ne joue pas. Je pense sincèrement qu’un accord est possible ».
Ces avancées dans l’apaisement se sont poursuivies les 15 et 16 octobre derniers, alors que Javad Zarif a présidé la délégation iranienne aux négociations avec les représentants du groupe P+5, à savoir les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) et l'Allemagne. Le succès de ces deux jours de négociations est indiscutable au regard de l’absence totale de discussions sur ce sujet sous l’ère Ahmadinejad. Javad Zarif a remis une feuille de route sur le programme nucléaire iranien, qui fera l’objet d’une nouvelle réunion aujourd’hui et demain [les 7 et 8 novembre 2013, ndlr]. Catherine Ashton, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, estime que cette première étape constitue « l’établissement de fondations pour le futur ».
Ce rapprochement n’est pas sans susciter mécontentement et rancœur en Iran où le président Rohani et le ministre Zarif se mettent à dos nombre d’Iraniens qui, sous le joug d’une idéologie anti-occidentale latente mais bien présente, ne tolèrent pas de voir leurs représentants aller dans le sens d’un apaisement. Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de Californie depuis 1992, qui a notamment côtoyé Javad Zarif aux Nations Unies ne cache pas son espoir et sa confiance en ce dernier : « Il ne joue pas. Je pense sincèrement qu’un accord est possible ».
Un homme politique pas comme les autres
La restriction de l’accès à internet en Iran n’empêche pas les leaders politiques de partager et de communiquer via ce réseau, et surtout pas Javad Zarif. Plus encore, il est l’archétype du « tweetpolitique » qui, dans une démarche de transparence, utilise la vitesse et la puissance de l’outil internet. Sur Twitter, il possède presque autant de followers que le président Rohani, et guère moins que Laurent Fabius. Mais c’est sur Facebook qu’il bat des records avec plus d’un demi-million de likes, soit, pour donner un ordre de grandeur, deux fois plus que Franck Ribéry, cinq fois plus que Condoleeza Rice, ou cent fois plus que Laurent Fabius. Ce n’est bien sûr qu’un détail, mais le changement d’approche est bien visible. Non seulement sur internet, où il n’hésite pas à se donner une image d’homme moderne, mais aussi lors des conférences de presse. Sa parfaite maîtrise de l’anglais lui permet de venir en personne sur des chaînes de télévision américaines.
Pourtant, ce n’est pas tant la langue dans laquelle il s’exprime qui est remarquable, mais bien ses propos. Il qualifie l’Holocauste de « crime haineux » et de « génocide » alors que jusqu’à présent le discours iranien sur la Shoah était davantage proche du négationnisme. Cette interview n’est d’ailleurs pas passée inaperçue dans les médias, tant la rupture avec ses prédécesseurs était flagrante.
Pourtant, ce n’est pas tant la langue dans laquelle il s’exprime qui est remarquable, mais bien ses propos. Il qualifie l’Holocauste de « crime haineux » et de « génocide » alors que jusqu’à présent le discours iranien sur la Shoah était davantage proche du négationnisme. Cette interview n’est d’ailleurs pas passée inaperçue dans les médias, tant la rupture avec ses prédécesseurs était flagrante.
Un Iran pro-américain ?
Alors que des affiches avec le slogan « Mort à l’Amérique » fleurissaient sur les murs de Téhéran depuis plus de 34 ans, les autorités iraniennes ont décidé la semaine dernière de supprimer certaines de ces pancartes. Plus précisément, c’est une campagne remettant en cause l’honnêteté en affaires des Américains qui est visée. Le message lancé aux Occidentaux est fort. Le « Grand Satan » ne serait donc plus le grand méchant Washington. Les plus sceptiques ne se privent pas de qualifier ce comportement soudainement coopératif d’imposture ou de mise en scène théâtrale, ayant pour seul et unique objectif un gain de temps précieux pour l’enrichissement d’uranium. Ou une certaine forme de rachat auprès de l’opinion internationale.
Et pourtant, les réactions dans la société iranienne ont été nombreuses et laissent transparaître un certain malaise. Les conservateurs ont d’ores et déjà décidé d’organiser un immense colloque intitulé « La grande conférence de mort à l'Amérique » pour montrer leur profonde désapprobation à l’égard de la politique de Javad Zarif. Le quotidien ultraconservateur Kayhan va jusqu’à qualifier cette détente de « résignation » face aux États-Unis. Si apaisement il y a, il ne faut pas non plus s’attendre à un changement trop rapide de la société iranienne qui sort de plus de trois décennies d’aversion au monde occidental. Nombres d’élites politiques iraniennes ont effectué leurs études à l’étranger et se déclarent ouvertes au monde actuel : Javad Zarif n’est pas un cas isolé. À commencer par Hassan Rohani lui-même, qui a fait une partie de ses études à l’université de Glasgow.
La situation est donc double, entre une élite nouvellement arrivée au pouvoir que l’on pourrait presque qualifier de progressiste, et l’immense majorité de la société. Comme le résume Ryan Crocker, diplomate américain et expert du Moyen-Orient : « La question principale est de savoir si les extrémistes, à Téhéran comme à Washington, saboteront automatiquement ce qui résultera de ces efforts pour améliorer les relations diplomatiques ». Si tel est le cas, alors le danger est celui d’une recrudescence des extrêmes, tant le discours pro-américain semble parfois en décalage avec les attentes de la majorité des Iraniens.
La situation actuelle fait évidemment penser à celle de la détente des relations américano-russes. Tout comme l’URSS avant l’arrivée de Gorbatchev, l’Iran est économiquement asphyxiée par les sanctions de la communauté internationale et n’a plus vraiment d’autre choix que de tout faire pour les lever. Et si Javad Zarif lui-même évoque cette similitude, c’est bien que la volonté d’apaisement est réelle. Dans un entretien avec Robin Wright, Javad Zarif aurait déclaré « Cette fois, je ne peux pas me permettre d’échouer ». Le prochain grand rendez-vous aura lieu à Genève lors des négociations sur le nucléaire iranien. Nul doute que le chef de la diplomatie devra jouer de sa personnalité singulière et de ses atouts linguistiques pour défendre la feuille de route remise à la mi-septembre.
Site officiel de UN'ESSEC
Et pourtant, les réactions dans la société iranienne ont été nombreuses et laissent transparaître un certain malaise. Les conservateurs ont d’ores et déjà décidé d’organiser un immense colloque intitulé « La grande conférence de mort à l'Amérique » pour montrer leur profonde désapprobation à l’égard de la politique de Javad Zarif. Le quotidien ultraconservateur Kayhan va jusqu’à qualifier cette détente de « résignation » face aux États-Unis. Si apaisement il y a, il ne faut pas non plus s’attendre à un changement trop rapide de la société iranienne qui sort de plus de trois décennies d’aversion au monde occidental. Nombres d’élites politiques iraniennes ont effectué leurs études à l’étranger et se déclarent ouvertes au monde actuel : Javad Zarif n’est pas un cas isolé. À commencer par Hassan Rohani lui-même, qui a fait une partie de ses études à l’université de Glasgow.
La situation est donc double, entre une élite nouvellement arrivée au pouvoir que l’on pourrait presque qualifier de progressiste, et l’immense majorité de la société. Comme le résume Ryan Crocker, diplomate américain et expert du Moyen-Orient : « La question principale est de savoir si les extrémistes, à Téhéran comme à Washington, saboteront automatiquement ce qui résultera de ces efforts pour améliorer les relations diplomatiques ». Si tel est le cas, alors le danger est celui d’une recrudescence des extrêmes, tant le discours pro-américain semble parfois en décalage avec les attentes de la majorité des Iraniens.
La situation actuelle fait évidemment penser à celle de la détente des relations américano-russes. Tout comme l’URSS avant l’arrivée de Gorbatchev, l’Iran est économiquement asphyxiée par les sanctions de la communauté internationale et n’a plus vraiment d’autre choix que de tout faire pour les lever. Et si Javad Zarif lui-même évoque cette similitude, c’est bien que la volonté d’apaisement est réelle. Dans un entretien avec Robin Wright, Javad Zarif aurait déclaré « Cette fois, je ne peux pas me permettre d’échouer ». Le prochain grand rendez-vous aura lieu à Genève lors des négociations sur le nucléaire iranien. Nul doute que le chef de la diplomatie devra jouer de sa personnalité singulière et de ses atouts linguistiques pour défendre la feuille de route remise à la mi-septembre.
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